Quand les pas lourds des bottes des gardes résonnent dans le couloir Ouest, tout le monde autour de nous se tait et se tourne vers l'espace vide au centre de la pièce. A l'intérieur, une étrange colonne de métal d'environ trois mètres de haut trône fièrement. À sa base, sa couleur métallique est tachée de sang et des anneaux hornent tout son tronc.
Zack est venu quasiment le premier pour avoir une place au premier rang et quand je suis arrivée, je l'ai immédiatement rejoint puisque je ne connaissais personne d'autres. Je n'ai pas vu les filles, ni même Milla aux côtés de Zack. Les gens pivotaient juste sur place pour me laisser passer et lorsqu'ils tournaient la tête pour me regarder, leurs sourcils se haussaient de surprise et ils se décalaient respectueusement.
Les pas pénètrent dans le Forum et même si je suis bien placée, je dois me lever sur la pointe des pieds pour regarder par dessus la foule l'entrée Ouest, d'où les gardes arrivent. Leurs visages sont couverts, comme ceux qui sont venus inspecter la cellule, et ils trainent par les bras, un corps mou et désarticulé. J'ai un pincement au coeur lorsque je me rends compte qu'il s'agit de Nate, le meilleur ami de Shane. Je jette un coup d'oeil à ma gauche pour observer la réaction de Zack. Il serre les dents si fort que je vois les muscles de ses mâchoires se dessiner à travers ses joues et ses sourcils sont froncés par la colère.
Les gardes trainent Nate à travers la pièce, comme un sac, et je remarque qu'il bave comme s'il n'était plus maître de son corps. Ils le relâchent aux pieds de la colonne et l'un d'eux le redresse sans ménagement par les cheveux tandis que l'autre l'attache par les mains à un des anneaux. De la salive lui dégouline le long de la joue puis du cou et je comprends à ses yeux qui papillonnent qu'il lutte contre le sommeil ou quelque chose y ressemblant. Mais vu son état, je dirais plutôt qu'il lutte pour ne pas tomber dans les pommes. Le garde relâche violemment sa tête et Nate s'effondre à genou, les paupières closes. À mes côtés, Zack se tend et fixe son ami d'un regard intense comme pour l'encourager à se relever. Mais Nate ne le voit pas et il semble bien trop faible pour se redresser.Plusieurs minutes s'écoulent pendant lesquelles le garde derrière lui semble se préparer. Il recouvre peu à peu ses esprits et arrive enfin à relever la tête. Son épaule reste callée contre la colonne pour éviter de vaciller et ses mains se crispent autour.
Dans son dos, le vieux garde attrape une tige fixée à sa ceinture et la déploie d'un coup sec. Il appuie du pouce sur un bouton à sa base et je comprends au grésillement qu'elle émet qu'il s'agit d'un taser. Nate est agenouillé à ses pieds, toujours chancelant, et lorsque le taser s'allume, il secoue la tête en s'agitant. Je vois d'ici ses lèvres marmonner "Non" plusieurs fois, puis "Pas encore s'il-vous-plaît". Ses plaintes me serrent le coeur et je ne comprends pas comment Zack fait pour ne pas courir le rejoindre. Je ne connais pas Nate, je ne les vus que deux trois fois ; et pourtant, ses lamentations me donne envie de foncer l'aider. De sortir du rang pour le détacher et mettre à terre ces deux salauds de garde. Je suis sûre qu'ils prennent plaisir à l'humilier.
Mais je ne le fais pas. Nate n'est pas mon ami ; ce n'est pas à moi de faire ça. C'est à Zack de le faire, même si je sais qu'il ne bougera pas.Le vieux garde, impassible, approche le bout rond du taser de la nuque de Nate et lorsqu'elle y entre en contact, le résultat est immédiat. Son corps se cambre à l'extrême en tremblant, et quand le taser est retiré, Nate hurle et s'effondre, secoué par de violentes convulsions. Une salive blanche comme l'écume lui coule d'entre les lèvres et son cri résonne dans ma tête, me glaçant d'effroi. Jamais je n'ai entendu de cris aussi effrayant.
Le vieux garde lui accorde quelques maigres secondes de récupération avant de renouveler l'opération.
Le résultat est le même : Nate hurle à s'en déchirer les cordes vocales et son souffle déjà haletant s'accélère en un rythme anormalement rapide. Étalé sur le flanc, ses yeux pourtant ouverts semblent vide, mort. Seule sa respiration excessivement rapide anime son corps.
Quand le vieux garde le tase de nouveau, cette fois sa voix se brise en sanglots et je ne peux plus faire semblant. Je plaque mes mains sur mes oreilles pour étouffer ses cris horrifiant alors que les larmes me montent aux yeux. C'est insoutenable, je ne peux pas continuer à regarder. Je ne sais pas comment les autres font pour rester impassible.
Je me baisse à genoux pour me recroqueviller bien que ses hurlements terrifiants me parviennent quand même et Zack exerce une pression sur mon épaule comme pour me dire "courage".
Mais impossible, mon courage s'est envolé. Les hurlements de Nate me terrifie et j'ai juste envie de m'en aller et de ne plus jamais entendre ça. C'est insupportable.
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N°2304
Mystery / ThrillerUn centre. Des garçons. Des filles. Une fille. Une salle. Des menottes. La peur. Le désespoir. Le commencement. Un garçon. Une cellule. Des voix. La douleur. La culpabilité. La fin. Ils n'ont aucunes idées de ce qui les attendent...