Chapitre 17

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Pretoria, Afrique du Sud

Je suis arrivée tard la veille, après vingt jours passés à éviter le SHIELD qui me recherche. Il n'était pas question de compromettre la sécurité d'ARIES en rentrant trop vite au quartier-général de l'organisation. J'ai fini par lire dans les journaux que les Avengers s'étaient battus les uns contre les autres. Il a suffi que je m'éloigne vingt secondes pour que tout parte en vrille.

La dernière fois que je suis venue à Pretoria, c'était avant de réintégrer le SHIELD. J'y ai passé quelques semaines, le temps de faire des tests et des évaluations et de créer mes nouveaux papiers et ma couverture. J'y suis donc une seconde fois, et considérée portée disparue. Les choses ne changent jamais.

La fouille des décombres de l'Office des Nations Unies est terminée et personne n'a pu retrouver mon corps. Ils savent que je m'en suis tirée ; mais à cet instant, chacun a de plus gros problèmes que moi.

Je suis dans le centre névralgique d'ARIES, nommé l'Œil, un magnifique bâtiment en forme d'anneau, avec au centre un immense jardin, l'équivalent du Triskelion. C'est un couple d'agents qui a fondé ARIES, et à la première destruction d'HYDRA il y a deux ans ils ont réussi à nous garder à tous la tête hors de l'eau. L'Œil s'est rempli de laboratoires, de centres de recherche, de médecins et de scientifiques ; alors que les agents ne sont arrivés qu'après, méfiants. Ils ont toutefois fini par s'y installer. C'est comme ça que le quartier-général d'une cellule d'HYDRA est devenu celui d'une organisation à part entière.

J'y ai une chambre moi aussi, avec mon nom sur la porte écrit à l'encre dorée. Depuis mon balcon j'ai une vue fantastique sur le jardin et ses arbres aux fleurs mauves. C'est là que débute ma première soirée à l'Œil. Je n'ai même pas encore touché à ma valise, j'ai seulement ouvert le mini-bar, pris une bouteille de vin et me suis servie un verre que je déguste sur le balcon. D'habitude j'évite de boire parce que l'alcool augmente le risque de crises et parce que je sors à peine d'une sombre période noyée dans le whisky ; mais aujourd'hui est un jour spécial.

Le soleil qui se couche renvoie des éclats pourpres sur les arbres. Des hommes et des femmes se promènent en bas, la plupart arborant une blouse blanche frappée de l'emblème d'ARIES sur le haut de la manche, le signe stylisé du Bélier. Depuis le balcon je n'entends aucun son si ce n'est le bruissement des feuilles, et soudain également la porte de ma chambre qui pivote sur ses gonds. Des pas se rapprochent mais je ne prends pas la peine de me retourner, préférant écouter. J'identifie deux agents, un homme et une femme.

Les Directeurs.

La femme prend place sur la chaise à ma droite, tandis que l'homme leur sert deux verres de vin de ma bouteille. Ils commencent à le siroter ensemble tranquillement, détendus, face au jardin.

« L'enfant prodige de retour pour de bon ? commence la femme en souriant sans détacher son regard du coucher de soleil.

- Qui sait, réponds-je en prenant une gorgée, peut-être. »

Je scrute le couple à côté de moi du coin de l'œil. La femme, Beth Richards, est rousse, et des taches de rousseur constellent son visage pâle. L'homme, John Allen a déjà des cheveux blancs à quarante ans. Ils ont tous les deux l'air détendu, naturellement placides, mais je les connais assez pour savoir à quel point ils peuvent devenir féroces. Je suis devenue amie avec Beth après qu'elle m'ait secourue de la prison dans laquelle j'étais retenue après m'être enfuie des Ten Rings. Elle m'a convaincu de travailler pour ARIES. Ça n'a pas été simple après ce que j'avais traversé mais à force d'insister elle a fini par gagner.

« J'ai besoin de consulter les archives Beth, demandé-je. Le plus tôt possible.

- C'est pour ça que tu es revenue ? Je croyais que c'était parce que ta couverture avait explosé en même temps que cette foutue bombe à Vienne.

- Donc ce n'est pas toi. Qui a posé la bombe ? demandé-je en me retournant face à elle et en la regardant dans les yeux pour la première fois.

- Barnes, il paraît, répond Beth en sirotant son vin, un léger sourire toujours accroché aux lèvres.

- C'est ce que tu penses ? fais-je, alors que je sais pertinemment qu'elle n'en croit pas un mot.

- Tu sais ce que je pense, dit-elle en faisant tourner son verre dans ses mains. Et toi, reprend-t-elle alors en le posant par terre et en me regardant intensément, je veux savoir ce que tu penses, toi. »

Je ne réponds rien, à la place je me renfonce dans mon siège et porte le vin à mes lèvres. Je vois du coin de l'œil Beth croiser ses mains sur son ventre. John, jusqu'alors silencieux, prend la parole :

« Que veux-tu trouver dans les archives ?

- Le CV d'un agent d'HYDRA, celui qui a été envoyé pour constater la mort de mes parents. Au début j'ai cru que c'était le SHIELD qui les avait tué, mais je n'en suis plus si sûre, confié-je. Et si j'apprends où il est, et crois-moi je vais le savoir, je lui ferai cracher ses secrets, menacé-je alors un ton plus bas.

- Je te reconnais enfin, fais Beth d'un ton amusé. Je pensais que traîner avec les Avengers t'avait ramollie. »

Je laisse échapper un petit bruit de gorge sarcastique. Rien n'aurait pu mieux me convaincre du danger que les Avengers sont que de participer à leurs missions. La plupart du temps, ils n'ont aucune idée de ce qu'ils font ou de contre qui ils se dressent.

ARIES est la seule à avoir assez de volonté pour faire ce qui est nécessaire, même si ce n'est pas toujours juste : faire passer la sécurité en premier. Et c'est ce qu'elle a fait. Le monde est plongé dans le chaos. Personne ne fait confiance à personne. Les Accords en sont la preuve : les Avengers abandonnent leur liberté d'action pour rassurer l'humanité. Ils seront contrôlables, ils deviendront obsolètes, et ils finiront par tomber. Rien ne s'opposera à ARIES, parce que tous auront déjà renoncé à leur droit de le faire. Et alors depuis l'ombre nous protégerons le reste du monde des méfaits des super-héros.

C'est pour ça qu'après tout ce que j'ai traversé, j'ai décidé de me tenir de ce côté de la bataille. Je sais quelles sont les priorités, et je sais attendre.

CerberusOù les histoires vivent. Découvrez maintenant