Jusqu'à aujourd'hui je n'ai encore rien trouvé, pas la moindre piste. J'ai cherché des mandats d'exécution périmés, des virements bancaires ; j'ai traqué les déplacements sur le sol américain de tous les agents des Ten Rings surveillés par le SHIELD.
Depuis quelques jours je fouille dans les connexions entre eux et d'autre groupes criminels : AIM, HYDRA, Hammer... sans rien trouver. Bien sûr ils sont tous reliés entre eux, s'infiltrant mutuellement d'espions ; parfois ils se rencontrent quand leurs intérêts convergent, mais rien n'indique que le tueur a été emprunté à l'un de ces groupes.
Seulement je n'ai accès qu'aux dossiers libérés par Natasha il y a deux ans. Tout a pu changer pendant ce temps. Quand je me laisse retomber en arrière sur mon siège, les yeux piquants et la tête lourde, l'après-midi est déjà bien avancé.
Je frotte mes yeux, puis me lève et sors du bureau sans fermer la session. Je descends à la cuisine, trouve dans le réfrigérateur une bouteille entamée de jus de pomme et bois au goulot. Profondément plongée dans mes pensées, je fais un bond en l'air et heurte de l'épaule la porte du réfrigérateur en entendant une voix prononcer mon nom. Je me retourne et croise les yeux de Stark, appuyé contre le plan de travail, de l'autre côté de la cuisine. Je rebouche la bouteille et essuie le jus qui a coulé sur mon menton.
« Tu m'as fait peur, dis-je, méfiante, en rangeant la bouteille dans le réfrigérateur.
- Aloïse Sherazi Adal, répète Stark en détachant chaque mot. La première fois que le SHIELD m'a envoyé un agent, il s'agissait de Natasha. Enfin, Natalie Rushman à ce moment-là. Et des années après, te voilà, surgissant de nulle part. Je t'ai vue sur le terrain, tu es bonne. »
Je hausse les sourcils mais garde le silence en attendant qu'il poursuive. Stark a le besoin systématique d'introduire ses idées par de longs préambules, et il en a une derrière la tête.
« Mais si tu es si bonne, continue-t-il, pourquoi le SHIELD ne t'envoie-t-il que maintenant ?
- Parce que Maria Hill s'est volatilisée ? proposé-je. Ou parce que le SHIELD s'est rendu compte que vous faisiez littéralement n'importe quoi sans supervision ?
- C'était, euh, seulement une question rhétorique, précise Stark en faisant le tour de l'îlot qui nous sépare. Il y a quelque chose de louche, n'est-ce pas ? »
Je garde le silence en attendant la suite. Stark m'examine de près avant de poursuivre.
« Tu étais en mission au sein des Ten Rings.
- Ce n'est pas un secret, lui rappelé-je en m'appuyant contre la porte du réfrigérateur, les bras croisés. Je parie que tu savais ça avant même que je mette un pied dans la tour.
- Oui, mais que s'est-il passé après ? m'interroge-t-il en baissant vers moi des yeux insistants. Non, ne réponds pas, me devance-t-il, je le sais déjà. »
Stark fait un pas en arrière et d'une tape sur son téléphone projette un écran entre lui et moi. Aussitôt, des dossiers apparaissent, comme jaillissant de nulle part. Il en fait glisser plusieurs hors du cadre et en développe un.
Je le reconnais immédiatement, il s'agit de ma fiche de renseignement créée par le SHIELD. Stark y accole un second fichier et se penche en avant pour me dévisager. Je m'applique à ne laisser aucune émotion apparaître sur mon visage tandis que je parcours des yeux le document numérique.
J'exhale le plus calmement possible mais je sens que mon visage me trahit. C'est un rapport bien trop détaillé de ce qui m'est arrivé avant de retourner au SHIELD, un document supposé être confidentiel.
Je lève la main et caresse doucement la cicatrice qui court le long de mon dos depuis ma nuque, l'un des souvenirs impérissables de ces deux années.
« Le sérum du super-soldat ? demande Stark avec sarcasme en inclinant la tête vers moi. Vraiment ?
- Où as-tu trouvé ces documents ? »
Ma voix blanche a au moins le mérite de ne pas trembler. Stark me fixe d'un air presque méchant, mais je me refuse à détourner le regard. En voyant qu'il ne gagnera pas la bataille, il reprend :
« Ta force n'est pas surhumaine et tu ne guéris pas aussi vite que Steve, dit-il. Le sérum n'a pas fonctionné ? »
Je ne réponds rien.
« Le SHIELD n'a jamais mentionné ça, conclut Stark, légèrement accusateur.
- Le SHIELD ment, rétorqué-je en contrôlant ma voix. Je pensais que tu étais au courant. »
J'aurais pensé que moi aussi j'étais au courant, pourtant je suis à la fois surprise et blessée de constater que Stark ait pu mettre la main sur des documents confidentiels. Je décroise les bras et serre les lèvres pour maîtriser l'afflux de mauvais souvenirs tout en soutenant le regard inquisiteur de Tony Stark.
Le SHIELD ment. Je réalise tout d'un coup mon erreur. Le SHIELD ment ! J'ai fouillé partout sauf à un seul endroit : je n'ai jamais pensé à incriminer le SHIELD !
Je tourne les talons, plantant là Stark qui me lance un regard surpris et bondis dans l'escalier de secours, trop pressée pour attendre l'ascenseur. Une fois devant l'ordinateur, je repousse le fauteuil sur le côté et commence à pianoter sur le clavier.
J'étais tellement concentrée sur les dossiers secrets et les affaires inavouables d'HYDRA que j'ai oublié de vérifier dans les documents du SHIELD.
J'ouvre l'entrée correspondant au 13 janvier une photographie s'affiche sur l'écran. Je mets une seconde à reconnaître mon salon et les deux corps effondrés. Au tout début je ne distingue que des formes, des taches de couleurs, comme si mon esprit refusait de comprendre pour se protéger.
Mais je finis par voir.
Je m'écarte précipitamment du bureau, la respiration sifflante et la poitrine serrée. Merde, merde, merde ! Je grince des dents et me couvre le visage avec les mains, sans arriver à empêcher un gémissement de sortir de ma gorge.
Je rouvre les yeux, évitant précautionneusement la partie principale de l'écran mais c'est déjà trop tard. Elle s'est gravée dans mon esprit. Un agent à la veste frappée de l'insigne du SHIELD est agenouillé à côté de mon père et ce dernier semble me fixer, les yeux grands ouverts.
Je prends le temps de respirer profondément avant de continuer, alors qu'une petite voix dans ma tête me presse de m'arrêter là, terrifiée de ce que je pourrais voir ensuite.
Il y a deux images disponibles. J'avance la main vers le clavier mais je m'immobilise, hésitante. Et si la prochaine était pire ? Et si la prochaine était de plus près ?
Mais il faut que je sache. Je jure et presse la flèche droite sans me donner le temps de réfléchir plus longtemps. L'objectif est dirigé sur la cuisine. Pourquoi la cuisine ?
Mes parents étaient tous les deux dans le salon quand ils ont été abattus. Je zoome sur le centre de la photo. Je rapproche mes yeux de l'écran et mon cœur rate un battement.
Non. C'est une erreur. Je recule mon visage, pour être sûre de bien voir. C'est impossible... un corps est étendu sur le ventre, la tête tournée vers moi, percée au front par une balle. Ce visage, ce visage mon dieu... je pourrais le reconnaître entre mille. Adam...
VOUS LISEZ
Cerberus
FanfictionD'abord je faisais partie du SHIELD. Et puis je suis partie. Ensuite j'ai travaillé pour les Ten Rings. Et cette fois on m'a forcée à m'en aller. Maintenant je vis à New York près des Avengers. Mais ce n'est qu'une question de temps avant que je ne...