-Faut vraiment que tu voies ça Chris, elle a un talent de fou, mais ce qu'il se passe dans sa tête ne doit pas être beau à voir.
-Arrête. Franchement ça se fait pas ! Refusais-je alors qu'elle tourne de nouvelles pages.
Mais soudain son regard change, il se voile de larmes qu'elle retire rapidement à l'aide de ses pouces.
-Qu'est-ce qu'il y a ?
-Tiens, regarde par toi-même.
Je cède et me rapproche d'elle, les mains tremblantes, je prends le petit carnet. Je passe délicatement ma main sur le dessus et l'ouvre.
Le premier dessin est sombre et empli de tristesse, de tourment. On y voit une balançoire vieillie par le temps au milieu d'un champ de blé. Une jeune fille est installée dessus, les mains accrochées aux chaînes rouillées, habillée de noir de la tête aux pieds. Une capuche recouvre sa tête baissée, faisant s'affaisser ses épaules, comme si tout le poids du monde ne tenait que sur ses frêle épaules. Je ne saurais pas dire ni comment ni pourquoi, mais la détresse transcende ce dessin, comme une angoisse funeste habitant la seule âme sur le papier.
Je tourne la tête vers Judie et la regarde encore remuée par ce dessin.
-C'est magnifique, super bien dessiné, mais c'est tellement triste... Dis-je à voix basse.
-Hum, mais c'est pas le pire, regarde les autres.
J'écoute ma meilleure amie et tourne les pages une à une, prenant le temps nécessaire pour examiner les œuvres qui s'y trouvent. Tous les dessins sont sombres, emplis de tristesse, de dureté, un air morbide plane sur tous, n'enlevant pourtant rien à la beauté de ses dessins.
Il y a des paysages, un ciel de tempête, une forêt fantôme, des gouffres, et tant d'autres. Où seulement une jeune femme, toujours de dos, sombre, une capuche recouvrant sa tête. Souvent, elle se trouve perdue dans ces paysages, le regard baissé, accablée par une invisible.
Il y en a tellement, je n'ose pas imaginer le nombre de carnets qu'elle a déjà dû gribouiller dans le passé.
Mais il y en a un bien plus sombre que les autres, plus dure, plus morbide... me faisant retenir mon souffle, alors que les battement rapide de mon cœur raisonnent dans un bruit sourd contre mes tempes. Mes larmes viennent chatouiller mes yeux quand je comprend, il exprime son désir le plus profond. Je n'arrive pas à retenir un hoquet de surprise, choqué qu'un dessin d'une tel beauté, puisse refléter une telle force, une telle détermination, un tel désir de mourir... À travers les lignes et courbes de cette œuvre, je devine aisément sa détresse, sa peur, sa honte,... comme un appel au secours silencieux.
Il y a cette fille debout, au ras d'une falaise immense, dont on ne distingue pas le fond. On a l'impression qu'elle bascule entre le vide qui l'appelle et la terre qui la retient d'un fil, entre la vie et la mort. Elle a toujours le même pull sur les épaules, il me dit vaguement quelque chose mais je ne sais pas où je l'ai vu. Pour une fois, elle a la tête levée, capuche fixée sur la tête comme toujours, elle regarde les nuages défiler au-dessus de sa tête. Son air triste ne la pas quitté, comme si elle ne pouvait vivre qu'à travers son immense chagrin, mais une nouvelle lueur brille dans ses belles prunelles, comme une étincelle, un peu de bonheur dans son monde détruit.
Ce dessin pourrait s'arrêter là, mais le pire reste à venir. Il y a une pensée qui plane au-dessus de sa tête, le seul élément clair de l'œuvre. On la voit, se laisser tomber dans le vide, les bras écartés, le visage relevé vers le ciel. Et, alors qu'elle chute vers une mort certaine, elle rayonne, un magnifique sourire illumine son visage, ses yeux brillent de joie, de bonheur, elle a l'air de vivre pour la première fois. Comme si, seulement la mort, pouvait la libérer.
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Juste une étincelle
Romance-Maman, Maman ! T'as vu ? Regarde ? Je lève le regard sur le visage de ma mère, concentrée à sortir un cahier de mon cartable. -Qu'est-ce qu'il y a, chouchou ? -Y a une nouvelle dame à l'école ! Je sautille sur place, excité de voir une no...
