39. Vertighaineux

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Exactement sept mille sept cent soixante dix-sept marches séparaient cette sortie au Nord de l'enfer de l'Olympe. C'était celle qui en était le plus près et elle était complètement et totalement inaccessible par les humains. Hadès nous avait accompagné en personne jusqu'à elle.

Pendant le chemin, il n'avait pas lâché ma main et malgré ma difficulté à le suivre, je n'avais pas fait en sorte de la dégager. J'avais laissé Lyssa l'interroger sur les nouvelles victimes et avait écouté avec attention sans me mêler, ce qui m'avait valu quelques regards sans doute un peu étonnés de mon mari. Nous trouver ensemble n'avait pas semblé plus le surprendre que ça, en revanche mon silence oui. Cette fois, les meurtres avait été commis sur des humaines et le même mode opératoire avait été utilisé dans des lieux différents. Il était visiblement question de roche et d'extérieur, mais il ne s'était pas étendu sur le sujet.

Avant qu'il ne parte, il m'avait embrassé sur le front et m'avait remercié de ne pas avoir discuté sa décision. Il m'avait attaché un collier en forme de plume autour du cou, me disant que cela me protégerait si nécessaire et avait disparu dans la noirceur de l'enfer.

Je montais les marches en triturant le pendentif quand Lyssa me sortit de mes pensées.

— Tu es bien silencieuse, est-ce bon signe?

— Si je le savais, ricanais-je. Je me demande simplement si c'est sur l'Olympe que je serai le plus en sécurité.

Elle ne paraissait pas surprise de ma réponse, ce qui m'amena à lui en poser une en retour.

— Et à en croire ton silence, j'ai raison je me trompe?

— Je ne suis pas très objective, je ne fais confiance à personne. Enfin presque...

Je fermais les yeux brièvement, peu satisfaite par cette nouvelle déclaration minimaliste.

— Mais en effet, je pense que tu ne seras jamais en sécurité ailleurs qu'avec Hadès. Là-haut, personne ne veut ton bien autant que lui et certain ont même trouvé un intérêt à ta perte de mémoire. Les gens sont souvent égoïstes Perséphone, et c'est un défaut que tu retrouveras aussi bien chez l'humain que chez les dieux.

Je me stoppais et la regardais monter comme si ce qu'elle venait de dire était une chose des plus anodines.

— Est-ce que tu parles de ma mère?

Elle s'arrêta à son tour, puis je la rejoignis en quelques enjambées pour me mettre à sa hauteur.

— Lyssa, je sais qu'il n'y a jamais eu de contrat entre elle et Hadès, je les ai entendu. Elle a inventé ça de toute pièce?

Elle me fixa droit dans les yeux et eut un petit sourire en coin.

— Il faut croire qu'elle ne supportait pas l'idée que sa petite koré chérie décide de vivre pleinement sa vie.

Koré, ça faisait tellement d'années que personne ne m'avait appelé comme ça...

— Suis-je donc si influençable?

— C'est l'aléthium qui rend influençable. Une partie de ton cerveau était devenue comme de la pâte à modeler et elle en a profité.

— J'aurai dû me douter de quelque chose.

— Et comment? Sommes-nous censés nous méfier de celle qui nous a porté?

— Je savais qu'elle détestait Hadès.

— Et tu le détestais aussi. Du moins c'est ce que tu pensais.

Je portais mon regard sur l'énorme édifice qui surplombait le ciel, bien plus haut que les nuages. Dans la nuit constellée d'étoiles, le royaume s'était vétu d'or et de lumière. Objectivement, l'Olympe n'avait pas d'égal architecturalement parlant. J'avais parcouru le monde, mais aucun monument n'était à la hauteur, et ça me crevait le coeur de ne pas y entrer avec plaisir. Il y avait encore peu de temps, je n'aurais jamais pu croire que c'était cette entrée sombre et souterraine en contrebas par laquelle je voudrais m'échapper.

PERSEPHONEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant