42. L'infinité du coeur

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Elle me poussa gentiment à l'intérieur et je me laissais faire, encore sceptique des propos qu'elle venait de me tenir. Oui, Cassandre avait le don de prédiction. Mais Apollon, après qu'elle ait refusé ses avances, l'avait maudite en rendant ses propos incohérents. Pour le coup il ne me semblait pas l'être, ils étaient juste invraisemblables. J'avais bien entendu et compris ce qu'elle m'avait dit, mais on ne tombait pas amoureuse en un claquement de doigt et l'amour paraissait inaccessible pour moi.
Peut-être voulait-elle me dire autre chose, peut-être s'était-elle trompée de personne? Après tout, l'erreur était humaine et elle en était une alors pourquoi pas! Je me retournais pour lui poser une autre question, mais elle avait disparu. Je la cherchais brièvement des yeux, consciente qu'elle avait sans doute quitté les lieux volontairement et observais la fête des dieux qui avait déjà pris vie devant moi.
A ma droite, l'éternelle cascade de vin dont Dionysos était particulièrement fier coulait d'une amphore tenue par Eurytos le géant. Le dieu de la démesure se trouvait sur cette dernière, son thyrse à la main et regardait l'assemblée plus bas complètement hilare. Il aimait offrir ses meilleures vignes pour ce genre d'occasion et se délectait de voir les coupes se succéder pour être remplies. Il brandit la sienne comme pour trinquer avec tous le monde, tapa fortement sur le rebondit de son ventre et but cul sec en tombant en arrière. Eurytos le rattrapa, et le replaça sur l'amphore.
Plus près, Eros et Himéros, l'amour et le désiraffichaient un sourire satisfait devant les hommes etles femmes prêts à s'offrir à eux. Une grande rousse susurra dans l'oreille du deuxième en offrant généreusement son sein à sa main pendant que le premier, plus joueur et charmeur me lança un franc clin d'oeil. Je montrais mon désintérêt en continuant de balayer la pièce des yeux. Pour l'instant, aucun coup de foudre en vu, comme je l'avais prévu. Cassandre, je te tordrai le cou!
Des muses complètement nues dansaient sans se soucier de ce qu'il pouvait bien se passer autour d'elles. Loin d'être en groupe, elles étaient comme parsemées dans la grande salle et attiraient les regards de jeunes demi-dieux qui assistés sans doute pour la première fois à l'une de nos fêtes.
Sur l'un des fauteuils, Hypnos somnolait pendant que Morphée, son fils, lui caressait la main. Le dieu du sommeil n'était pas réputé pour dormir beaucoup, restant éveillé même dans la nuit noire. Mais quand la fatigue le gagnait, il était presque impossible de le maintenir parmi nous.
Des biches et des cerfs passèrent devant moi et je comprenais donc qu'Artémis ne se trouvait pas loin. Je levais les yeux au ciel, du moins en l'air, et remarquais pour la première fois les énormes grappes de raisins qui pendaient, les pommes, poires et tous autres fruits susceptibles d'être mangé. J'avais l'impression que nous étions des Hommes au pays des Géants.
Une flèche alla se planter dans l'un des grains et j'essayais d'en suivre la trajectoire. Sur l'une des marches du double escalier circulaire dont l'or coulait comme s'il était une rivière, se trouvait Apollon entourait de jeunes vierges admiratives. Il réarma son arc, visa, et décocha une deuxième flèche. Cette fois, le grain vint s'écraser au sol avec fracas, et les vierges se mirent à couiner et taper des mains, comme s'il s'agissait là d'un exploit. Un Hermés plutôt furieux émergea de la chair violette du fruit et pointa du doigt Apollon en exigeant des excuses publiques. Ce dernier pouffa de rire avant de disparaître avec l'une de ses conquêtes et je ne pouvais réprimer un sourire. La vision était assez insolite et j'avais hâte de connaître la vengeance d'Hermés.
Quoi qu'il en soit, ici il n'y avait rien pour moi. Pensant que personne, hormis Eros ne m'avait encore remarqué, je m'apprêtais à sortir quand un dieu me dépassant d'au moins deux têtes me fit barrage.

— Père!

Il me regarda d'abord d'un air sévère, puis me serra dans ses bras avec beaucoup trop de forces. J'essayais de frayer un chemin à mon nez dans sa chevelure blonde afin de respirer mais elle était beaucoup trop dense.

PERSEPHONEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant