Chapitre 1

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La pièce était gigantesque et froide. Situé au septième et dernier étage d'un immeuble ancien, l'endroit ressemblait plus à un grenier qu'à un appartement, l'humidité faisait s'affaisser des pans entiers de moquette murale, d'imposantes poutres en bois sillonnaient le plafond, les armoires, les chaises et les lits étaient recouverts de draps jaunis par le temps, une épaisse couche de poussière recouvrait le sol. Depuis une petite fenêtre ronde, on pouvait voir le clocher d'une église, la place du marché, ainsi que les milliers de taches lumineuses qui éclairaient la ville. Un vent violent fit s'ouvrir la fenêtre.

Une femme en robe blanche courut pour la fermer, puis elle retourna dans le coin de la pièce où une autre femme, en sueur, allongée sur un lit, les jambes écartées, poussait des cris de douleurs, la femme en robe blanche se lava les mains dans une petite bassine en métal, puis elle examina l'entrejambe de la femme qui était en train d'accoucher, elle pouvait déjà voir la tête du bébé, mais malgré tous ses efforts elle ne parvenait pas à la saisir, la tête n'était pas assez sortie et elle était trop glissante, ses doigts glissaient. Celle qui était en train d'accoucher rassembla toutes ses forces et contracta ses muscles dans l'espoir de faire sortir le bébé, mais il ne se passa rien.

— Je n'y arriverai pas, dit la femme enceinte.

— Fais un effort, répondit l'autre.

— Qu'est-ce que tu crois que je fais ?

— Pousse. Il va bien finir par sortir.

— Non, je suis certaine qu'il n'ira pas plus loin.

— Ne dis pas n'importe quoi.

— Il faudrait une césarienne.

— Désolée ma chérie, mais ne compte pas sur moi pour faire ça.

— C'est le seul moyen, tu le vois bien.

— Et alors quoi ? Tu veux que j'aille chercher un couteau, que je t'éventre, que je sorte le bébé, et que je te recouse. Tu présumes de mes forces, Mathilda. Je crois qu'il vaut mieux s'en tenir à notre première façon.

— Je n'y arriverai pas je te dis.

— Je vais aller chercher de l'aide !

— Il est trop tard. Laisse tomber. Je n'étais peut-être pas faite pour être maman.

— Ne dis pas ça, continue de pousser, ça prendra le temps que ça prendra, mais le bébé sortira.

— Je t'aime Sarah, merci de tout ce que tu as fait pour moi.

Les deux femmes s'étaient rencontrées trois ans auparavant. Elles vendaient toutes les deux des fleurs dans la rue, un jour, il se mit à pleuvoir brusquement, Sarah invita Mathilda à venir s'abriter sous son parapluie, elles marchèrent jusqu'à trouver un abri sous la devanture d'un magasin. Les deux femmes avaient le même âge et partageaient beaucoup de points communs, elles étaient pauvres, elles n'étaient pas allées à l'école longtemps et ne connaissaient presque personne en ville. Elles se lièrent d'amitié et prirent l'habitude de se voir régulièrement, Mathilda, qui cuisinait bien, offrait parfois un repas à Sarah ; en échange, celle-ci, qui tricotait bien, lui offrait parfois un habit chaud.

Agrippant le matelas avec ses doigts, Mathilda poussa de toutes ses forces pour que le bébé sorte, la tête ne bougea pas, mais un flot de sang se répandit sur le sol, Sarah fut prise de panique. Que pouvait-elle faire pour aider son amie ? Le corps de Mathilda venait de perdre toutes ses forces, elle faisait une hémorragie, son visage devint pâle, tous ses muscles se relâchèrent, Sarah commença à pleurer, elle tenta rageusement de saisir le bébé avec ses doigts, elle tira, tira et tira encore. Il fallait qu'il sorte. Il fallait stopper l'hémorragie. Elle leva les yeux vers son amie et constata qu'il était trop tard, Mathilda venait de s'éteindre. À ce moment-là, comme par miracle, le bébé se dégagea du ventre de sa mère et commença à pleurer.

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