Chapitre 40

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La nuit est tombée au moment où je raccroche le téléphone. Bucky me regarde les sourcils froncés. Il a remarqué mon air préoccupé mais ne pose pas de questions. Je m'installe à côté de lui sur le canapé et me prends la tête dans les mains pour alléger la douleur que je sens poindre derrière mon front.

« Ça c'est mal passé », statué-je gravement.

* * *

Deux jours plus tôt, Steve, Buck et moi sommes réunis pour le dîner. Natasha est partie avant le lever du soleil pour l'Irlande, où le docteur George s'est reconstruit une vie loin d'HYDRA. Pendant que nous recherchions les trois scientifiques elle s'est procurée quatre pistolets. Je n'ai pas demandé où ni comment elle les a trouvé, j'ai juste pris le Glock, soulagée de sentir à nouveau son poids familier dans ma main.

Neville George est le premier à apparaître sur les radars, suivi dans la nuit par Mendez. Les deux hommes ne sont pas doués pour vivre cachés. Ils n'ont pas reçu d'entraînement. Klein est plus discret.

Nous nous sommes séparés pour ne pas faciliter la tâche à Carrie, mais la distribution des cibles ne s'est pas faite sans heurts. Klein est à moi, sans discussions. Steve voulait emmener Bucky avec lui, mais Natasha et moi sommes tombées d'accord : ensemble, les deux hommes sont trop facilement repérables. Je ne suis même pas sûre qu'envoyer Steve soit une bonne idée mais malheureusement nous sommes à court de personnel.

Natasha a compris que quelque chose entre Klein et moi n'était pas normal, c'est pour cela qu'elle m'a coincée avec Bucky. Sur le moment, sa décision m'a mise dans une rage folle : personne ne devrait assister à mes angoissantes retrouvailles avec le professeur.

Puis Natasha est partie, Steve l'a imitée quelques heures plus tard, et avoir Buck comme partenaire ne semble plus si terrible.

« Que s'est-il passé ? demande-t-il.

- Natasha est arrivée en premier, raconté-je en répétant les mots que j'ai entendus au téléphone. Elle a eu George vivant pour quelques minutes jusqu'à ce qu'une unité spéciale d'AR... HYDRA fasse irruption. Elle s'en est tirée mais elle est blessée, ajouté-je gravement pour masquer mon lapsus.

- Et Steve ?

- Mendez était déjà mort quand il est arrivé et sa maison a été mise à sac. Il n'a rien pu trouver, rien qui ne l'incrimine en tout cas. Il est parti pour retrouver Natasha à l'hôpital, il doit la ramener.

- L'hôpital ? répète Buck d'un air alarmé.

- On lui a tiré dans la jambe. »

Je me demande ce qu'il y a entre ces deux-là. Natasha ne laisse rien paraître, mais Buck est incapable de cacher ses sentiments. Et j'ai honte de me poser la question. Ça ne devrait pas être important.

« Elle ira bien », précisé-je en me levant.

Au moment où je passe à côté de Bucky, son bras se détend et attrape mon poignet. Surprise, je m'arrête et lui jette un regard interrogateur.

« Tout va bien ? » me questionne-t-il en haussant les sourcils d'un air prévenant.

Je hoche la tête.

« Loïs. »

Sa prise sur mon poignet se resserre. Un léger sentiment d'irritation me traverse et je dégage ma main brutalement avant de soupirer. Il ne fait que s'inquiéter.

D'un signe de tête, Buck me fait signe de m'asseoir. Après réflexion, je m'exécute un peu nerveusement.

« Que s'est-il passé avec Klein ? » demande-t-il.

Il a beau essayer de prendre le ton le plus gentil, je me referme immédiatement comme une huître. Pas question que je lui explique. Pas maintenant, pas comme ça. Je lui en ai déjà beaucoup - trop - dit ; personne ne doit savoir, personne n'a le droit de savoir.

J'ouvre la bouche pour balbutier une excuse mais suis sauvée par la sonnerie de l'ordinateur qui se met à biper follement jusqu'à ce que j'éteigne l'alarme. Un point jaune clignote en Europe, non loin de l'Italie.

Je n'arrive pas à y croire. Ça y est. Nous l'avons débusqué.

Je retiens mon souffle en zoomant sur le sud de la France, puis sur la minuscule principauté de Monaco. C'est la caméra de surveillance d'un distributeur de billets qui l'a enregistrée. Il regarde sur le côté, une main repliée sur les billets à peine sortis de la machine. Je reste plusieurs secondes les yeux figés sur l'image pixelisée de son visage. Je ne pensais pas le revoir un jour.

Bucky voit mon expression mais ne dit rien. Je suis la première à me redresser brusquement pour noter l'adresse sur un papier que je roule en boule et fourre dans ma poche de pantalon avant de sortir du salon pour rassembler mes affaires. Il n'y a plus de temps à perdre.

Pour l'instant, je n'ai qu'une idée en tête, et c'est de pointer mon pistolet sur son front.

CerberusOù les histoires vivent. Découvrez maintenant