11. Talon de Perséphone

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Voyez-vous ça ! Tu me fais l'honneur de ta présence ?

Hadès n'avait même pas levé le nez de son journal et en tournait lentement les pages. Je gardais le silence car ma présence n'avait rien d'un honneur, je voulais simplement voir sa réaction quand il s'apercevrait qu'Achille n'était plus là.

- Tu ne dis rien, j'en déduis que nous sommes encore en dispute ?

- Nous sommes constamment en dispute Hadès.

C'était vrai, depuis le début de ma longue existence, personne ne me m'était jamais en rogne comme lui. C'était dingue le pouvoir qu'il avait sur mes nerfs. J'avais beau travailler dessus, il n'y avait rien à faire. Il parvenait toujours à me mettre hors de moi. J'espérais juste que ce matin, ce ne serait pas son but. Je voulais savourer ma petite vengeance, ne serait-ce que quelques secondes.

La table était encore vide, bien évidemment, et je bouillonnais intérieurement. Quand allait-il s'agacer de ce retard ? Depuis quand était-il aussi patient ?

- Le thé n'est toujours pas servi, lui fis-je remarquer.

- Tu fais preuve d'un sens de l'observation remarquable ma fleur.

- D'où vient ce retard ? Que font-ils en cuisine ?

Il haussa un sourcil en me jetant un coup d'œil. Il n'avait pas l'habitude de me voir râler après les serviteurs et je m'en voulais déjà de me plaindre de la lenteur du service.

Il s'apprêtait à me répondre quand Agrippine, une femme rondouillarde avec un tablier greffé sur sa robe grise poussa la porte et trotta jusqu'à Hadès. Il se pencha vivement à son oreille pour lui murmurait quelque chose que je ne pouvais entendre de là où je me trouvais.

Je fixais mon mari et compris de quoi il s'agissait quand ses yeux se braquèrent sur moi à leur tour.

Il pianota sur la table, lâchant quelques « hum hum » par-ci par-là sans me quitter du regard.

- Merci Agrippine.

La servante partit aussi vite qu'elle était arrivée, et je pouvais toujours sentir le poids du regard d'Hadès sur moi.

- Un problème ? Lui demandais-je le plus innocemment possible.

- Je ne sais pas, à toi de me le dire !

- De mon côté tout va bien. Tu sais ce qui leur prend autant de temps ? J'ai une faim de loup moi.

Il s'affala un peu plus sur son siège, et mit les mains dans ses poches.

- Il semblerait que nous ayons un absent.

- Oh ! Qui ça ?

- On me parle d'Achille.

Il se leva et marcha vers le fond de la pièce, les mains toujours dans les poches.

- Achille ? Feignais-je. Ca ne lui ressemble pas. J'espère qu'il ne lui ait rien arrivé de grave.

Je jubilais intérieurement. Bien sûr qu'il savait que je n'y étais pas pour rien, mais le voir impuissant me procurait un certain plaisir que je ne boudais pas.

- Rien de grave non, comparé à ce que je lui réserve pour la fin de sa nouvelle vie.

Il me tournait le dos, mais cette simple phrase et la froideur de sa voix me glacèrent les sangs.

Je savais qu'il serait en colère, qu'il exigerait une explication. Mais ce que je n'avais pas prévu, c'était qu'il ait l'intention de faire encore payer Achille pour une chose pour laquelle il n'était pas responsable.

PERSEPHONEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant