Chapitre 36

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Je me suis efforcée de parler de la manière la plus froide possible. À l'autre bout de la ligne, j'entends la respiration de Carrie s'interrompre et sa voix se retransmettre dans mon oreillette :

« Sortons d'ici, Loïs.

- Non », refusé-je.

Je fais glisser la fermeture de mon gilet et cale le carnet entre mon torse et le tissu. Je ne peux pas sortir sans me faire repérer par les caméras et Carrie est la seule à pouvoir les désactiver. Il faut réfléchir vite. Je devrais garder mon calme mais une colère mêlée d'angoisse me prend.

« J'ai oublié Steve... Comment ai-je pu oublier ? Carrie, qu'est-ce qui m'est arrivé ? Beth et toi, que m'avez-vous fait ?!

- Loïs, ce n'est pas comme ça en a l'air. Tu dois revenir avec moi, me supplie-t-elle, s'il te plaît, ou ils te chasseront. Beth ne t'accordera pas de nouvelle chance. Loïs, s'écrie-t-elle en me voyant sur une caméra émerger du bureau de Stark, ne fais pas ça, je t'en prie. Loïs ! »

Je lève mon majeur dans la direction de l'objectif avec insolence. Je me mets à courir vers les escaliers, la main posée sur le carnet sous ma veste pour l'empêcher de bouger. J'ouvre la porte de secours et dévale les marches. Au-dessus de moi, j'entends Carrie faire de même. Il faut faire vite.

« Loïs ! Arrête ! Si tu retournes là-bas quelque chose de grave pourrait t'arriver. Loïs, merde, ils m'enverront te tuer ! »

J'arrache l'oreillette et la broie entre mes mains, coupant définitivement la voix de Carrie. J'ai le temps de tenter un leurre grâce à l'avance que j'ai sur elle. J'ouvre une porte mais continue de descendre en faisant le moins de bruit possible. Avec un peu de chance elle tombera dans le panneau et je n'aurai pas à la confronter.

Je sais que je ne peux pas la battre. Elle est plus forte, plus rapide, plus précise. Elle n'hésitera pas. Je viens de devenir sa nouvelle mission.

Elle ralentit devant le piège mais je l'entends jurer et s'élancer à nouveau derrière moi. Merde, pensé-je. Ma vision se trouble après avoir vu défiler des dizaines de marches identiques. Je regarde le numéro inscrit sur le mur en chiffres bleus : 12. Merde, merde ! Je dois agir mais j'ai peur d'être abattue au moindre faux pas ; ou pire, de retourner dans la chambre noire qui me rend esclave de la volonté de Beth. 11. Si je ne fais rien je n'ai plus aucune chance. 10.

J'entrouvre la porte le plus silencieusement possible et me glisse à l'intérieur en prenant bien soin de la refermer sans faire de bruit puis je me plaque contre le mur, l'oreille tendue et le souffle court. Mes jambes se mettent à trembler mais je ne m'autorise pas à m'asseoir.

Les pas précipités de Carrie se font entendre mais elle ne s'arrête pas. Elle continue de descendre vers le sol en appelant mon nom. Un soupire de soulagement m'échappe ; je me laisse glisser le long du mur en tentant de contrôler ma respiration qui s'emballe. Ce n'est pas le moment de faire une crise de panique, vraiment pas. Je dois trouver un moyen de partir d'ici.

Le Quinjet n'est pas dans le garage et je n'ai aucune chance à pied. Finalement, une idée me vient à l'esprit. J'ouvre tout doucement la porte et vérifie que la cage d'escalier est vide. Les gonds bien huilés tournent dans le silence. Une fois de plus, je me glisse de l'autre côté.

En se refermant, le cliquetis du pêne de la serrure me fait grimacer mais il est impossible que Carrie ait pu l'entendre. Je descends dans la cage d'escalier comme enfoncée dans un silence ouaté. Carrie a réalisé que je l'avais semée parce que je n'entends plus aucun bruit. Elle me traque.

Quatrième étage, troisième, j'entre au second. Un autre escalier de service permet de descendre au garage, où Stark entrepose plusieurs de ses voitures. Il s'illumine automatiquement au moment où la porte s'ouvre.

CerberusOù les histoires vivent. Découvrez maintenant