6. Pompéi dans le coeur

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Assise au milieu des ruines et des vestiges de cette cité, j'essayais de retrouver une respiration plus ou moins normale. En sortant j'avais été tenté de fuir loin. Tant pis si ça avait été pour l'éternité, mais au moins je n'aurais plus eu à la passer avec lui. Mais voilà, Hadès savait toujours comment reprendre le dessus sur moi, et Pompéi m'aidait à m'en rappeler autant que ce qu'elle pouvait me faire mal. C'était pourquoi je venais régulièrement me réfugier ici, pour me souvenir de tout le mal qu'égoïstement j'avais causé par le passé.

- Je savais que je te trouverais ici.

Je sursautais. Noyée dans mes larmes, je ne l'avais pas sentie arriver. Je m'essuyais les joues d'un revers de la main, et remontais mes jambes contre ma poitrine.

- Tu ne devrais pas être ici.

- Je devrais être mort ?

Je ricanais. Cette question ne nécessitait pas de réponse tant elle était évidente. Milan s'asseya derrière moi et m'enlaça de ses bras. Je me laissais aller contre son buste. Si j'étais parti avant le début du combat, ce n'était pas par peur que l'on me l'enlève. Je lui faisais bien trop confiance pour s'en sortir face à de pauvres soldats du passé totalement désorientés et désespérés. Mais pour autant, je ne pouvais me résoudre à les voir perdre le peu d'espoir que l'on venait de leur accorder. Je savais bien qu'ils erraient de nouveau dans les Enfers, et par lâcheté, je me forçais tant que possible à ne plus y penser.

- J'aurais pu me trouver n'importe où ailleurs.

Il m'embrassa sur le haut du crâne et resserra un peu plus son étreinte.

- N'importe où oui, mais pourtant c'est toujours ici que tu viens pour te raisonner.

Je me remis à pleurer de plus belle. Je me rappelais exactement de cette journée, l'an soixante-dix neuf resterait à jamais gravée dans ma mémoire. J'étais à bout, aussi bien physiquement que psychologiquement et j'avais pris ma décision. Il fallait que je le quitte, que plus jamais je ne retourne dans cet enfer qui me faisait tant souffrir. Je n'avais rien pris avec moi, seulement mon courage et j'étais partie. Ma première escale fut également la dernière. Ce jour là, quand Hadès s'était aperçu de mon absence, une telle colère s'était emparée de lui qu'il concentra toute sa haine sur le volcan qui entra instantanément en éruption et terrassa non seulement Pompéi, mais également Herculanum, Oplontis et Stabies. J'avais vu des familles entières essayaient de fuir et d'échapper à la lave, mais pour la plupart c'était déjà trop tard. La peur et la stupeur m'avaient paralysé, me rendant aussi statique qu'une statue. Je pouvais encore sentir tout ces corps me percuter, sans que ça ne me fasse réagir pour autant. Tout ces cris, ces appels à l'aide je ne les devais qu'à moi. J'étais restée là suffisamment longtemps pour pouvoir voir les corps sans vie se laisser recouvrir petit à petit par une couche de cendre qui leur servirait de tombeau. Responsable je l'étais. Il m'avait toujours dit que je n'imaginais pas de quoi il serait capable si je le quittais et j'étais partie quand même.
Les mots qu'il avait eu à mon égard une fois ma motricité retrouvée tournaient encore dans ma tête : "Un jour de plus, et c'est l'Italie toute entière que j'aurais rasé. Que ça te serve de leçon à jamais."
J'avais pleuré et gardé le silence des mois entiers et il arrivait encore que le cauchemar de cette nuit s'immisce dans mon sommeil. Je ne pourrais pas me le pardonner. C'était trop violent, trop intense et ça s'était encré dans une partie de mon coeur pour le restant de l'éternité. Jamais je ne voulais revivre ça, et surtout le faire endurer à de pauvres innocents.

- Je suis condamnée, sanglotais-je.

Je plaquais mes mains contre mon visage, et laissais couler toute ma peine.

- Chut, ne dis pas de bêtises.

Il me berça doucement et déposa de tendres baisers sur mon oreille.

PERSEPHONEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant