1. Retour aux Enfers

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Ce n'était pas ce qui était prévu. Non, il devait me rester encore trois mois. Trois longs et doux mois à me partager entre Terre et Olympe, au gré de mes envies. Je devais assister, comme chaque année, à la naissance de l'été. Sauf que cette fois mon effroyable mari en avait décidé autrement et me réclamait à corps et à cri.
Oh je l'avais entendu, voilà plusieurs jours qu'il hurlait mon nom pour me rappeler à l'ordre. Mais j'avais préféré faire la sourde oreille et ne pas quitter ce soleil. Cependant les ressources d'Hadès étaient inépuisables, et s'il lui était impossible de me retrouver sur Terre, il savait très bien vers qui se tourner sur l'Olympe.

- Il faut que tu retournes près de ton mari ma fille. Il te réclame et je ne peux le faire patienter plus.

- Zeus !

D'un geste de la main, il imposa le silence à ma mère qui elle s'était toujours farouchement opposée à mon départ.

- C'est un contrat que nous avons passé, et je ne peux que le respecter.

- Et ce même contrat disait qu'elle pouvait rester auprès des siens six mois durant. Ca n'en fait que trois, Hadès attendra.

Je reconnaissais bien là ma mère. Personne d'autre qu'elle n'était capable de tenir tête à Zeus de cette manière sans déclencher sa foudre. Du moins la majeur partie du temps...
Au premièr abord elle n'était pas très impressionnante. C'était une grande Déesse à la silhouette longiligne et aux cheveux blond dorés interminables. Mais elle savait s'imposer comme aucun autre Dieu auprès de mon père.

- Il n'y a pas à discuter. Ils sont liés et les termes du contrat viennent d'être renégocié. Elle rentrera ce soir, quand la nuit tombera.

- Que vous a-t-il promis père pour que vous me renvoyiez aussi prématurément dans les Enfers ?

Zeus, qui commençait déjà à s'éloigner se retourna, peu habitué à ce que j'emploie un ton aussi dur envers lui. J'aimais mon père, profondément. Mais j'aimais également cette liberté que je retrouvais la moitié de l'année, et même si je connaissais déjà l'issue de cette discussion, je ne pouvais m'empêcher de lui poser cette question qui resterait sans réponse.

- Je n'ai guère besoin de promesse de sa part. Quand Hélios cédera sa place à Nyx, tu descendras.

C'était à mon tour de me lever et de rassembler tout mon courage.

- Si c'est ainsi alors je préfère encore vous quitter sur le champs.

Il garda le silence quelques secondes en me jaugeant du regard, puis de la main balaya l'air.

- Si c'est là ce que tu souhaites alors pars ma fille. Nous nous reverrons au printemps prochain.

Il quitta la pièce sans rien ajouter de plus. Il était Zeus, le plus puissant Dieu de l'Olympe, et je n'étais que Perséphone, l'objet d'un contrat passé entre deux puissances si proches et pourtant si différentes à la fois.
Les larmes me montaient aux yeux mais je tenus bon pour ma mère. Elle me prit dans ses bras et je sentis toute sa tristesse dans cette étreinte. Je détestais ce contrat, et le fait qu'il m'arrache à cette vie et cette sicile que je chérissais tant. Je maudissais ce jour où, m'étant montré trop rêveuse, il m'avait enlevé près de ce lac, et avait fait de moi sa reine. Ça remontait à des siècles et des siècles, pourtant je m'en souvenais comme si c'était hier.

-Jamais je ne pourrais l'accepter. Je le hais pour m'avoir pris ma petite fille depuis tant d'années...

Oui, voilà bien trop longtemps que j'étais sa prisonnière. Je m'essuyais la joue avant qu'elle ne puisse me voir pleurer. Ce moment était aussi dur pour elle que pour moi, mais je ne voulais pas qu'elle le sache.

- Ca va aller mère, ce n'est pas si horrible en bas. Hadès peut se montrer charmant quand il le veut.

Et c'était vrai, mais rien n'était gratuit avec lui, et c'était bien le plus gros problème.
Elle m'embrassa le front et caressa fébrilement mon bras.

- Je t'aime ma fille, et je me languis déjà de toi.

- Je vous souhaite un bel été mère.

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Je détestais les couloirs sombres et étroits qui me menaient dans cet endroit que je haïssais tout autant. Il faisait toujours trop chaud et tout ça se faisait ressentir sur mon humeur.
Les limbes était le passage que je redoutais le plus. Toutes ces petites âmes qui se sont vues refuser les portes d'un jardin beaucoup plus paisible pour un baptême oublié... Comme si ce n'était pas déjà assez terrible qu'elles aient poussé leur dernier souffle à l'aube de leur vie !
C'est pourquoi je refusais catégoriquement d'ouvrir les yeux dans cette partie. Je me montrais peut être lâche ou trop faible, mais c'était au dessus de mes forces. La première fois que je les aie vu, j'ai cru mourrir de chagrin et ai mis presque une année à m'en remettre un temps soit peu. Depuis, je fermais les yeux et courrais en me bouchant les oreilles. Au début je tatonnais et trébuchais, maintenant je connais ce chemin sur le bout des doigts, pour mon plus grand regret.
J'allais arrivée dans un état lamentable et Hadès n'allait pas apprécier mais peu importait, il n'avait qu'à pas me rappeler plus tôt que prévu.
Me voilà déjà devant le Styx. J'avais beau descendre le plus lentement possible, le trajet me semblait de plus en plus rapide et le fleuve infernal se présentait toujours trop vite.
Charon et sa barque se trouvaient déjà là, ce dernier jouant comme à son habitude avec les pauvres âmes perdues et se moquant d'elle. Ça avait le don de me mettre en rogne.

- Je t'ai déjà demandé d'arrêter de les torturer quand tu sais que je reviens.

J'évitais de regarder les faibles bras fait de fumée se tendant vers ce dernier. Ca me brisait le coeur un peu plus à chaque fois, surtout quand une âme d'enfant passait par là.
Je montais dans la barque en ignorant la main qu'il me tendait. J'étais arrivée jusqu'ici sans son aide et je comptais bien continuer.

- C'est mon seul divertissement ma reine, et ces âmes sont si stupides.

Et bien voilà, à peine arrivée et déjà contrariée.

- Si je te vois encore une fois te jouer d'elles, je demande à Hadès de t'envoyer pour un siècle dans le Tartare. Et tu sais que je le ferais Charon, et que mon mari n'hésitera pas à me faire plaisir.

La deuxième partie n'était pas forcément vraie mais je m'en fichais. Le principal était qu'il me croit.
Il bougonna dans son coin et la traversée du fleuve se fit dans le plus grand des silences.
Une fois de l'autre côté de la rive, je descendis de la barque sans saluer Charon tant il m'avait énervé et passais devant Cerbère après avoir carressé chacune de ses têtes. Les portes des Enfers s'ouvrirent, et c'était un Hadès entre colère et impatience qui m'accueillit.

PERSEPHONEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant