40. L'hainemie de l'amour

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La Déméter de mon souvenir se calqua à celle du présent, et leur expression était la même. Froide, incompréhensive et dénuée d'expression. Elle plissa les yeux, sans doute consciente que mon état avait évolué, et qu'il était en voie de guérison. Elle se tenait bien droite, et j'eus l'impression qu'elle venait de grandir de quelques centimètres. La petite fille en moi aurait pu être intimidée, mais même elle était trop déçue et furieuse pour baisser les yeux.

— Vous savez ce qu'il se passe n'est-ce pas? Vous savez, qu'il est de nouveau tout pour moi.

Elle me jaugea du regard, la tête bien droite et les yeux baissés sur moi.

— Un poison est difficile a éliminer, et le sien est des plus coriaces.

— C'est donc comme ça que vous appelez l'amour? C'est le terme que vous employez? Demandais-je sur un ton des plus neutres.

Elle haussa les épaules.

— Et comment voudrais-tu que je l'appelle? Un amour comme celui-là n'est pas légitime et ne mérite pas que je l'appelle comme tel. Cracha-t-elle.

— Et cette légitimité, c'est vous qui la déterminez? Vous êtes celle qui aurez dû me dire de qui tomber amoureuse et quand? Comme si je n'étais pas votre fille mais une marionnette, une expérience?

— Tu es ma fille oui, et c'est pour cela que j'ai un certain droit sur toi. Tu aurais dû faire ce que je t'ai dit, tu aurais dû m'écouter. Tu n'en as fais qu'à ta tête, et voilà où nous en sommes!

— Oui, je vois bien où nous en sommes. Des années après, peut-être même bien plus longtemps, me voilà de nouveau à lui et cette fois je ne compte pas laisser les choses changer. Je n'en ai fais qu'à ma tête parce que l'éternité est longue et qu'elle n'a aucun sens sans celui que l'on aime. Je n'avais aucun but, aucune attente.

— Tu avais tout un avenir devant toi, et il était beaucoup plus radieux, beaucoup plus grand.

— Mais je ne voulais pas de votre avenir! Hurlais-je.

Ma voix résonna contre les tuiles en terre d'or qui vibraient au-dessus de nos têtes.

— Vous n'aviez aucun droit, et encore moins celui de jouer avec ma mémoire.

— Ne me remets pas tout sur le dos tu veux! Tu as décidé de t'infliger ça et tu as changé les choses. Je ne suis pas à l'origine de ton mal.

— A aucun moment vous ne m'avez aidé...

C'était une affirmation, car à en croire ses discours, mon amnésie lui allait parfaitement.

— Pour la première fois depuis longtemps tu prenais la bonne décision.

— Alors même après tout ce temps, vous ne regrettez rien? Même à présent que ma vie me revient?

— Pas une seule minute, pas une seule seconde. J'aurais voulu que tu oublies jusqu'à son existence et tout ce qui pouvait te rattacher à lui. Que l'enfer disparaisse et ce peu importe les conséquences pour la terre. Je n'ai jamais été plus heureuse que le jour où l'on a porté ton corps jusqu'à moi. Bien sûr, j'ai d'abord cru que tu étais morte, qu'ils avaient trouvé le moyen.

PERSEPHONEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant