Chapitre 5

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Il est bientôt dix heure et Douglas n'est toujours pas arrivé. Je me suis installée en hauteur, dans un appartement vide, toute vêtue de noir pour ne pas être vue. D'où je me tiens j'ai une vue imprenable sur le restaurant en bas. Mon fusil est installé dans l'angle de la fenêtre et j'observe les allées et venues des passants à travers la lunette, tout en grignotant des biscuits dans un sac posé à côté de moi. Des gens traversent la rue tranquillement, sans se douter que je les observe.

À dix heure et quart, une voiture noire aux vitres teintées attire mon attention. J'essuie mes doigts sur mon pantalon et rajuste le fusil contre moi. La voiture se gare sur le côté et la portière s'ouvre sur un garde du corps. Une ou deux secondes plus tard, les portes arrières laissent à leur tour passer deux hommes en costume. L'un d'eux, en gris, est Douglas, l'autre est son rendez-vous.

Petit à petit mes respirations se calment et deviennent de plus espacées, tandis que je me positionne et me fixe sur ma cible. Les deux hommes serrent la main d'un troisième qui vient d'arriver, avant d'entrer ensemble dans le restaurant. Je suis leur progression à travers les vitres, ses collaborateurs masquant parfois ma cible. Le garde du corps est resté à l'extérieur et observe les alentours. Je devine qu'il porte une arme sous sa veste, mais à cette distance, et même s'il me voyait, il ne pourrait pas me toucher. Je suis sur le point de ruiner sa carrière.

Les trois hommes s'installent à une table, pas loin de la fenêtre. Le sénateur est sur le côté, distribuant des sourires. J'attends que le premier serveur arrive pour leur donner la carte et prendre la commande des boissons tout en étirant mes doigts. Pas la peine de me précipiter.

La vue est à nouveau dégagée. Je fais attention à ne pas serrer l'arme trop fort et vise, un œil fermé. Je n'ai droit qu'à une seule balle, et je dois toucher la tête pour être sûre de finir le travail. Lentement, j'inspire, bloque l'air dans mes poumons un instant et expire en pressant la détente.

Pendant une longue seconde, je reste dans la même position pour m'assurer que la balle ne déviera pas de sa cible. Le claquement du tir et le recul de l'arme contre mon épaule ne réussissent pas à troubler ma concentration.

Je finis mon expiration lentement puis je retire le fusil de la fenêtre et en replie l'arrière avant de dévisser le silencieux et l'objectif. Je fourre l'arme dans mon sac de sport et la recouvre d'une serviette, puis jette un œil en bas pour m'assurer que personne ne regarde dans ma direction. Je referme soigneusement la fenêtre, enfile ma veste en cuir et enfonce mes gants dans ma poche et rabats ma capuche sur la tête. Il est temps de partir et il faut faire vite.

Dans ma hâte, je cale un dernier biscuit entre mes dents avant de jeter le paquet dans mon sac. Je sors discrètement de l'appartement vide et dévale les marches des escaliers, mon sac en bandoulière oscillant contre ma hanche. Les mèches courtes de mes cheveux couvrant à peine mon visage, je sors de l'immeuble et rase les murs, les mains dans les poches pour être sûre que mes gants n'en tomberont pas. C'est la pagaille autour de moi, et je n'y suis pas pour rien. Des gens courent dans tous les sens, donnant l'ordre à d'autres d'appeler une ambulance. J'ai intérêt à m'éloigner très vite d'ici.

Je n'ai peur ni de la police ni du garde du corps, non. Pour beaucoup je ne suis qu'une femme et personne ne se doutera un instant que j'aie pu tirer. En revanche, je sais qui peut traîner dans les rues après le coucher du soleil ; et peu importe leurs noms, Castle, Cage, ou le diable de Hell's Kitchen, je n'ai ni besoin ni envie d'avoir affaire à eux.

J'entre dans la première station de métro que je croise, et ressors à Brooklyn sans attirer de regards suspects de la part des New-yorkais qui n'apprendront que demain ce qui s'est passé.

En rentrant, je pose mon sac à côté de moi sur le canapé et allume immédiatement la télévision, curieuse de voir si j'ai bien fait mon travail. L'information tourne déjà sur toutes les chaînes, qui parlent d'une attaque terroriste en plein Manhattan sur fond de gens choqués et de sirènes de police qui rugissent dans la nuit. Les journalistes rapportent un mort et deux blessés, renversés pendant la débandade.

CerberusOù les histoires vivent. Découvrez maintenant