Cerberus

Chapitre 15

Présent | Vienne

J'ouvre les yeux et gémis de douleur en sentant ma jambe écrasée sous une poutre en métal. Des débris de verre et tombent encore du ciel ; ils s'enfoncent dans un nuage de poussière avant de se briser dans un vacarme abominable les restes du Centre International de Vienne. Il n'y a plus d'intérieur, plus d'extérieur, il n'y a plus de routes et plus de murs ; il n'y a plus rien. Des gens hurlent, et courent dans tous les sens. En tout cas, ceux qui se sont relevés le font.

Des corps jonchent le sol, auréolés de sang ou à moitié engloutis par les décombres. Leurs vies se sont éteintes d'un coup. Moi-même j'ai échappé de peu à la catastrophe. Je suis allongée, la jambe coincée sous des débris. Un sifflement persistant dans mes oreilles occulte tous les autres sons. Je ramène ma main contre mon front et touche une matière visqueuse. Je regarde mes doigts recouverts de sang et de poussière, puis m'essuie le visage avec la manche de mon uniforme du SHIELD. Je dégage ma jambe et rampe en m'aidant de mes coudes pour me libérer, puis me redresse avec peine et marche en clopinant.

C'est un désastre. L'office des Nations Unies est détruite, et a enseveli aussi bien des délégués internationaux que les journalistes et les agents chargés de la sécurité.

La journée a pourtant bien commencé. Après un mois d'emprisonnement, le Directeur a validé ma libération et j'ai été envoyée en renfort pour assurer la sécurité de l'assemblée spéciale des Nations Unies, pendant la signature des Accords de Sokovie.

Je me souviens encore des regards méfiants ou juste curieux des autres agents sanglés à leur siège dans l'avion, en train de discuter avec leurs voisins. Ils ne comprenaient pas ce que je faisais là, avec eux, au lieu d'être en bas à distribuer des sourires et des excuses à tours de bras, comme une Avenger. Non, à la place j'étais sous les ordres de l'agent Tedeschi, une grande italienne de trente ans tout frais.

Le travail était simple : faire en sorte que rien ne vienne empêcher la signature des Accords. Au début ça avait l'air de bien se passer. J'étais avec Tedeschi, chargée de me garder à l'œil, en train de faire une ronde à l'extérieur. Une seconde tout était silencieux et désert ; celle d'après, l'explosion survenait, violente, terrible. Son souffle m'a projetée en arrière, en faisant trembler mes os. Je suis retombée sur le dos, et immédiatement j'ai essayé de m'enfuir, malgré le battement sourd sous mon crâne. C'est alors que les vitres et la structure métallique du bâtiment se sont effondrées sur moi. Ma jambe s'est retrouvée coincée, et j'ai juste eu le réflexe de me protéger la tête et le cou avec les bras. C'est ce qui m'a gardée en vie.

« Tedeschi ! appelé-je sans recevoir de réponse. Tedeschi ! »

Ma voix est couverte par le vacarme des débris qui continuent de tomber autour de nous. Je dégage ma jambe et promène mon regard autour de moi. Tout d'abord, je ne vois que des plaques de métal grises et des éclats de verre parfois longs comme mon bras. Je me traîne hors des décombres en fouillant les alentours du regard. Un fusil d'assaut traîne sur le sol, abandonné et couvert de poussière. Il pourrait être à moi comme à elle, mais je décide de chercher autour.

« Tedeschi ! » crié-je une nouvelle fois, jusqu'à ce que je finisse par l'apercevoir.

Elle est allongée sur le dos, les yeux fermés, avec des coupures partout sur le visage et du sang qui coule sous son crâne. À la base de son épaule droite, il n'y a plus qu'un reste de chair déchirée et éclaboussée de sang qui retient encore son bras par des tendons mis à nus. Elle est morte en touchant le sol.

Je regarde autour de moi mais le SHIELD n'est visible nulle part. Peut-être que c'est l'opportunité dont j'ai besoin. Je sais que si je retourne avec les autres agents dans l'avion je serai de nouveau le pantin du SHIELD, et l'espionner n'est pas la mission qui m'a été confiée.