Chapitre 22

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3 ans plus tôt

Mon corps me fait souffrir de la tête aux pieds. Je ne pensais pas m'exposer à tant de douleur en acceptant de participer à l'expérience des docteurs Moore et Miller. Mais à quoi m'attendais-je ? A remarcher comme avant sans efforts ? Je fais taire les pensées négatives et me concentre sur mon travail de rééducation. J'ai déjà réussi à sortir de mon lit et faire quelques pas. Il faut que j'y arrive. Il le faut. Sinon je n'ai plus de raison de vivre.

La douleur familière pulse de plus en plus fort dans mon dos. Je plie légèrement les genoux et y appuie mes mains pour me reposer.

Je relève ma tête et dégage les cheveux de mon visage avant de fixer mon regard sur l'autre côté de la pièce en retenant un gémissement. Les dents et les poings serrés, je me redresse sur mes jambes, portée seulement par la force pure de ma volonté, et esquisse un pas en avant, puis un autre, jusqu'à ce que je sois obligée de m'arrêter à nouveau en me retenant à Miller.

La jeune femme m'observe d'un air angoissé depuis le début de la séance mais elle se retient de parler. Comme moi elle est inquiète à l'idée que le sérum de vibranium ne me permette pas de marcher à nouveau. Au bout de cinq semaines de rééducation cette possibilité semble se vérifier de plus en plus. J'ai beau serrer les dents et y mettre toute ma volonté, mon corps échappe totalement à mon contrôle.

J'agrippe le bras de Miller et me traîne encore sur un bon mètre avant que l'un de mes genoux ne me lâche. Ma jambe se tord et si ce n'est pour le docteur à côté de moi je serais tombée sur le sol. Un cri de douleur se bloque dans ma gorge et je dois fermer les yeux pour retenir mes larmes. Lentement, Miller me ramène jusqu'à mon lit sur lequel je m'allonge.

Je la laisse rabattre les couvertures sur le bas de mon corps et masquer mes jambes maigres. Miller s'assied sur le fauteuil en face de moi et prend sa tête dans ses mains pour réfléchir. Je fais racler mes ongles sur le draps pour m'empêcher de penser. Je n'ai aucune chance de me sortir d'ici.

Pour l'instant une partie de moi s'y est résolue même si une autre continue de croire que je peux réapprendre à me déplacer. C'est cette part qui me fait me relever tous les matins quand Moore et Miller viennent constater mes progrès.

Un reniflement à ma gauche me fait tourner la tête : Miller essuie brièvement ses yeux, le visage baissé. Je me retourne à nouveau vers le plafond en faisant mine de ne pas l'avoir entendue. Curieusement, la voir pleurer assèche complètement mes propres larmes et me plonge dans une apathie bienvenue. C'est elle qui m'a foutue en l'air. C'est à cause d'elle si j'en suis là. Une vague de mépris me traverse à son égard. Je la hais, je les hais tous.

Miller finit par se lever et marcher vers la porte mais une intuition me fait tendre le bras et l'arrêter. Je regarde l'heure et une vague sensation de malaise me prend au ventre : l'infirmière aurait dû arriver il y a dix minutes. Elle n'est jamais en retard. Je repousse Miller en arrière et passe mes jambes hors du lit en ignorant son regard inquiet. Mon emploi du temps est toujours parfaitement réglé ; quelque chose dans le silence, dans la tension de l'air me souffle qu'il y a un problème.

Je tends l'oreille en cessant presque de respirer.

Une déflagration me fait sursauter alors que Miller bondit en arrière en plaquant ses mains sur sa bouche. Les murs tremblent, les lumières clignotent, mais la détonation a eu lieu plus loin dans le bâtiment. Les battements précipités de mon cœur me hurlent de me lever et de courir, mais c'est impossible. Je croise le regard terrifié de Miller qui ressemble à un animal pris au piège. Je l'appelle vers moi mais la jeune femme refuse de bouger d'où elle est et regarde la porte avec des yeux blancs. Je comprends que c'est à moi de nous protéger toutes les deux.

CerberusOù les histoires vivent. Découvrez maintenant