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Le devin entra, escorté par des soldats et s'appuyant sur son sceptre d'or. A le voir se déplacer ainsi, rien ne laissait croire qu'il ne disposait plus de la vision. Du moins, de celle à proprement parler. Son pouvoir de divination était tel qu'Hadès ne remettait jamais sa parole en doute. Le voir ici me faisait penser à Cassandre. Il n'y avait aucun lien entre les deux, si ce n'était leur don, mais sa disparition depuis tout ces siècles me provoquait encore un pincement au coeur. Elle n'avait plus donné aucun signe de vie après sa prédiction sur mon amour pour Hadès, et je m'en voulais de ne pas avoir essayé de la contacter avant. Peut-être que si je l'avais fait, j'aurais pu lui venir en aide si c'était ce dont elle avait besoin!
Tirésias se courba devant moi comme s'il me voyait très clairement et je posais ma main sur son dos pour l'inciter à s'asseoir. Il avait quand même vécu une vie longue de sept générations et était passé par des changements assez bouleversant aussi bien hormonalement que psychologique durant cette dernière. Tout ça dans le corps d'un mortel, ce n'était pas de tout repos.
Il prit place dans l'un des sièges et Hadès s'accroupit devant lui. Je ne croyais pas l'avoir vu se mettre à la hauteur de qui que ce soit avant ce jour.
— Devin, plus que jamais, nous avons besoin de toi, lâcha-t-il de but en blanc. Une nouvelle guerre céleste se prépare et, n'y vois pas là une provocation de ma part, mais nous avons un peu de mal à voir qui sont nos ennemis!
Je levais les yeux au ciel. Ca, c'était tout Hadès. Parler de sa difficulté à voir quelque chose à un aveugle lui ressemblait tellement. Je le soupçonnais presque d'être amusé par sa remarque et de l'avoir fait exprès.
Tirésias ne sourcilla même pas, et posa ses mains sur les épaules de mon mari.
— Donnez-moi la dague.
Aucun de nous n'avions mentionné la dague jusque là, mais il était question ici de sens qui nous dépassaient complètement. Hadès ouvrit le chiffon dans lequel il l'avait mise en attendant l'arrivée du devin et la lui présenta. Il avança sa main pour s'en saisir et se rétracta aussitôt.
— Que se passe-t-il? Lui demanda mon mari.
— Je peux déjà ressentir de fortes vibrations. Cette lame a été plongé dans un corps qui abrite une âme à la violence extrême.
Hadès me jeta un bref coup d'oeil et je haussais les épaules. Oui, j'avais retenu la leçon. Ne plus se promener dans le tartare seule, bien que c'était déjà une chose qui ne risquait pas de se reproduire. Pour autant, je n'avais toujours aucune idée de qui il pouvait être. Il se tourna de nouveau devant Tirésias, et reprit:
— Pour ne rien vous cacher, on se doutait déjà un peu qu'il ne s'agissait pas là d'un prêtre auprès duquel le soldat allait se confesser. Néanmoins, nous aimerions connaître son identité.
— Je ne vois pas de soldat à proprement parler.
Je fronçais les sourcils avant de comprendre. Bien sûr, c'était un traître, pas un soldat digne de ce nom.
Il se décida à saisir l'arme et grimaça instantanément.
— Mais je vois un dieu.
— Un dieu?
Hadès et moi nous étions exclamés d'une seule et même voix. S'il avait été un dieu, je pense que je l'aurais reconnu. Je n'étais pas intime avec tous, loin de là, mais j'étais capable de les reconnaître sans trop de mal. Un demi-dieu oui, mais là... Je doutais franchement.
— Vous êtes sûr? Reprit sceptiquement mon mari qui devait penser la même chose que moi.
— Je n'ai aucun doute là-dessus.
Hadès me regarda de nouveau et mima le fait qu'il pensait que le devin perdait la tête.
— J'ai l'entière possession de mes moyens si c'est là ce qu'il vous inquiète!
Le roi des enfers ne répondit rien mais me fit une grimace amusée, et, bien que ce n'était pas le moment, il réussit à me faire sourire.
Tirésias récupéra la dague un peu abruptement, sans doute vexé par le geste qu'il n'avait pu voir de mon mari mais qu'il avait aisément deviné et cette fois sans sourciller.
Il respira d'abord le sang en prenant une grande inspiration, puis, bien que j'espérais qu'il ne le fasse pas, du bout de la langue goutta le liquide qui avait déjà commencé à sécher. Cette fois je grimaçais à mon tour.
Il se figea, déglutit suffisamment fort pour que je l'entende et resta muet.
— Quoi? Intervint Hadès. Que se passe-t-il encore?
— Je... Il faut que je goutte de nouveau.
Mon mari se leva et mit ses mains sur ses hanches.
— Oui bien sûr, prenez un petit goûter nous avons le temps!
Je me plaçais à ses côtés et me blottis contre lui. Quelque chose n'allait pas, c'était évident.
— Laisse-le faire s'il te plaît.
Il leva les yeux au ciel mais n'insista pas plus. Le devin recommença, plus hésitant mais cette fois il leva son regard sur nous et malgré l'absence de vivacité dans ses yeux, je pouvais y voir la peur et la désolation.
— Cronos a été libéré.
Nous avions dû rester silencieux et statiques une éternité avant que je ne retrouve mon souffle. Avait-il bien prononcé le nom de ce titan infâme? Avait-il bien dit qu'il avait été libéré? Non, Milan ne serait quand même pas assez fou pour faire une chose pareille?
— Répète son nom! Lâcha Hadès comme s'il n'osait y croire.
— Cronos est de retour mon roi. Et il est plus en colère que jamais.
J'étouffais un sanglot. Je ne savais que trop bien de quoi il était capable et de ce qu'il avait fait. Son histoire était racontée et répétée depuis la nuit des temps et sa cruauté ainsi que son manque de coeur n'étaient plus à prouver.
Hadès plaça son bras autour de ma nuque et m'attira à lui pour déposer un baiser sur mon front.
— Hadès...
Ma voix tremblait et peut-être même mon corps.
— On s'est déjà débarrassé de lui une fois mon amour, on recommencera.
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PERSEPHONE
FantasyEtre la reine des Enfers n'a rien d'amusant, être l'épouse d'Hadès l'est encore moins. Six mois sur Terre et six mois dans les Ténèbres, voilà ce qui était prévu et ce qui est fait depuis qu'il a décidé de me prendre pour femme. Sauf que le contrat...