Je divague ; j'ai l'impression de planer.
Je sais ce qu'il m'arrive, mais impossible d'y résister. Mon esprit parait léger et libre, mais ma tête, elle, est affreusement lourde. Je tangue.
Ma tête tourne et m'entraîne avec elle. Si je n'avais pas les mains attachées dans le dos de cette chaise, je serrai sûrement déjà tombé par terre, incapable de me relever. De bouger. De parler.
Mes muscles sont crispés et douloureux, et ma langue semble avoir perdu sa faculté de locution. Mes paupières semblent peser une tonne elles aussi, et il m'est difficile de ne pas sombrer de nouveau. Je viens juste de me réveiller de cette étrange semi-torpeur, mais pourtant, j'ai l'impression de lutter contre la fatigue depuis des mois. Je cligne des yeux, une fois, deux fois, trois fois.
Je ne dois pas m'endormir.
Je n'ai pas oublié ce qui m'a amené ici, et c'est pour ça que je dois profiter de mon éveil pour réagir. Ils ne vont certainement pas tarder à arriver.
Je cligne des yeux, une fois, deux fois, trois fois. Non. Je ne dois pas dormir. Si Bérivan venait à débarquer, je voudrais le voir avant de me retrouver à genoux devant lui. Je veux pouvoir lui cracher au visage avant qu'il ne prenne plaisir à m'humilier.
Ma tête roule à gauche, à droite, et finalement, en arrière. Je sors peu à peu de ma somnolence et mes douleurs commencent elles aussi à se réveiller. Dans le crâne, dans le dos et dans le cou.
Dans le crâne, c'est pour cette migraine qui me barre le front. Dans le dos, c'est suite à ma petite altercation avec les gardes qui m'ont envoyé contre le mur. Et le cou, c'est pour ce vilain coup de taser pour avoir...
Nate.
Où est Nate ?
Pris d'un élan d'inquiétude, j'essaie tant bien que mal de me redresser pour regarder autour de moi. Mais mon corps ne m'écoute pas et ne réagit pas. J'entre-ouvre les lèvres pour parler, mais la seule chose qui sort de ma bouche est un mince filet de bave, qui dégouline sur le sol. Le son de ma voix produit un drôle de gargarisme dans ma gorge et la frustration m'envahit tandis que je me rends compte à quel point je suis faible. Si Bérivan arrivait là maintenant, il pourrait me faire n'importe quoi sans que je ne puisse intervenir. Je tente de déglutir pour ravaler ce flot de salive, mais ma langue obéit bizarrement et je manque de m'étouffer. Je tousse puis ouvre les yeux, mais les referment aussitôt, éblouis par une lumière jaune. J'aimerais tellement dormir... Non, je ne dois pas.
J'essaie une nouvelle fois d'appeler Nate, mais ma voix sèche n'émet qu'un faible murmure suivit d'une quinte de toux.
Ne dors pas, ne dors pas, ne dors pas, ne dors pas. Ne dors pas.
...La porte s'ouvre à la volée en cognant contre le mur en béton et me réveille en sursaut. Je cligne des yeux plusieurs fois pour m'habituer à la luminosité tandis que des pas pénètrent dans la pièce. Je dirais qu'ils sont trois mais je n'en sais rien. Ils ont fait exprès de m'installer face au mur et dos à la porte pour que je ne puisse rien voir.
-C'est l'heure, on y va.
Cette voix... Je la connais. Grave, rocailleuse. Je ne peux pas me tromper.
Deux mains m'empoignent de chaque cotés pour me soulever et me soutenir debout. Si je le voulais, je suis sur que maintenant mes jambes obéiraient et me porteraient ; mais l'idée de jouer à celui qui est encore dans les vapes me paraît intéressante.
Les deux gars soufflent sous mon poids et leurs corps encore pas totalement développé me fait comprendre qu'ils sont jeunes et donc nouveaux. Parfait. Ce qui veut dire qu'ils n'ont pas l'habitude des complications et des rebelles.-Tenez-le bien, ordonne la voix rocailleuse que je reconnais très bien.
Je lève les yeux sur elle et effectivement, je ne me trompais pas. Le Vieux m'observe un instant d'un regard méprisant avant de tourner les talons et de refermer la porte derrière lui. Je laisse mollement retomber ma tête et les gars semblent avoir du mal à me porter.
-Putain il est lourd, grommèle le gars à ma gauche.
-Je crois qu'il est encore inconscient.
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N°2304
Mystery / ThrillerUn centre. Des garçons. Des filles. Une fille. Une salle. Des menottes. La peur. Le désespoir. Le commencement. Un garçon. Une cellule. Des voix. La douleur. La culpabilité. La fin. Ils n'ont aucunes idées de ce qui les attendent...