Chapitre 20

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D'ordinaire, j'adore ce moment juste avant de me réveiller, lorsque le brouillard de l'inconscient commence à se dissiper pour laisser place à la cohérence.
Mais ce matin, le soupire d'aise de Shane à côté de moi me fait brusquement descendre de mon nuage.
J'ouvre les yeux, et mon regard se pose immédiatement sur lui, endormi sur le dos, dont le corps à demi-nu n'est couvert que par la couverture qui est remontée au plus bas de ses hanches étroites.
Ouais ouais, c'est sur qu'il est bien foutu, mais Shane reste un sacré gros connard. Et le physique ne compte absolument plus lorsque l'intérieur même du corps est pourri et noir comme du charbon.
Il semble tellement paisible ; sa bouche est entrouverte et lui donne l'expression d'un petit garçon innocent.
Sauf qu'il n'est pas un petit garçon et qu'il est loin d'être innocent. Oh certes il est plein d'autre chose tel qu'égoiste, menteur, narcissique, prétentieux, arrogant, calculateur, impatient, froid, orgueilleux et antipathique ; mais il n'est certainement pas innocent. Et oui je suis en colère. Je suis foutrement plus qu'en colère même. Je lui en veux de m'avoir menti une fois de plus, d'avoir fait semblant alors que tout était déjà prévu, mais je m'en veux encore plus d'avoir été assez naïve pour baisser la garde et lui faire confiance aveuglément. Je ne le faisais jamais avant, justement par cette crainte d'être trahie ; et la seule fois où je le fais, il faut que ça m'arrive. Là, il peut être sûr que jamais plus je ne lui accorderais ma confiance.
Il jouait bien la comédie en plus ce petit con, à faire semblant de ne pas vouloir qu'on m'enlève, et à s'effondrer comme s'il était inconscient à cause d'un prétendu coup de taser. Rah je le déteste.
"Non, laissez-la !", qu'il criait. Mais bien sur.
Enfoiré.
J'ai mis les deux pieds dans le plat, comme une débutante. D'ailleurs, c'était quoi exactement le but de son plan ? Me faire torturer pour me punir ? Me faire regretter de lui tenir tête ? Me faire comprendre qu'il est supérieur et me rabaisser ? Ou simplement pour le plaisir de me faire souffrir ?
Très bien, qu'il en soit ainsi. La douleur ne me fait pas peur. Du moins, elle ne me fait plus peur. Elle m'a tellement accompagné ces dernières années que j'ai fini par m'habituer à sa présence et ne pas en faire tout un plat. La douleur physique fait mal évidemment, mais ça ne dure qu'un temps. On s'y habitue, et en serrant les dents, on tient bon et on s'accroche. On la surmonte et on n'en devient que plus fort.
Inversement, la douleur mentale est bien plus destructrice et douloureuse, puisqu'on ne peut rien faire pour l'arrêter. Elle s'insinue lentement dans l'esprit, tel un nuage toxique, et nous torture sans relâche. Avec le temps, elle fini par se calmer et ne maltraite plus notre Raison à chaque instant de faiblesse. Elle part se tapir dans un coin sombre, comme pour se faire oublier, et est bien stupide celui qui se croit délivré. Car elle est là, aux aguets, cachée et invisible,  prête à refaire surface pour tout détruire à la première occasion.
Cette douleur, on ne s'en remets pas et on ne s'y habitue pas non plus. Derrière elle, elle laisse des séquelles et des cicatrices que rien ne pourra faire disparaitre. Il faut apprendre à vivre avec, et résister pour ne pas se laisser submerger, pour ne pas laisser la folie nous dévorer.

D'un geste volontaire brutal, je balaye la couverture de côté pour m'extraire du lit. J'enfile rapidement des sous-vêtements, des vêtements et des chaussures, puis claque la porte derrière moi, aussi fort que possible.
J'espère que ça le réveillera.

Je traverse les couloirs d'un pas pressé mais prudent, au cas où je tomberais sur qui que ce soit.
Hier, alors que je sortais de la cellule, il m'a semblé apercevoir la silhouette de Nash au bout d'un couloir. Prise d'une montée de panique, j'ai instantanément fait demi-tour pour fuir dans le sens inverse. Sauf que dans ma précipitation, au tournant d'un couloir, j'ai percuté un gars si fort que j'en suis retombée sur les fesses. Le gars n'était pas seul, et j'ai été ô combien ravie  d d'apprendre qu'ils étaient tous deux amis de Shane. Merveilleux. Et comme si ça ne suffisait pas, le deuxième gars ne cessait de me fusiller du regard, comme s'il me reprochait quelque chose

N°2304Où les histoires vivent. Découvrez maintenant