𝐒𝐀𝐑𝐐𝐀𝐍 | 1 et 2 |

37. Zina

Tout est devenu clair le jour où tu m'as pris la main, montré le chemin. 

– Maitre Gims

ZΛïM KΉΛП

─ On se paye ma gueule ! Braille Yazhïr à bout de nerf. 

Le dossier qu'il tient dans les mains se fait propulser contre le mur derrière nous, laissant les feuilles voltiger doucement. Je ferme les yeux quelques secondes en grimaçant alors que mes frères et moi sommes assis à nos places dans le grand manoir délabré dans lequel ma famille se réfugie. Ils sont revenus au Bahreïn hier alors que je m'amusais à être obsédé par Yousr. 

En tournant la tête, je fusille du regard Zafar qui est assis tel un roi sur son trône. Les jambes croisées, il me dévisage et penche la tête sur le côté comme pour me dire qu'il m'avait prévenu. Cette balance mérite que je lui rappelle qui est l'ainé entre lui et moi. 

J'étais certain de pouvoir passer une bonne journée avec la femme à qui je vais gâcher la vie, mais c'est sans compter sur mon petit frère qui joue les détectives et nous a espionnés toute la journée. 

Je peux encore rattraper mon coup et leur dire que c'est juste un jeu dans lequel Yousr tombe tête la première, mais intérieurement, je suis à bout. J'en ai marre de travailler, d'avoir mal au cœur, de contenir mes sentiments et surtout de mentir. Cette réputation d'Aladin qui me colle à la peau, ça me démange de plus en plus. 

En un pas, Yazhïr comble la distance et se poste devant ma table avant de m'attraper par le col de ma chemise blanche. Le pli entre ses sourcils froncés me rappelle à quel point il peut vite devenir fou lorsque quelque chose le tracasse. 

Je reste la bouche fermée sans baisser les yeux alors que mes fesses ne touchent plus la chaise sur laquelle j'étais assis, il y a quelques secondes à peine.

─ T'a l'air de prendre du plaisir à te payer notre gueule Zaïm, continue celui-ci en ricanant nerveusement. Très bien p'tit frère, on va prendre du plaisir tous les deux avec cette femme. Je te promets que tu la tueras avec tes propres mains.

─ Il ne le fera jamais, intervient Zafar un poil arrogant. Il est prêt à ce que sa famille soit tuée plutôt que de la tuer elle.

Yazhïr ancre ses yeux dans les miens, perçant mon âme jusqu'à trouver la réponse qu'il attend. 

En vérité, qu'ils attendent tous. 

Est-ce que je suis capable de tuer Yousr pour protéger ma famille ? Oui, mais ils ne s'en rendent pas encore compte. Aveuglé par la jalousie. 

C'est facile pour Zuhïr et Zefira par exemple, les sentiments ne sont qu'un moyen d'être plus faible. Zahrâ et Yazhïr sont ensemble dans les braquages et Zafar, il est aussi brisé qu'un vase tombé au sol. Impossible à réparer, sa haine traversa toujours les trous même en essayant de réparer son cœur. 

Je suis assez adulte pour qu'on ne s'exprime pas à ma place. Si j'ai mal, c'est parce que je l'ai voulu. Si je pleure à la fin, c'est parce que j'ai envie de souffrir. Autrement, je n'aurais convaincu personne avec Yousr.

─ Tu me fais de la peine pauvre type, crache Yazhïr en relâchant.

Je retombe sur la chaise, la mâchoire crispée. 

Dans ce monde, les gens vont me respecter, se mettre à genoux pour me supplier, mais quand je rentre chez moi, c'est quelqu'un de plus puissant qui m'arrache le fait d'être Grand pour les autres.