2. Si différents

10.7K 723 91
                                    

Machinalement je passais mes mains sur ma robe blanche, y déposant des traces de suie. Je m'en voulais de ne pas en avoir mis une noire. Je savais pourtant que le chemin en était infesté !

- Tu n'entends plus quand je t'appelle ?

Je savais qu'il était en colère, je pouvais le voir à ses yeux qui s'assombrissaient à mesure que je m'approchais, passant du rouge vif à un noir intense.

- J'étais très occupée, je n'ai pas fait attention à tes appels.

Bien sûr que je l'avais entendu. Je pense même pouvoir affirmer que toute l'Italie l'avait entendu. Mais je n'aimais pas quand il m'appelait. Il trouvait toujours une bonne raison pour que je passe quelques jours dans les Enfers avec lui avant de pouvoir retourner sur Terre. Sauf que cette fois, il avait obtenu ce qu'il voulait et pour une longue durée.

- Occupée à quoi ? A faire pousser quelques fleurs insignifiantes de plus ? C'est une telle perte de temps. Tu serais beaucoup plus utile ici.

Je n'aimais pas sa manière de dénigrer mon rôle sur Terre. Je ne faisais pas que faire pousser de simples fleurs, c'etait des terres entières que j'aidais à reprendre vie et en couleurs.

- Ce que tu me proposes de faire ici ne m'intéresse pas et tu le sais très bien. Pourquoi es-tu allé voir mon père pour réclamer que je rentre ? Ce n'était pas l'heure.

Il attrapa ma nuque et déposa un baiser littéralement brûlant sur mes lèvres, les rougissant au passage. Cette marque mettrait quelques heures à disparaître.

- Parce que tu m'as manqué ma douce. Un mari n'a-t-il pas le droit de vouloir passer plus de temps avec sa femme ?

Je me méfiais de cette réponse mais ne voulais pas en savoir plus.

- Le printemps se porte bien ?

Un faux sourire se dessina sur ses lèvres roses. Le problème avec Hadès, c'était qu'il était aussi beau et charmeur que manipulateur et malfaisant. Pour ma part je l'avais compris depuis bien longtemps, mais de pauvres filles se faisaient encore des idées sur lui et toutes espéraient être celle qui allait le rendre un peu plus humain et prendre ma place. Je me demandais bien à quoi cela pouvait bien servir. Si c'était possible, je la leur céderais sur le champs. Mais le Dieu des Enfers n'avait pas besoin d'humanité et surtout n'en voulait pas. Qu'est-ce qu'il en ferait ?
Non je reconnaissais bien volontier que son rôle était crucial, ce que je lui reprochais c'était la manière dont il le faisait et surtout en abusait.

- Parce que ça t'intéresse maintenant le bien être des Hommes ?

- Tout ce qui te touche m'intéresse ma fleur, tu devrais le savoir.

Je roulais des yeux.

- Ce qui t'intéresse c'est de pouvoir et savoir que tu peux disposer de moi comme bon te semble. Depuis tout ce temps, ne parviens-tu donc pas à te lasser de moi ?

Je me dirigeais vers mes appartements quand il m'attrapa par le poignet. La force avec laquelle il me serrait était en totale contradiction avec la douceur du baiser qu'il déposa sur le dos de ma main.

- Jamais je ne me lasserai de toi, tu devras t'y faire tôt ou tard. Tu es mienne pour l'éternité, et jamais je ne permettrais que ça change.

Le pire dans cette déclaration, c'était que je savais pertinnement qu'il le pensait au plus profond de la noirceur de son âme.

