« Sans mandat de perquisition »
Une chaleur étouffante me saisit la gorge. C'est étrange de la revoir après tout ce temps, en plus elle revient métamorphosé de la tête au pied. On aurait vraiment dit une autre personne ; je ne l'ai jamais vu autant femme qu'aujourd'hui. Le plus marquant quand on la voit, c'est sa nouvelle coupe. Qui l'aurait cru ? On la voyait traîné dans la cité avec ses sh3als toujours attachés, à présent elle les a tellement court, qu'elle laisse le vent s'en charger. Son retour résonne comme un crissement de pneu dans mes tympans. Une personne m'attrape l'épaule, mon coup de chaud s'est amplifié, c'est quoi ce bordel ? Je me retourne, et c'est personne d'autre qu'un collègue du quartier à qui j'ai demandé un service. Il a une boîte en carton entre les mains.
- Respire gros, t'as vu un fantôme ou quoi ?
- Non. Bien ?
- Toujours. Elle m'a donné ce que tu m'avais demandé. Tiens.
- Pourquoi tu l'as foutu dans une boîte en carton ?
- Tranquille, ça lui fais pas de mal au contraire.
- Ci-mer, akhi.
- T'inquiète.
Il s'éclipse sans ajouter un mot. Je m'arrête sur les escaliers pour reprendre mon souffle. Je dépose le carton près de moi. Sa réapparition m'a été craché en pleine gueule. Putain ! J'y étais pas préparé Wallah, pour moi, elle allait revenir mais pas maintenant. Mon acolyte de toujours.. cette histoire a foutu en l'air notre amitié. Je regrette de ne pas avoir su décrypter ses sentiments et les contre-carrer. Je regrette un milliard de choses. Sur le moment, j'ai qu'une seule envie c'est de me désintégrer. Je suis plus que blasé sur ce coup. Tout ce qu'elle partage avec ce Anas, on le partageait. Les délires, les prises de têtes, les gamineries.. elle savait me monter au cerveau comme me sortir des nuages. Comme la décrivait ma mère, c'est une femme en or. En vrai, elle n'a rien à envier à personne. Tu lui donnes un glaive et une armure, elle s'en sert comme une pro. Pendant un temps, j'ai eu de l'admiration pour elle, j'en ai toujours d'ailleurs ; elle a une force incroyable. Des missiles, des bombes, des armes peuvent être pointer vers elle, elle saura en tout temps, garder la tête haute. Tu peux la piétiner, l'insulter, elle saura te rendre l'appareil, à sa manière.
C'est un truc de ouf. On pense connaître les gens, mais en vérité, on connaît que ce qu'ils laissent transparaître. Ses mimiques, ses moindres faits et gestes, je pensais très honnêtement, les connaître par cœur. La réalité m'a très vite rattrapé. Une facette d'elle que je ne connais pas m'a bombardé le ghelb ; l'art de dissimuler le bordel dans sa poitrine. Sa jalousie envers Fatiha, je la prenais comme une manie surprotectrice, mais non.. inconsciemment, je lui faisais du mal. Dans tout ce vacarme, elle a réussi à rester digne. Ouais, j'admire cette capacité qu'elle a de tout stocker pour tout lâcher au moment opportun. Je suis définitivement lassé..
J'entends des bruits de pas. Quand je sens une présence près de moi, je lève les yeux. Mon voisin. Un vieille homme très replié sur lui-même vivant dans l'un des appart' avec sa femme. Malgré son côté ferme, il a un visage lumineux, une dinguerie ! Il me regarde avec un regard interrogatif. Tranquille, je vais bien cousin. Enfin à voir. Je lui tends une poignée de main pour qu'il s'en aille le plus rapidement possible. Il reste immobile. Je prends un moment avant de capter que le carton gêne le passage. J'attrape ma boîte et m'excuse. Il part en esquissant un sourire mystérieux.
Je reprends mes esprits et grimpe les escaliers. J'insère la clef dans la serrure mais c'est ouvert. J'ai dû oublier de fermer en partant ce matin. Je donne un coup de pied pour refermer derrière-moi. Sans que je comprenne rien à ma vie, quelqu'un monte sur mon dos. Je sens son parfum de jasmin, j'en conclus que c'est ma boule d'énergie. Inévitablement, je souri. C'est rarement qu'elle met un orteil dans cette baraque, quand elle le fait, ça fait toujours plaisir. De plus, on s'est pas vu depuis quelques jours à cause de sa sœur la dépressive. Ces temps-ci, elle joue les femmes enceintes capricieuses, H24 pleurnicheuses. C'est relou. Malak a essayé de prendre contact avec Hassan a mon insu mais sans succès. Elle comprend pas que ce fils de rat, n'en a rien à faire de ce gamin. Ça se trouve même qu'il a un tas de gamin éparpillés dans toute la France, faut s'attendre à tout venant de ce mec.
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Le naufragé de la rue
General FictionLa perte c'est la peste. Elle nous poursuit toute notre vie. - Laïli.M HISTOIRE NON ECRITE PAR MOI