« Pensées inondées. »
Toute la journée avec les frères on a monté mes meubles. Heureusement que la solidarité existe encore. J'habite dans mon nouvelle appart', sans aucune femme pour m'aider : ça prouve que je peux faire beaucoup de chose par moi-même, certes le rendu n'est pas spectaculaire mais on fait comme on peut.
Allongé sur mon canapé, je lis son journal avec beaucoup d'attention. Sur chaque page se trouve une partie de sa vie, une partie de ses rêves. Elle a gratté chaque jour de son existence avec beaucoup de soin. Chaque syllabe me transperce le cœur, une chose est sûr : elle nous aimait plus que sa propre vie. Yemma était une femme à part entière, la seule personne capable de lire dans mon cœur même quand il est fermé. Elle me manque. Une faucheuse me l'a ôté mais les souvenirs sont là. Je divague complètement. Encore, et encore, j'ai l'impression qu'elle est là entrain de m'observer.
Ce soir, comme tous les soirs mon cerveau est calciné. Cette fois-ci non pas par l'illicite mais par mes réflexions interminable ! Une phrase qu'elle a marquée m'interpelle : « La foi est une eau de vie. Le cœur est un champ, il faut l'entretenir en l'aimant, en déracinant les mauvais herbes tout en l'abreuvant d'eau de vie. » Ton fils n'a aucun des deux. Je suis qu'un pauvre con, dans l' œil du cyclope. La société est comparable a un cyclope, elle n'a qu'un œil, elle ne voit pas plus loin que le bout de son nez. La constance paie toujours disait-elle... sottise ! J'ai perdu cette persévérance en voyant les putains d'inégalités qui polluent notre air. J'ai insisté mille et une fois, et on m'a vu comme un pauvre gosse d'immigré à la recherche du succès, en vain. Ils m'ont laissés aucune chance yemma, t'es morte en voyant ton fils échoué. Cette sensation d'être un déchet humain me tue.
L'insomnie me gagne.
Il est cinq heures du matin, je traîne dans la cité. Mes jambes sont à la recherche d'un refuge ça et là. Les noctambules de la cité rentrent chez eux, des pères partent au taf, des mères ouvrent leur fenêtre... je remarque au loin, un frère marchant vers la mosquée : une lumière. Pour la première fois depuis sa mort, j'ai envie de me confier. Le refuge que je cherche est la maison de Dieu. Elle est morte sans avoir eu droit d'invocation de la part de son propre fils. La honte se réveille, elle s'amplifie. Mon père a raison, je l'aime pas autant que je m'entête à le dire. Mes yeux sont humide, j'ai posé à peine le pied droit dans Son palais que mon cœur a lâché. Une pluralité de souvenirs sont venus se nicher dans ma tête : combien de fois sommes-nous venus ici prier le tarawih ? Combien de fois sommes-nous venus ici prier la prière de l'Aïd ? Combien de fois ai-je mis les pieds dans cette endroit ? Impossible d'y répondre.
Les ablutions ont la particularité de nous laver de nos péchés, c'est bel et bien le cas. J'ai cette impression grandissante d'être pure. J'évite chaque regard qui m'étudie. Je me rends compte à quel point je manque à mon devoir de musulman. Je prône une religion que je ne pratique pas. Je revendique une religion sans lui porter d'attention. Nous nous revendiquons d'une confession, que nous ne pratiquons pas, quel honte ! La salle de prière est vide : les personnes âgés font partis de la majorité des présents, les absents font partis de ma génération. Hakim est là. Mon regard rencontre le sien. Il a cette compassion que je n'ai pas, il a cette foi qu'il me manque.
L'imam psalmodie. Chaque versets qu'il récite sont une rédemption pour mon âme. Il récite un verset qui m'a chamboulé dans tous les sens du terme : « Commanderez-vous aux gens de faire le bien, et vous oubliez vous même de le faire, alors que vous récitez le Livre ? Êtes-vous dépourvus de raison ? » [S. Al Baqara/verset 44]
Il s'adresse à moi, le Créateur des cieux et de la terre s'adresse à une créature dépourvus de raison. Le pire des péchés que j'ai pu commettre est cette lâcheté dont j'ai fais preuve. Elle m'a élevé toute ses années, et j'ai eu aucun scrupule à la délaisser. Je prétends être un homme alors que je n'ai pas eu le courage d'assister à son enterrement. Cette question finira par me tuer : quel genre de fils je suis ? Allah m'a donné la vie à travers elle, je me devais d'être avec elle. Je me morfonds en délaissant Celui qui a repris son âme : nous sommes condamnés à retourner vers Celui qui nous à créer. Je me nourris d'illicite au lieu de me nourrir de verset. Mon cœur palpite, je perds l'équilibre. Dans un élan de regret, je crache mon amertume le front embrassant le sol. Je crache tous ce que je n'aurais jamais eu le courage de dire à un être humain.

VOUS LISEZ
Le naufragé de la rue
Ficção GeralLa perte c'est la peste. Elle nous poursuit toute notre vie. - Laïli.M HISTOIRE NON ECRITE PAR MOI