Pour ne pas éveiller les soupçons je suis retournée dans la salle des archives presque tous les jours, sans aucun but en tête, trépignant d'impatience. Finalement, j'ai reçu un message d'apparence anodine de la part de Stark, un simple :
Fait.
C'est le signal que j'attendais. Je jette le contenu de mon plateau repas dans une poubelle et sors du réfectoire pour me rendre directement dans le garage. Une fois à l'intérieur du jet, protégée des regards, j'appelle Tony Stark. Il décroche après la deuxième sonnerie et son visage s'affiche sur l'écran.
« Je n'ai pas beaucoup de temps. »
C'est la première chose que je dis, sans m'embarrasser de politesses inutiles. C'est alors que je remarque son air abattu.
« Tout va bien ? demandé-je.
- J'avais une conférence avec des étudiants hier, explique-t-il vaguement.
- Tu as l'air ennuyé, insisté-je.
- J'ai rencontré quelqu'un. Une femme... Elle travaille aux ressources humaines du gouvernement.
- Oh, fais-je maladroitement en ayant l'impression de m'aventurer en territoire un peu trop personnel. Alors Pepper et toi n'êtes plus...
- Si. Non. Ça n'a rien à voir. C'est juste... Ce n'est rien, se reprend-t-il. J'ai terminé ton virus. La clé créera une brèche dans leur sécurité pour une petite minute. Tu tapes vite ? Très bien, approuve-t-il après que je lui réponde par l'affirmative, tu n'auras pas beaucoup de temps. Anthony Stark, avec les deux majuscules, c'est ce que tu dois entrer dans la deuxième case. Ça lancera le décryptage de toutes les informations du SHIELD.
- Merci Tony, dis-je en l'appelant par son prénom pour la première fois.
- Loïs ? me retient-il alors avant que je ne raccroche. Appelle Wanda. Elle aura besoin de toi. »
Stark coupe la ligne sans en dire plus. Intriguée, je compose le numéro personnel de Wanda en tapant de l'autre main une recherche internet à son nom.
Le temps que la communication se fasse, j'ai déjà vu suffisamment de vidéos pour comprendre le problème. L'équipe de Steve était au Lagos, un pays d'Afrique proche du Wakanda d'où provient le vibranium dont est constitué son bouclier. Des montages amateurs montrent Wilson aux prises avec deux hommes dans un marché de la ville. Quelques secondes après, c'est Natasha que je vois tirer au pistolet sur un autre et plonger au sol pour rattraper au vol une fiole rouge. Du sang, ou une arme biologique, si je devais deviner.
Enfin, plusieurs courtes vidéos prises par des caméras de téléphones montrent Steve affronter un homme casqué, au plastron imposant marqué d'une croix blanche.
Je reconnais Brock Rumlow. Chacun de ses coups est chargé de haine, mais Steve finit par gagner l'avantage en restant calme. Ce n'est qu'à ce moment que je remarque la ceinture d'explosifs autour du corps de Rumlow, et que je devine qu'il va jouer les kamikazes. A cet instant je voudrais pouvoir hurler à Steve de faire attention. Je voudrais pouvoir entrer dans l'écran et m'occuper moi-même de celui qui se fait appeler Crossbones. Mais je ne peux qu'assister, impuissante, à l'erreur de Rogers, qui se laisse si facilement distraire par les mots de Rumlow.
Il met en marche la ceinture d'explosifs. Un affreux sentiment d'horreur me fait serrer les dents instinctivement. Cependant, au moment où la bombe devrait tout détruire, un champ de force rouge stoppe les flammes et soulève l'homme en l'air pour l'écarter des dizaines de civils qui assistent à la scène.
Rumlow s'envole, il monte haut dans les airs. Je soupire de soulagement, mais soudain le champ de force faiblit. La déflagration est assourdissante. L'énergie et la chaleur dégagées par l'explosion se propagent à une vitesse fulgurante le long d'un immeuble et enflamment plusieurs étages. La dernière chose que je vois, c'est la fumée qui s'élève du bâtiment, et l'équipe de Steve, atterrée devant le spectacle.
« Loïs ? fait d'une petite voix mon amie, qui a décroché au moment où la vidéo s'est terminée.
- Je viens de voir ce qui s'est passé, dis-je. Tu vas bien ?
- Non... gémit-elle d'une voix chargée. Loïs qu'est-ce que j'ai fait...
- Tu as sauvé tous ceux qui étaient au sol, dans le champ de l'explosion, réponds-je fermement. Et tu as sauvé Steve. Sans toi, les Avengers n'auraient plus de capitaine.
