Chapitre 12

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TROIS ANS PLUS TÔT

Janvier 2013 | Afghanistan

Un filet de sang pend du coin de ma bouche. Je crache par terre mais une douleur explose dans ma poitrine et me fait me recroqueviller sur ma chaise. Au bout d'un moment la douleur s'éloigne et je repousse le filet de sang du bout de la langue.

La pièce est plongée dans une pénombre à peine percée par une lumière faible. À travers la porte en bois j'entends la discussion étouffée, en arabe, de deux hommes de main des Ten Rings qui débattent de mon sort.

Le corps de mon frère a laissé une flaque de sang à mes pieds. Avec les minutes, ils s'est infiltré entre les dalles et s'est chargé de poussière, tout en rampant lentement vers moi.

Je n'ai pas dormi depuis plus de vingt-quatre heures, prenant seulement de courtes siestes quand mes geôliers me le permettent. Mes yeux papillonnent mais je me force à les garder ouverts.

Quand ils se ferment je peux revoir mon frère, les jambes raides accrochées aux pieds de sa chaises, ses mains mutilées et ses bras entravés jusqu'à ses épaules par des cordes râpeuses enroulées autour de son torse et de ses jambes. Son vieux tee-shirt gris barré des mots « San Francisco », celui que maman déteste parce qu'il traîne sans arrêt par terre, est déchiré là où nos tortionnaires ont coupé et percé la peau.

Curieusement, c'est son visage qui me revient le moins clairement. Je ne conserve qu'une image souriante d'Adam, qui me fait au revoir de la main alors que je pars en voiture pour l'Académie du SHIELD, pas cette bouillie informe de chair et de sang. Au moment où il l'ont emmené, il était méconnaissable.

J'avais décidé d'avouer juste avant ; je pensais que j'aurais pu négocier sa libération en échange de ma confession. Un hélicoptère du SHIELD aurait fini par le retrouver, errant dans la campagne afghane. Mais maintenant c'est ma libération que je dois négocier et je sais que j'ai peu de chances de m'en sortir.

Le son de la porte qui tourne sur ses gonds me fait relever la tête. Je me redresse sur ma chaise malgré les liens qui me cisaillent la peau. Un homme émerge de l'ombre, une chaise en bois à la main. Il la pose devant moi et s'y installe à cheval, les jambes écartées des deux côtés du dossier et les bras nonchalamment posés dessus.

Je soutiens son regard scrutateur, sans laisser la haine et la rage qui hurlent sous ma peau se manifester. Il suffit d'un mauvais mot pour qu'il m'achève.

L'homme s'appelle Walid Mahaqua, il était mon second jusqu'à ce que je sois démasquée. Il m'a toujours détestée, et m'avoir ainsi en son pouvoir le délecte.

« Dis-moi, Farah, commence-t-il dans un arabe gras en utilisant mon nom de couverture, quand penses-tu que le SHIELD va te secourir ?

- Qu'est-ce que tu veux Walid ? réponds-je dans la même langue d'une voix lasse.

- L'Amérique ne viendra pas te sauver, susurre-t-il. Tu les as servi et maintenant ils vont te laisser mourir. Tu sais ça. Elle ne veut pas risquer la vie d'autres agents pour toi.

- Walid, répété-je dans un gargouillis de sang. Qu'est-ce que tu veux ? »

Chaque mot m'arrache un gémissement de douleur mais je ne veux pas m'effondrer devant lui. Walid tend son visage vers moi.

« Qu'est-ce que tu cherchais ici ?

- Qu'est-ce que tu m'offres en échange ? » répliqué-je avec un sourire insultant.

L'homme rit grassement, les épaules agitées de secousses régulières.

« Je te promets une mort rapide et sans douleur, m'assure-t-il en souriant de toutes ses dents.

CerberusOù les histoires vivent. Découvrez maintenant