PERSEPHONE

10. Il léthé une fois l'oubli

ʢ

J'avais passé mon temps à ignorer Hadès depuis que j'étais sortie de sa chambre comme une furie et ça n'avait pas été une mince affaire. Le temps s'écoulait, mais la colère elle subsistait !

Pour ma plus grande surprise, et même joie, il n'avait pas tenté de me faire sortir de mon silence. Non, il semblait même avoir le culot d'être contrarié. Pourtant, c'était bel et bien moi qui avais été trahie, c'était dans ma tête qu'il était entré ! Cette réflexion poussa encore un peu plus ma colère à son égard.

Je faisais les cent pas dans ma chambre comme une lionne en cage, ne parvenant pas à me calmer. Je ne voulais plus l'approcher, je ne voulais plus qu'il s'immisce dans mon esprit pour jouer avec moi. Plus jamais. Pourtant, l'éviter me semblait être mission impossible, sachant que j'étais bloquée avec lui pour quelque chose comme l'éternité !

Il fallait que j'agisse, que je frappe un grand coup, mais comment faire ?

Toutes les idées qui me venaient en tête se solderaient inévitablement par un échec. Je manquais cruellement d'imagination en matière de vengeance.

Sans réfléchir, je sortis de ma cachette pour aller pester un peu partout dans les enfers. Ca me rendait folle qu'il s'en sorte de cette manière, encore et toujours. J'avais dû descendre deux niveaux en fulminant quand au détour d'un couloir je trébuchais sur un seau. Je laissais échapper un cri de surprise et n'eus pas le temps de m'écraser au sol que des bras me retint fermement.

- Ma reine, vous n'avez rien ?

Des yeux caramel me scrutaient, visiblement inquiets de la réponse. Je regardais les dégâts que j'avais pu causer, et constatais que de l'eau s'était répandue partout.

- Oh Achille, je suis désolée. Je vais arranger ça !

Le héro écarquilla les yeux et fit de larges mouvements de mains.

- Non, non, non. Vous n'y pensez pas !

- C'est de ma faute, j'étais distraite et je vais réparer ce que j'ai fait.

J'attrapais son balai, mais il le tenait avec force.

- Achille s'il te plaît, laisse moi t'aider.

- Sans vous manquez de respect ma reine, il en est hors de question. Et puis, vous savez bien comment votre mari le prendra s'il l'apprend ? Je ne veux pas d'ennuis avec lui.

Je restais silencieuse, et le regardais nettoyer le sol que j'avais moi-même souillé quelques instant auparavant. Les larmes me piquaient les yeux. Voir ce grand homme, un balai à la main, et n'être plus que l'ombre de lui-même depuis si longtemps me creva le cœur. Je me plaignais de mon sort, mais qu'en était-il du sien ?

- Achille, murmurais-je, un sanglot dans la voix.

Il sembla le remarquer de suite et fronça les sourcils.

- Quelque chose ne va pas ma reine ? Vous vous êtes fait mal ?

Je secouais la tête. Le seul endroit où j'avais mal se trouvait dans ma poitrine, et il n'y pouvait rien. Personne n'y pouvait rien.

- Tu ne trouves pas ça injuste ?

- Quoi donc ?

- De ne pas reposer en paix.

Ma question l'avait figé sur place. Sa bouche s'ouvrit légèrement, mais aucun son n'en sorti.

- Ta place n'est pas ici, elle ne l'a jamais été.