22. L'enfer ce n'est pas les autres.

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— Te dérangerais-je pendant ton travail Polyclète ?

Loin de moi l'idée de remettre en question sa manière de me recevoir qui était, soit dit en passant, toujours extrêmement correcte, mais je savais que le sculpteur était souvent très occupé.

Hadès n'aimait pas quand je venais lui rendre visite, comme beaucoup d'autres choses d'ailleurs mais ça m'était égal. Ca me plaisait à moi de venir voir mon ami travailler le marbre et transformer comme par magie un bloc de pierre en une oeuvre que je qualifierais de vivante et il n'avait qu'à pas quitter les enfers depuis bientôt trois jours. Je supposais qu'il s'en voulait du baiser qu'il m'avait donné et culpabilisait auprès de Lyssa. Ca ne lui ressemblerait pas du tout mais allez savoir, les gens changeaient tellement vite,,,

C'était avec un ciseau de sculpture dans une main et un chiffon dans l'autre qu'il était venu m'ouvrir. Il rangea son outil dans la poche de son tablier et se hâta de me faire entrer.

— Vous ne me dérangez jamais grande déesse vous le savez bien.

Je lui souriais tendrement. Il tira un lourd fauteuil en velours rouge et l'épousseta rapidement avant de m'inviter à m'y asseoir.

— Puis-je vous offrir du thé et des petits gâteaux ?

Polyclète n'avait pas peur de mon mari à travers moi, il était seulement très courtois et prévenant. Je m'en voulais d'avoir espacée mes visites, je me sentais si bien ici. Rien n'avait changé. La pièce était toujours remplie de statues inachevées ou en cours de finition. Je me rappelais que les autres se trouvaient à l'étage supérieur, un peu comme une sorte de musée quand elles n'étaient pas éparpillées aux quatre coins des enfers.

Les rideaux blancs aux fenêtres sans carreaux virevoltaient dans la pièce en une danse lente, poussés par le souffle chaud de la montagne.

La lumière était toujours tamisée, à tel point que je me demandais comment il était possible de travailler sans plus de clarté. Les trois cent quatre vingt sept marches qui menaient au sommet de cette tour de granit étaient elles aussi encore bien présentes dans mes mollets et elles étaient sans doute d'ailleurs la raison pour laquelle je ne venais plus très souvent...

— Du thé ira très bien, je te remercie.

Il revint quelques minutes plus tard avec une théière fumante et m'en servi une tasse entière.

— Sur quoi travailles-tu en ce moment ?

Il soupira en posant la main sur le bloc de marbre d'où émergeait à peine le haut d'une paire d'ailes.

— J'ai bien peur que cela n'ait aucune importance. L'inspiration m'a quitté sepuis quelques temps ma reine.

— Toi en manque d'inspiration ? Je n'y crois pas une seconde.

— Hélas, je crains que ce ne soit la vérité.

Il tourna distraitement la cuillère dans sa tasse et j'aurais pu parier qu'en cet instant il se trouvait à des millénaires d'ici, là où les muses et l'inspiration l'envahissaient. Il avait été un artiste important dans la Grèce antique, et j'admirais beaucoup ses oeuvres, comme un certain nombre de personnes également. Quel dommage que son nom soit presque totalement oublié maintenant...

— Tu devrais t'aérer l'esprit, prendre un peu de temps pour toi. Je suis certaine que l'inspiration te reviendrait si tu te retrouvais sur Terre, en pleine nature. Hadès te laisserait une journée, je pourrais le convaincre.

— Si je pensais que cela pourrait changer les choses je n'hésiterai pas une seule seconde. Mais le monde tel qu'il est devenu m'effraie. Je n'en ai pas entendu que du bien et les mauvaises âmes sont de plus en plus nombreuses à se présenter devant les portes des enfers.

PERSEPHONEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant