Cerberus

Chapitre 37

Je ne suis pas sûre de savoir comment j'ai survécu au voyage mais je finis par arriver en Espagne malgré tout. J'avais raison de me méfier des médicaments : quand leurs effets se sont dissipés j'ai pu me souvenir de ce qui s'est passé entre le moment où Carrie m'a capturée et celui où Beth m'a effacé la mémoire. Je serais contente si le sevrage n'avait pas eu un contrecoup aussi dur. J'arrive à peine à me retenir de vomir dans l'armure et je suis presque sûre qu'une fois sur la terre ferme je m'effondrerai d'épuisement. Ce truc horrible agissait comme une drogue à laquelle je suis soulagée de dire au revoir.

C'est le son des propulseurs qui amène Steve à la fenêtre. J'ai à peine le temps d'apercevoir son visage derrière la vitre et je suis bien trop fatiguée pour avoir même envie de garder les yeux ouverts. À plus d'un mètre au-dessus du sol je me laisse tomber par terre, forçant l'armure à absorber le choc. La porte s'ouvre au même moment sur Steve. Ses sourcils se rejoignent au-dessus de ses yeux comme s'il n'arrivait pas à y croire. Mon cœur se serre rien qu'à l'idée de le décevoir ; contrairement à ce qu'il espère, ce n'est pas Stark qui descendra de l'armure.

Elle s'ouvre en deux et je m'en dégage en titubant. La chaleur m'assomme aussitôt et fait monter la bile dans ma gorge. Je ne me retiens que de justesse.

Quelqu'un appelle mon nom. Juste avant que je ne tombe en arrière des mains me saisissent et me reposent sur mes pieds mais je n'ai pas la force de me tenir debout.

Je discerne à peine la bouche de Steve qui prononce des mots que je n'entends qu'à travers un brouillard épais, puis je le sens me remonter contre lui pour assurer sa prise et m'entraîner à l'intérieur. Je lance un regard à l'armure qui se referme et prend son envol, vide, vers Stark ; je souris en guise de remerciement. Il savait.

Steve grimpe les marches en me tenant dans ses bras et pousse la porte de l'appartement de l'épaule. Je ne suis plus en état de faire quoi que ce soit.

Avec mes souvenirs, d'autres images me sont venues, des hallucinations, des visages inconnus et des endroits jamais visités. Est-ce que Beth a méticuleusement effacé mes souvenirs comme HYDRA le faisait avec Barnes, ou s'est-elle seulement à chaque fois contentée de rediriger ma loyauté vers elle ?

Je reconnais autour de moi la chambre de Steve, le lit défait, la peinture bleue. Je me laisse tomber sur le matelas sur le ventre, légèrement conscience du fait que je porte toujours le Livre Rouge contre moi. Je lutte contre le sommeil assez longtemps pour m'assurer que Steve a refermé la porte derrière lui, puis je cède et m'enfonce dans les ténèbres.

Je me réveille dans la pénombre, toujours sur le lit. En me redressant, un élancement dans ma tête me fait grimacer et me force à rester immobile un instant en me massant le crâne pour le faire disparaître. La lumière à l'extérieur de la chambre est toujours allumée, pourtant aucun son ne provient du couloir. Ils ne m'ont pas entendue me lever.

Silencieusement, je fais glisser la fermeture de ma veste et en déloge le carnet rouge. Qu'en faire ? J'ai toujours besoin d'un avantage sur Barnes au cas où il apprendrait que je lui ai menti en clamant que je ne faisais pas partie d'HDYRA. Techniquement ce n'est pas faux... mais je ne pense pas qu'il fasse de grande différence entre HYDRA et ARIES. Peut-être que le seul vrai moyen de me protéger de lui est inscrit là-dedans. Je décide de décoller la couverture minutieusement, puis j'enveloppe les pages dans un tee-shirt que je cache au fond de mon sac, sous d'autres vêtements. Personne ne doit savoir que j'ai ce livre en ma possession.

Je prends la couverture dans mes mains. Je dois m'en débarrasser, mais où ? La fenêtre est ouverte et, en-dessous, le container à déchets de l'immeuble d'en face est grand ouvert. Je passe le bras à travers les barreaux, calcule l'angle de mon tir et lance la couverture rouge, qui atterrit entre deux sac poubelles, parfaitement invisible. Légèrement soulagée d'avoir effacé toutes les preuves, je m'extirpe de mon équipement et emprunte un jogging et un tee-shirt trop grand pour moi.