D'un signe de la main, j'intime à Nate de ralentir et de se ranger derrière moi. Nos pas sont rapides mais légers et discrets. Je regarde autour de nous plusieurs fois, vérifie prudemment les couloirs avant d'y pénétrer, mais c'est comme il me l'avait promis : vide. Il n'y a personne.
Comme quoi, ce n'est pas parce que ça fait longtemps que c'est pour ça que c'est un piège.
Je jette un coup d'oeil par dessus mon épaule, et l'expression inquiète de Nate me fait sourire. Il rase les murs au plus près, et au moindre petit craquement, il se fige et balaye les alentours du regard, en alerte.-T'as vu, tout se passe bien, je lui fais remarquer en souriant, pour le détendre.
Depuis qu'on a quitté la chambre, Nate est aussi tendu que la corde d'un arc. Il m'accompagne dans chacunes des missions que je m'autorise à lui partager et je sais que bien qu'il soit nerveux, il a confiance en moi. Il a confiance en moi et il tient à m'accompagner ; je le sais.
“ À la vie, à la mort ”.
C'est ce qu'il me répétait quand on était gosse.
Aujourd'hui, nous risquons bien plus gros que d'habitude et pourtant il est quand même là, à couvrir mes arrières. Il a tellement confiance en moi que je suis sûr qu'il me suivrait même jusque dans un champs de mine les yeux fermés.
Mais si Zack, lui, n'est pas là et qu'il semble beaucoup moins confiant, c'est parce qu'il ne partage pas le même point de vue que nous. Nate et moi sommes les seuls à risquer nos vies et à élaborer des plans pour se tirer d'ici.
Zack, lui, comme beaucoup d'autres, n'agit pas et attend.
Guider par la peur, ils acceptent et subissent tout.
Honnêtement, je ne comprend vraiment pas le point de vue de Zack ; je n'arrive même pas à comprendre ce qu'il attend. La mort peut-être ? Mais où est le but de sa vie !? Sa raison de vivre, LA chose qu'il a envie d'accomplir avant de crever !?
À vrai dire, je ne l'ai jamais vraiment laissé m'expliquer non plus. Mais c'est plus fort que moi ; son comportement, ses idées, son point de vue m'exaspèrent et à chaque fois j'hausse le ton et on se prend la tête. J'essaie de lui faire comprendre que tout ce qu'il pense est complètement con tandis que lui s'entête à essayer de crier plus fort que moi. Les gars s'interposent entre nous pour nous calmer et Zack fini souvent par partir en claquant la porte. Il me répète que c'est parce qu'il a peur, qu'il ne veut pas qu'on me chope et qu'on “me rende comme Nate”. Mais la peur ne mène à rien ; et ses mots me blessent autant qu'ils m'énervent.-On en reparlera quand on rentrera sain et sauf, grommèle Nate aux aguets.
Je lui souris.
-Détends-toi mec, on ne mourra pas aujourd'hui ; c'est moi qui te le dit.
Néanmoins, je ne veux pas que Nate soit trop stressé pour cette mission. La peur fait faire des choses stupides et je ne voudrais pas qu'il réagisse mal face à tant de pression. Nate a ce genre de réactions incontrôlées parfois et ce n'est pas facile à gérer. Aujourd'hui, on ne peut pas se le permettre.
-C'est bien pour ça que je ne suis pas rassuré.
Je coule un regard en coin et un sourire carnassier à Nate qui me répond par une grimace faussement inquiète, et il éclate de rire, dans un naturel qui me surprend. Enfin.
Enfin Nate rit. Ça faisait tellement longtemps que je ne l'avais pas entendu rire ; ce son et ce sourire m'avait manqué.
Comme me le rappelle sans arrêt Zack, Nate n'est plus vraiment le même depuis son Isolement. Il est devenu beaucoup plus calme et raisonné qu'il ne l'était avant. Plus de Nate souriant, drôle, arrogant et aguicheur ; ce Nate là semble être resté enfermé en Isolement. Ça me fait mal mais Nate est mon frère et je ne l'abandonnerais pas pour autant. Zack a eu beaucoup plus de mal que moi à accepter ce que Nate était devenu et parfois lorsqu'il est anxieux ou en colère il remet ça sur le tapis. Mais je déteste comment il nous le rappelle et comment il parle de lui. Comme si Nate n'était plus qu'un légume sans conscience qui n'entendait pas. Je déteste ça et je trouve ça inadmissible de la part de quelqu'un qui se prétend être son frère. S'il l'est vraiment alors qu'il le traite comme tel et qu'il accepte ce qu'on lui a fait, et ce qu'il en est devenu. Qu'il arrête de le rabaisser en parlant de lui comme d'un attardé et surtout, surtout, qu'il arrête de l'appeler comme les grands l'appellaient.
“Nate l'Insensible”.
Les grands s'étaient mis à l'appeler comme ça lorsqu'il est revenu de son Isolement, et Zack ose le surnommer comme ça sous ses yeux, sous mes yeux, quand nous nous prenons la tête. Je ne veux pas que Nate réentende ça ; il l'a déjà assez fait comme ça.

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N°2304
Misterio / SuspensoUn centre. Des garçons. Des filles. Une fille. Une salle. Des menottes. La peur. Le désespoir. Le commencement. Un garçon. Une cellule. Des voix. La douleur. La culpabilité. La fin. Ils n'ont aucunes idées de ce qui les attendent...