Cerberus

Chapitre 26

Mon cerveau passe immédiatement en mode combat. Carrie et moi nous rapprochons lentement l'une de l'autre. Les tapis de combat ne sont pas installés mais cette fois-ci pas question de retenir nos coups. La force qui me dirige est plus puissante que moi. Je ne dois pas la laisser gagner.

Carrie me lance son poing gauche dans la figure mais je la connais assez pour deviner une feinte qui cache un coup dans le ventre. Je saisis ses deux poignets et la fais tourner autour de moi en lui tordant les bras.

Pendant une longue seconde, nous nous regardons en attendant que l'autre bouge, puis je mets toute ma force dans mes poings et frappe deux fois sans la toucher, donne un coup de genou mais suis déviée par sa main gauche. Carrie m'attrape par le cou et frappe son front contre mon nez, provoquant une explosion de douleur sous mon crâne.

Je lâche un petit cri de surprise puis je frappe sa joue du poing droit.  Pas question de la laisser s'en tirer comme ça, d'autant que le professeur nous regarde attentivement. J'ai des ordres. Je dois les suivre. Elle se baisse à temps pour esquiver le second coup qui arrive dans l'autre sens, plonge et contre-attaque. Un frisson d'adrénaline joyeuse me parcourt l'échine en repérant sa faute.

Je tire sur son bras tendu et la projette sur le sol, resserrant les cuisses autour de sa taille pour l'immobiliser. Je fais alors l'erreur de pencher la tête pour la regarder et un coup dans le menton me rejette le visage en arrière en faisant claquer mes dents les unes contre les autres. Un frisson de colère me parcourt.

Je roule sur le côté et me redresse en me massant la mâchoire, jambes fléchies, en attendant la suite. Carrie fait de même un peu plus loin et essuie le sang qui coule de son nez.

Au fond de moi j'aurais aimé qu'elle ne se relève pas, pas parce que je veux gagner mais parce que je n'ai pas envie de continuer.

Malgré l'ordre qui me contraint, une part de moi résiste désespérément au contrôle ; une infime part ne veut pas faire de mal à Carrie. Pourtant tout le reste de mon corps n'est animé que par ce désir.

Je fais taire la voix qui me supplie de la protéger avec agacement. Nous avons reçu un ordre et nous le suivrons jusqu'à ce que l'une de nous soit au sol.

Et ça ne sera pas moi.

Carrie pousse un grognement de rage en fondant sur moi. Je plie les genoux pour avoir de l'élan, et quand elle arrive devant moi, je me plie en deux et la fais basculer sur le sol. Aussitôt je m'assieds à cheval sur son torse et appuie mes mains contre sa gorge. Ses poings me frappent dans le dos mais je m'en fiche.

Carrie cligne des yeux. Je resserre ma prise. Elle commence à suffoquer. Ses mains essaient d'écarter les miennes, puis elle les tends vers mon visage. Ses ongles raclent contre ma peau, mais en tirant ma tête en arrière je l'empêche de me toucher.

Dans un dernier effort, elle frappe un grand coup de genoux dans mon dos et me jette vers elle. Je me replie sur moi-même, sonnée, et elle en profite pour se dégager. Je m'éloigne en rampant tandis qu'elle se traîne sur le côté, la respiration hachée, le visage rouge. Nous sommes toutes les deux mal en point.

Je sais que si je ne reprends pas le dessus maintenant, je risque de perdre. Galvanisée par la peur, je me mets à quatre pattes et avance vers Carrie qui reprend son souffle sur le dos. Elle est passée à deux doigts de perdre conscience.

Je me relève sur mes jambes flageolantes ; elle m'imite en toussant et en crachant. D'un coup de genou, je la fais retomber sur le dos et m'affaisse presque sur elle. Le béton écorche mes genoux. Son poing s'enfonce dans ma poitrine et me fait grimacer, mais j'ai la présence d'esprit de caler mes jambes sur ses bras pour l'empêcher de les relever. Les yeux de Carrie se mouillent. Elle a l'air terrifiée.