12. Six fois rien

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- Perséphone !

Je grognais en entendant mon nom résonner pour la cinquième fois de la mâtiné. Les deux premières fois, l'eau du thé n'était pas à la bonne température. La troisième fois, c'était le feu dans la cheminé qui était beaucoup trop vif et la quatrième c'était le beurre qui, je cite : refusait de s'étaler correctement. Entre autre, que des choses qu'il aurait pu régler aisément par lui même.

J'avais hâte de découvrir ce qu'il me réservait à présent. Je m'appuyais dos contre la porte battante pour l'ouvrir. J'avais eu droit à la panoplie complète, à savoir le tablier à fleurs, la triste robe qui allait avec et ma coiffure n'avait rien de glamour coincée dans une sorte de charlotte en papier. Hadès s'était donné du mal pour dégoter ce dernier article typiquement humain et totalement inutile ici. Non pas que nous ne perdions pas nos cheveux, mais il était évident qu'avec beaucoup d'attention ce genre d'incident n'arrivait pas. Et les servantes n'avaient pas pour habitude de lésiner là dessus.

Je soufflais sur une mèche de cheveux qui me tombait sur le visage pour le dégager et essuyais mes mains avec un torchon.

Il était à sa place habituelle, une tartine cassée dans la main et un couteau dans l'autre, un sourire d'enfant désolé sur le visage.

- Je l'ai cassé ! Je t'avais dit que ça ne fonctionnerait pas ton truc d'appuyer un peu plus fort.

Je levais les yeux en l'air. Agaçant. Voilà le mot qui me venait à l'esprit quand je le regardais.

- Il suffisait que tu le fasses fondre Hadès, c'était pourtant dans tes cordes.

- Ce n'est pas ce que tu m'as dit.

Je m'approchais de lui pour récupérer le tas de miettes dans sa paume. Je m'occuperais d'une classe entière de petite section de maternelle que je n'aurais pas plus de travail.

- Tu aurais pu y penser tout seul.

- Ce n'est pas pareil quand c'est moi qui dois le faire. Tu le fais si bien...

Il me regarda par en bas, le sourire un peu plus large et je devais reconnaitre que même moi j'avais envie de rire. Ou du moins de pouffer légèrement. Quel crétin celui-là quand il s'y mettait. Son humeur au fil des jours était passé de maussade à enjoué, et je me demandais bien à quoi on le devait.

Sans doute au plaisir qu'il prenait à avoir fait de moi sa servante.

- Ca ne t'as pas dérangé quand il était question de me rôtir la main !

Il fronça les sourcils et je n'étais pas mécontente de lui avoir fait passer l'envie de se moquer de moi.

- De quoi est-ce que tu parles ?

Je lui présentais ma main droite. Même si la brûlure avait commencé à disparaitre depuis trois jours, il restait néanmoins une trace.

Il m'attrapa vivement la main pour l'examiner et j'eu presque envie de la retirer par instinct.

- Pourquoi est-ce que tu ne me l'as pas dit plus tôt ? Tu as mal ?

C'était à mon tour de froncer les sourcils. Ma douleur ne devrait pas l'intéresser autant.

- Qu'est-ce que ça peut faire ?

- As-tu mal oui ou non ?

Je haussais les épaules. Ce n'était pas aussi vif que le premier jour mais ça me gênait quand je devais me servir de ma main, et manque de chance j'étais droitière.

Il enveloppa ma main des siennes et j'eu l'impression de la plonger dans de l'eau gelée, ce qui me soulagea complètement et immédiatement. Il paraissait extrêmement concentré.

PERSEPHONEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant