Chapitre 25

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« Bonjour Aloïse ! » s'exclame le professeur en entrant dans ma chambre alors que je prends mon repas.

Je pose ma fourchette à côté de mon assiette en carton et repousse le plateau. Le professeur traîne une chaise à côté du lit et s'y assied avant de prendre ma main dans la sienne. Il me sourit gentiment, les yeux levés vers moi.

« Dis-moi comment tu vas », me demande-t-il d'un air candide.

Moore a refusé de me laisser sortir de mon lit avant que le professeur Klein n'en décide autrement, ne voulant pas s'attirer ses foudres, mais ça ne m'a pas empêchée de me lever plusieurs fois pendant la nuit pour tester mes jambes neuves.

Je souris pour toute réponse et repousse la couverture en tendant les mains vers le professeur. Il les prend avec joie comme on prend celles d'une enfant à qui ont apprend à marcher.

Je sors délicatement les jambes hors du lit et pose mes pieds sur le carrelage froid. En m'aidant de Klein, je me lève prudemment et teste mon équilibre. Mes jambes me supportent. Je remue mes orteils et transfère mon poids d'une jambe à l'autre, puis les plie et me redresse. Enfin, je lâche sa main et fais quelques pas toute seule.

C'est la première fois qu'il me voit marcher.

« C'est merveilleux », laisse-t-il échapper, émerveillé.

Étranglée par l'émotion, je ne sais pas si je dois rire ou pleurer. Je finis par faire les deux.

« C'est tout pour aujourd'hui, Aloïse, fait le professeur en riant légèrement. Tu devrais te reposer. L'entraînement commencera bientôt. »

Le rire du professeur envoie des frissons de plaisir le long de mon dos.

Il vient me voir tous les jours et nous discutons pendant des heures, mais son attitude change brusquement au bout d'une semaine. En l'entendant entrer, je me lève de mon siège et marche vers lui. Ses ordres sont polis, mais je le sens plus froid que d'habitude.

Étonnée, un peu inquiète, j'enfile un pull chaud par-dessus mes vêtements et le suis dans le couloir. Il ne m'adresse pas un mot de plus jusqu'à ce que nous soyons dehors, dans la cour.

J'ai la bonne surprise d'apercevoir Carrie, debout sur ses deux jambes. Ses cheveux ont été rasés ; nous arborons toutes les deux le même duvet sur la tête, seulement le mien est brun et le sien blond. Nous nous regardons et échangeons un maigre sourire, puis notre attention se reporte sur le professeur. Manifestement elle ne sait pas plus que moi pourquoi nous sommes ici.

Il se baisse pour fouiller dans une caisse à ses pieds et en tire deux pistolets. Carrie et moi échangeons un regard surpris. Klein s'approche d'abord de moi et, en voyant mon manque de réaction, il prend ma main et y fourre l'arme. Je fronce les sourcils, bouleversée par le poids familier dans ma main. Il fut un temps où j'aurais immédiatement logé une balle dans le crâne du professeur mais je ne peux même plus l'imaginer à présent.

Le professeur nous enjoint à nous retourner et je découvre en même temps que Carrie les cibles plaquées contre le mur. Alors c'est cela qu'il entendait par entraînement. Nous les regardons d'un air bête, indécises. Il faut que le professeur nous ordonne de tirer pour que nous nous mettions en place.

Je respire lentement, debout devant la cible. Le professeur me regarde avec attention. Je ne dois pas le décevoir.

Retrouvant aussitôt mes mécanismes, je tire et relâche la culasse pour engager la première cartouche, lève mon bras gauche en le soutenant de l'autre et tire trois balles consécutives. L'un des trous est complètement hors de la cible, mais les deux autres sont dangereusement proches du centre.

CerberusOù les histoires vivent. Découvrez maintenant