Cerberus

Chapitre 7

Je suis en passe de devenir folle et faire les cent pas dans ma chambre ne m'aide pas.

En reconnaissant le visage de mon petit frère, j'ai fermé le dossier et éteint l'ordinateur puis j'ai regagné ma chambre, la tête comme envahie d'un épais brouillard. J'ai croisé Natasha dans les couloirs, qui a vu que quelque chose n'allait pas. Ses lèvres ont bougé mais je ne l'ai pas entendue, ou j'ai oublié.

C'est impossible. Adam est mort devant moi en Afghanistan, à des dizaines de kilomètres de la maison. Ses cris étaient bien trop réels pour que j'aie pu les imaginer. La photographie est un montage, c'est forcément un montage, mais dans ce cas comment ne pas remettre en cause l'autre image, celle de mes parents ? Mais pourquoi le SHIELD aurait-il mis en scène leur mort ?

Non. C'est impossible. J'ai vérifié, j'ai vu les deux tombes. Mes parents sont morts. Ma famille est morte.

Le SHIELD a essayé de masquer l'enlèvement de mon frère en prétendant qu'il avait été tué avec mes parents, mais quand je suis rentrée et ai raconté la vérité, leur mensonge a été corrigé discrètement. Seulement voilà, Natasha avait déjà libéré les dossiers sur Internet, et ceux-là ne pouvaient plus être modifiés.

Je me frotte le front pour me libérer l'esprit. Pourquoi le SHIELD a-t-il d'abord menti sur le sort de mon frère ?

Mon regard vagabond tombe sur mes deux pistolets posés sur la couette ; j'attrape le plus grand, simplement pour sentir son poids rassurant dans ma main pendant que je réfléchis.

Je pourrais partir pour une base du SHIELD et consulter les dossiers actuels pour essayer d'en apprendre plus sur les agents qui ont constaté le décès. Si j'arrive à les retrouver, je peux même leur demander des explications.

« Loïs ? » m'interpelle une voix à l'accent étranger.

Le visage de Wanda apparaît dans l'embrasure de la porte. Je relève la tête et pose mon pistolet loin de moi pour ne pas l'effrayer. La jeune femme le prend comme une invitation à entrer et vient s'asseoir à côté de moi sur le lit.

« Qu'est-ce qui ne va pas ? » demande-t-elle gentiment en prenant ma main dans la sienne.

Je secoue la tête, soulagée qu'elle se retienne de lire dans mon esprit, mais à des lieues de vouloir lui parler de ce que je viens de découvrir. La jeune femme presse ma main et change de sujet en comprenant que je ne souhaite pas en discuter :

« Où étais-tu hier soir ?

- À la maison, réponds-je sans y réfléchir. J'avais besoin d'un peu de temps loin de tout le monde. »

Mentir est devenu une seconde nature.

« Pourquoi ? demandé-je.

- Nous devions repartir ce matin mais j'attendais que tu sois de retour », explique-t-elle.

Un sourire m'étire les lèvres. Je passe un bras autour des épaules de Wanda et la serre contre moi. La jeune femme soupire, et en posant sa tête sur mon épaule, murmure :

« Tu m'as fait peur l'autre soir. »

Je ne réponds rien mais je sens mon cœur exploser de gratitude dans ma poitrine. Wanda se relève et franchit la porte avec un dernier regard. Je sais que je devrais la suivre pour faire mes adieux au reste des Avengers, mais aujourd'hui, la politesse n'est pas de mise. Je reste dans ma chambre, la fenêtre grande ouverte pour profiter du soleil.

Je m'assoupis et ne suis réveillée que quelques heures plus tard, par les vibrations folles de mon téléphone. Je me redresse dans le noir ; la fenêtre est toujours ouverte mais la nuit est tombée, ce qui n'empêche pas les lumières de New York d'envahir la chambre. J'attrape mon téléphone en pestant contre celui qui m'appelle aussi tard, décroche et le porte à mon oreille.