« La blessure incurable »
Ma main voyage sur le lit pour la retrouver, et la serrer dans mes bras mais, je ne sens que l'oreiller du bout des doigts. Les yeux mi-clos, je la cherche : elle n'est pas là. Je suis pris par un soubresaut, mes prunelles s'écarquillent ; je n'ai pas rêvé ! la nuit dernière elle a dormi avec moi. Mes mains viennent caresser mon visage, astiquer mes yeux pour bien me remettre d'aplomb. Un rictus de gamin se dessine ; bordel, je l'ai dis. Ces trois mots qui étaient une bête noire pour ma langue, je l'ai finalement sorti. En sah, il faut du courage pour faire ce que j'ai fais ; j'ai marché sur des mines de dynamites sans qu'elles me pètent à la gueule. J'ai déminé le terrain avec la témérité d'un soldat. Je crois que c'est la meilleure nuit que j'ai passé de toute ma vie.
Une odeur de café flotte dans l'air. Cette odeur n'a pas titillé mes narines depuis un bon bout de temps ; j'ai délaissé le café quand elle est partie de la baraque. Je sors du lit plus en forme que jamais ; p'têtre même fière, ouais ! J'ai vaincu ma frousse et je lui ai débité mes sentiments comme un rajel. Le salon est en sens dessus dessous, c'est vrai qu'en ce moment j'ai abandonné mon toit. Des papiers traînent sur mon bureau et agonisent au sol. Elle n'est pas là ; ni dans la salle d'eau. Je me gratte le sommet du crâne, ensuite, caresse ma nuque, je comprends pas : elle est passée où ? Je pars dans la cuisine déconcerté, j'ai pas rêvé l'odeur du café : il y a une tasse sur la table. Castré sous la tasse, une feuille me nargue du coin de l'œil. J'attrape le mot et le déchiffre à haute voix comme un môme ne sachant pas lire.
« Une nuit ne pansera pas ma solitude, des mots n'atténueront pas mes incertitudes. Tu m'as dis ce que je voulais entendre depuis qu'on est mariés et j'en suis littéralement heureuse car tu sais très bien ce que je ressens pour toi. Cependant, je ne suis pas auprès de toi en c'moment car je ne sais pas ce qui se passe vraiment dans ta tête. J'ai du mal à te cerner ; d'un coté je penses que tu m'aimes puisque tu me l'as dis ; de l'autre, je sais que Melha compte énormément à tes yeux, comme tu comptes pour elle. Comme je te l'ai dis une fois, j'ai la certitude que j'ai brisé quelque chose entre vous deux. Je me suis immiscée dans vos deux vies sans crier gare, ni allumer les gyrophares. Oui, je suis ta femme. Oui, tu m'as épousé. Oui, tu la considères comme une sœur. Mais, ouvre les yeux, ce n'est pas ta sœur, ça, il faut que tu te l'encres dans le crâne. Tu l'as embrassé, ce baiser n'était pas anodin. Tu l'as fais espéré. Tu l'as brisé. À présent, remets-toi en question Azhar.
Je veux que tu mettes des mots sur les sentiments que t'as envers cette femme. Elle ne mérite pas de vivre dans le doute, l'incompréhension et la tristesse. Tu sais ? Je me sens fausse par rapport à elle, parce que les yeux de Melha, ne trompe pas, sa sincérité est percutante voire effrayante ; elle t'aime énormément. Pourquoi tu l'as embrassé ? Pourquoi ça a failli aller plus loin entre vous ? Pourquoi... ? Mets des mots sur tes sentiments pour guérir nos maux à tous les trois. Mes positions restent les même, oublie cette nuit, je ferais de même de mon côté jusqu'à ce que nos ciels se dégagent.
PS : Je me suis permis de te préparer de quoi boire, attention, c'est chaud. »
La nuit dernière elle s'est donnée à moi comme jamais. Je lui ai dis la chose qui me pesait le plus et qu'elle attendait, et maintenant, elle veut que je mette des mots sur mes sentiments envers cette femme ; c'est shab la caméra caché ? Dîtes-moi qu'elle dahak parce que j'ai l'impression d'être dans un cauchemar. La racli, je lui déballe des trucs de ouf, elle me l'a fais à l'envers. Une espèce de colère me colle au train. Je prends le café et le bois. Aaarf ! Ça brûle sa mère ! Je lâche la tasse qui me tombe aux pieds, et par dessus le marché, je me rebrûle.
J'ai envie de foncer dans le mur ! Elle veut que je m'asphyxie le cerveau en pensant à des trucs que je veux zappé. Melha... Melha... c'est... putain ! Je m'installe sur mon canapé, la tête renversée sur le dossier, le papier à la main ; pourquoi tu l'as embrassé ? Pourquoi ça a failli aller plus loin ? Pourquoi ?... Si je pouvais m'approprier la réponse à ces questions, ce serait kiffant sa mère ! J'aimerais retourné en enfance, plus avoir de problème de meufs, vivre une vie sans soucis, vivre de prouesses sans promesses. J'en ai marre d'être le responsable de la peine des autres.

VOUS LISEZ
Le naufragé de la rue
General FictionLa perte c'est la peste. Elle nous poursuit toute notre vie. - Laïli.M HISTOIRE NON ECRITE PAR MOI