- Mais ces gens... Ils pensaient qu'ils étaient en sécurité chez eux et j'ai amené une bombe juste devant leur fenêtre.
- Non, Wanda, la corrigé-je. Écoute-moi. Ces gens n'ont pas eu de chance. On ne sauve jamais tout le monde, jamais. Tu laisseras toujours quelqu'un derrière toi. Le mieux que tu puisses faire, c'est apprendre à en laisser le moins possible. Tu voulais être un Avenger ? C'est ce que c'est. »
Je l'entends renifler à l'autre bout de la ligne. Je la connais assez pour savoir qu'elle essaie de ne pas pleurer, qu'elle regarde en l'air en clignant des yeux pour ravaler ses larmes.
« Wanda, l'appelé-je. Il faut que tu dormes. Je sais à quel point c'est dur, crois-moi, je le sais. Je suis passée par là, on est tous passé par là. Tu crois que Steve n'a jamais mal au ventre la nuit en pensant aux vies qu'il a prises ? Tu peux pleurer jusqu'à ce qu'il ne reste plus une larme dans ton corps, mais après tu dois te relever.
- Je ne peux pas. Je ne sais pas comment, affirme-t-elle tristement. Où es-tu ?
- Je suis trop loin de New York pour être là au matin. Je serai de retour dans le mois. Je dois y aller. Tu es forte Wanda, je sais que tu peux le faire. »
Elle a l'air terrifiée, et abattue. Le pire, c'est que j'ai mal pour elle.
Je n'ai pas pu m'empêcher d'aimer Wanda, depuis le premier jour. Quand la voiture du SHIELD m'a déposée à l'entrée de la tour, c'était elle qui m'a accueillie. Nous avons attendu que les autres rentrent de mission en discutant ; et pendant un moment tout a semblé normal. Pendant un moment j'ai oublié qu'HYDRA m'avait mise là.
Je glisse la clé USB dans la poche de mon sweat et sors de l'avion en me forçant à marcher à une allure raisonnable : pas question de soulever des doutes, pas maintenant.
De retour dans les bureaux du SHIELD, je ferme la porte et installe une chaise contre la poignée pour ralentir la progression de ceux qui comprendront d'où vient la brèche. Ensuite, je m'installe à l'ordinateur le plus éloigné, l'allume et insère la clé dans l'unité centrale. Aussitôt une fenêtre s'ouvre et affiche une barre de recherche. Je tape rapidement le mot de passe de Stark, le cœur battant fort dans ma poitrine. L'écran se brouille quelques secondes avant que la liste complète des dossiers du SHIELD ne se déroule devant moi, comme si j'étais le Directeur en personne.
Je n'ai que quelques minutes.
Pressée par le temps, je cherche la liste des agents ayant constaté la mort de mes parents. Cette fois-ci il n'y a pas de bandes noires pour protéger leurs identités. Ils sont trois, les agents Beckett, Müller et Johnson. Je mémorise leurs noms dans ma tête, puis je les confronte aux données du SHIELD.
Le premier, Beckett, était anglais. Il est mort pendant la révolte d'HYDRA il y a deux ans, au Hub, une ancienne base du SHIELD. Rien n'indique qu'il ait pu falsifier le rapport. Müller, le second, est décédé des suites de ses blessures après la bataille du Triskelion.
Je ne peux interroger aucun d'eux. Je jure entre mes dents. Dehors, des pas se font entendre de plus en plus forts. Je suis remarquée. La poignée tourne frénétiquement sans que la porte ne cède. Il ne me reste pas beaucoup de temps.
Johnson, le dernier agent, est le seul encore en vie. Un coup sourd résonne contre la porte. Un premier coup de feu retentit. Ils font sauter les gonds. Mon cœur bat plus vite, mais je reste imperturbable. Je transfère immédiatement tous les documents concernant Johnson sur la clé, que je cache dans ma botte, puis je ferme la session et m'écarte du bureau les mains en l'air au moment où la porte s'ouvre en projetant la chaise qui la retenait contre le premier bureau. Aussitôt, une troupe d'agents pénètre à l'intérieur et tous braquent une arme sur ma tête. Je les laisse m'agenouiller, puis m'allonger par terre sans résister. Ils me passent des menottes au poignet et me tirent sur mes pieds, avant de me sortir de la salle.
VOUS LISEZ
Cerberus
FanficD'abord je faisais partie du SHIELD. Et puis je suis partie. Ensuite j'ai travaillé pour les Ten Rings. Et cette fois on m'a forcée à m'en aller. Maintenant je vis à New York près des Avengers. Mais ce n'est qu'une question de temps avant que je ne...