***************************

J'avais hâte de retrouver ma chambre. C'était l'un des endroits où je me sentais le mieux dans les Enfers, après le jardin qu'Hadès m'avait accordé. Tout mourrait ici,  et j'étais bien placée pour le savoir, étant donné qu'aucune de mes fleurs n'avaient jamais tenues jusque là. C'est pourquoi il avait consentie à me céder cette espace, dans lequel la vie pouvait perdurer. J'avais hâte d'y retourner et de le refleurir au gré de mes envies. Mais pour l'heure c'était d'une douche dont j'avais besoin, et changer de vêtements.
Les créatures qui montaient la garde dans le couloir baissèrent la tête devant mon passage pour me saluer et me montrer leur respect. Leur odeur nauséabonde m'empêchait de respirer, et fort heureusement leur départ était sonné par mon arrivée.
Il m'était impossible de dormir convenablement tant la puanteur était tenace et s'infiltrait dans ma chambre. Ça m'avait pris du temps, mais j'avais réussi à m'imposer sur ce point également.
On pourrait croire qu'Hadès cédait à beaucoup de mes caprices mais il n'en était rien. Tout ce que j'avais obtenu, il avait fallu que je l'échange contre quelque chose qui me tenait à coeur, et la plupart du temps ça impliquait faire une croix sur quelques années sur Terre contre de minces privilèges.
Je retrouvais ma chambre aux nuances de bleu qui me rappelaient la méditerranée au milieu de cet océan où le rouge et le noir étaient les couleurs dominantes et en ouvrais les fenêtres. Je n'aimais pas la vue, des volcans en constante irruption et des criminels se faisant fouetter inlassablement, mais il fallait que je respire. Je laisserais ouvert au moins le temps de mon bain.
Je fis glisser au sol ma robe et libérais mes cheveux. L'eau fraîche me fit du bien et j'aurais pu rester des heures imergée sous l'eau. Pour peu je remercierais presque mon cruel époux d'avoir demandé à ce que l'on m'en fasse couler un. J'inspirais profondément les effluves de rose et lilas qui s'en échappaient. Un mélange parfait et surtout terrestre à souhait.
De retour dans ma chambre, une simple serviette autour du corps, je me figeais en remarquant les rideaux fermés.
Hadès ne venait jamais ici, encore un point qui m'avait coûté cher.
S'il me trahissait, il pouvait être sûr que je me vengerai !
Je n'eu pas le temps d'observer entièrement la pièce qu'une force spectaculaire mais néanmoins délicate me força à me retourner et une douce fraîcheur s'abatit sur mes lèvres, apaisant la légère brûlure faite plus tôt.
Non, ce n'était pas lui. Ce n'était pas Hadès. Ses baisers me faisaient mal, tandis que celui-ci se frayait un chemin jusque dans mon coeur.

- Perséphone, murmura-t-il contre mon front.

Je fermais les yeux pour apprécier ce moment, et posais mes mains contre son torse pour m'assurer qu'il était bien là.
Milan ! J'aurais voulu parler, ou même réussir à bouger. Mais je ne fûs capable que de pleurer.
Il passa ses pouces sur mes joues pour en récolter les larmes et je lovais mon visage dans le creu de sa main.

- Après tout ce temps... articulais-je difficilement.

- Sept années mon amour. Sept longues années loin de toi.

Je parvins enfin à le regarder, et du bout de l'index dessiner les lignes de son visage. Le voir devant moi manqua de me faire exploser le coeur et ma poitrine se serra. Oui, aucun doute c'était bien lui. Ses cheveux blonds avaient poussé, mais pour le reste il n'avait pas changer. A l'exception près d'une cicatrice dans sa nuque que ma main venait de rencontrer.
Il fronça les sourcils quand je la touchais.

- Que t'a-t-il demandé de faire, pour que tu restes loin de moi si longtemps ?

J'avais l'impression de perdre ma voix, et la force dans mes jambes. Je savais qu'il me manquait, plus que tout, mais je m'apercevais que c'était bien plus que ce que je ne pensais. Sept ans pour une Déesse, ça ne représentait rien. Mais loin de celui qui faisait battre votre coeur, c'était comme si le temps c'était arrêté, pour ne jamais redémarrer. Il lui était déjà arrivé de devoir s'absenter, mais cette fois ça n'avait que trop durer.

- Ne parlons pas de ça maintenant !

- Milan, j'ai eu si mal...

Il plaça ses mains en coupe autour de mon visage et planta ses yeux verts clairs dans les miens.

- Je t'en prie Persé, laisse moi t'embrasser.

M'embrasser ? Il n'avait pas besoin de me demander la permission. Il n'y avait rien au monde que je désirais plus et je voulais qu'il le fasse maintenant. Il caressa mes lèvres, et je savais très bien à quoi il pensait, ce qui l'empêchait de s'exécuter dans la seconde. Les baisers d'Hadès l'avaient toujours rendu fou de rage, et visiblement le temps n'y avait rien changé.

- N'y pense pas. Embrasse moi, nous avons un début d'éternité à rattraper.

Sur ces paroles il fondit sur ma bouche, et ces dernières se reconnurent immédiatement. Elles n'auraient pas pu s'oublier, on ne peut oublier l'amour ! Je glissais mes doigts dans ses cheveux, et répondis à son baiser avec toute la passion qui m'animait. Et de la passion il en avait toujours générer chez moi. C'était magnétique, doux et éléctrique à la fois. Un tel tumulte de sentiments m'envahit que je laissais tomber ma serviette à son tour par terre et l'attirais vers mon lit. Lui qui connaissait mon corps sur le bout des doigts, il semblait pourtant si fébrile au contact de mes hanches...
Mais l'amant que je connaissais en lui refit surface rapidement, et plus rien ne comptait à part cet homme que j'aimais et que je venais enfin de retrouver. Je voulais lui poser un tas de questions mais pour l'heure j'avais surtout besoin de le couvrir de baiser et respirer son odeur. Sa peau contre la mienne, voilà ce qu'il me fallait et ce dont j'avais l'intention de profiter. Du moins tant qu'Hadès ne m'appelerait pas à ses côtés...

PERSEPHONEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant