« Perdu(e) ! »
J'écrase ma clope, et en prends une autre. J'étais sur le point de l'allumer quand j'entends quelqu'un dévaler les escaliers. Elle pointe le bout de son nez, son sac sur l'épaule, vêtue chaudement. Elle s'arrête à l'avant dernière marche. Elle me fait des pantomimes de fou. Je comprends qu'elle perds de jour en jour la tête : son langage des signes me donnent qu'une envie c'est de m'arracher et la laisser dans son délire. Elle est intelligible lorsqu'elle pointe du doigt ma cigarette.
- Tu pouvais pas le dire ? Sah, tu me désespères !
- Quand je parle on me comprends pas et quand je fais des signes encore moins.
- Si tu veux qu'on te comprenne reste silencieuse.
- Non, si je reste tranquille, c'est qu'il y a un problème.
- Bouge ton cadavre avant que je change d'avis.
Elle marche à côté de moi. Contrairement à ses âmes sans souffle, elle vit. Malgré les hauts et les bas dans son quotidien, elle respire la béatitude. Même les âmes torturés retrouvent un semblant de sourire avec elle. Cette meuf, c'est la lune : tu vis dans le noir, elle essaie de t'éclairer. Quatre mois depuis sa mort que j'arrive pas à me recentrer. Quatre mois que je côtoie Malak. Quatre mois que mon équilibre est mis à rude épreuve. Je la fixe. Elle parle sans s'arrêter, un moulin à parole. Elle est ouverte sur n'importe qu'elle sujet, sauf sur sa vie. La preuve tout à l'heure, si j'avais pas insisté sur sa sœur, elle aurait rien déballé.
Les mots qu'elle sort me charcute. Son rire me bousille les tympans. Elle va me rendre plus taré que je le suis. Les nuages gris se dessinent dans le ciel, ils ont l'air en pleine réflexion tout comme moi. On marche depuis à peine cinq minutes, mais j'ai l'impression que ça fait perpét'. Pour moi, toute son éloquence n'est que duplicité, elle a un double visage, c'est cramé qu'elle chiale sans pression chez elle mais devant le reste du monde, elle fait la p'tite meuf joyeuse qui crache toute les félicités de la planète. Les personnes les plus souriante, sont ceux qui souffre le plus. Vaut mieux pas sourire du tout !
Elle s'arrête. Un frère habillé d'un qamis nous salam. Je lui serre la main en répondant à la salutation. Il tape la discute avec Malak sur « le déroulement du partage », les yeux frôlant le sol. Elle sourit, ça me perturbe de dingue ! Je commence à me faire une bande annonce, dans ma tête c'est con ! Mais c'est leur futur que je vois. L'homme est super respectueux. Son comportement m'interpelle. La conversation dure à peine trois minutes. Il disparaît.
- C'était qui lui ?
- Hakim. Il a créé une association dans la Mosquée pour les sans-abris et autre. D'habitude c'est sa sœur qui gère les partages mais vu qu'elle est en vacance avec son mari, il me demandait si je pouvais m'en occuper en attendant le retour de sa sœur. Faut écouter un peu Azhar. C'est la première fois qu'il m'adresse vraiment la parole. Je suis un peu perturbée là.
- Perturbée parce qu'il t'intéresse ?
- Non ! Mais n'importe quoi !
- T'es cramé meuf.
- Raconte pas n'importe quoi, c'est juste que je suis honorée qu'il me demande de m'en occuper et ça me perturbe.
- T'es grillé. Je te conseille de le zapper parce qu'il est pas à la hauteur ze3ma il va pas te supporter longtemps. Trop posé et trop bien pour toi.
- Qui serait à la hauteur si lui ne l'est pas ? Monsieur je-sais-tout.
- À toi de trouver, j'suis pas une agence matrimonial.
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Le naufragé de la rue
Ficção GeralLa perte c'est la peste. Elle nous poursuit toute notre vie. - Laïli.M HISTOIRE NON ECRITE PAR MOI