Chapitre 20

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En sortant du café, Tom avait tout de suite composé le numéro de Charles Legrand. Après avoir laissé sonner un long moment, une voix d'homme âgé avait répondu. Tom lui expliqua la raison de son appel avant de s'apercevoir que le vieil homme n'entendait rien de ce qu'il racontait, il mit alors sa main devant le téléphone dans l'espoir d'empêcher le bruit des voitures de venir parasiter la conversation, puis répéta la raison de son appel en décomposant chaque mot et en les prononçant fort, Charles Legrand n'entendit que des bribes, mais cela suffit à éveiller sa curiosité et à le convaincre de donner rendez-vous à Tom chez lui le samedi suivant à 15h pour discuter au calme, c'était son unique créneau de libre avant de partir plusieurs semaines en cure thermale.

Tom attendit le week-end avec impatience. Le samedi matin, il était tellement excité qu'il ne parvint pas à faire la grasse matinée, levé avant neuf heures, il prit un petit-déjeuner frugal et partit faire un footing de cinquante minutes, lorsqu'il rentra chez lui, il prit une douche, il lut pendant une petite heure, puis ce fut déjà l'heure du déjeuner et il cuisina une tarte aux légumes. Le repas terminé, il écrivit ses pensées du moment, puis tâcha de faire une sieste, mais il était trop excité pour dormir, néanmoins, s'étendre sur le lit, étirer son corps, se plonger dans le silence et fermer les yeux pendant une demi-heure le fit se sentir bien. Une heure avant son rendez-vous, il était prêt, il prit ses clefs, son manteau, et ouvrit la porte de son appartement. Derrière la porte il y avait Claire, son ex-petite amie.

— Mais qu'est-ce que tu fais là ? dit Tom.

— J'allais sonner à ta porte, répondit Claire.

— Mais pourquoi ?

— Je peux entrer ?

— Je suis désolé, mais tu tombes mal, j'ai un rendez-vous super important.

— Il faut vraiment que je te parle, ça ne sera pas long. Est-ce que je peux rentrer deux minutes ?

— Oui, bien sûr. Mais faisons vite, répondit Tom qui l'accompagna dans son salon.

— Tu me manques, dit Claire. Je pense à toi souvent...

— Toi aussi tu me manques. C'était troublant de te voir l'autre jour.

— Pour moi aussi. Je n'arrête pas d'y penser depuis. Et justement, je me suis dit que ça serait bien si on recommençait à se voir. C'était une erreur de couper les ponts comme on l'a fait.

— C'est toi qui m'as quitté. J'avais besoin de cette distance pour passer à autre chose.

— Et tu es passé à autre chose ?

— Je ne sais pas. Oui. Ma vie est différente maintenant. Je ne suis plus le même.

— Alors, j'aimerais apprendre à connaître cette nouvelle personne.

— Tu joues à quoi, là ? Tu veux qu'on se remette ensemble ?

— Non. C'est pas ça. J'ai juste envie qu'on se voie plus souvent. Je déteste être loin de toi.

Claire n'avait pas cessé de penser à lui depuis qu'il l'avait aidé à installer ses meubles, elle avait senti combien cette rencontre avait mis Tom mal à l'aise et c'était cette fragilité qui l'avait touchée. Trois ans après leur rupture et malgré la solitude, Tom n'avait pas effacé ni détruit la mémoire de leur relation. Alors qu'elle avait tout fait pour l'oublier et vivre de nouvelles expériences, lui avait continué à chérir cette chose passée qu'ils avaient construite ensemble et dont il était désormais le seul gardien. Cette déclaration d'amour silencieuse, combien de personnes pourraient la lui offrir ? Depuis leur dernière rencontre, elle s'était posé beaucoup de questions et n'avait trouvé que peu de réponses, mais une chose était certaine, elle voulait que Tom soit à nouveau présent dans sa vie.

La discussion se poursuivit encore un peu, puis elle s'approcha de Tom et le serra dans ses bras, Tom faillit flancher, il attendait cela depuis des années, ce geste apaisé, ce moment de tendresse au-delà des mots et qui signifiait que leur histoire avait de la valeur pour tous les deux. Ils restèrent ainsi un instant, puis Tom regarda sa montre et expliqua à Claire qu'il devait partir immédiatement, ils sortirent de l'appartement en silence, puis se dirent au revoir sans se toucher, d'un vague geste de la main, Tom arrêta un taxi et s'assit sur la banquette arrière, ils échangent un dernier regard et la voiture démarra, Claire, immobile, regarda la voiture s'éloigner jusqu'au bout, puis elle se mit en route vers chez elle. Durant le trajet Tom ne pensa qu'à elle. Le trafic automobile était lent et il voyait le retard s'accumuler. Arrivé à destination, il paya la course et marcha vers la porte de la grande propriété où vivait Charles Legrand, il sonna et attendit une réponse, personne ne répondit, il sonna encore, rien, il changea de trottoir et s'aperçut que les volets des fenêtres étaient fermés, il venait de rater son rendez-vous et Charles Legrand ne reviendrait pas de sa cure thermale avant plusieurs semaines.

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