L'invention

Chapitre 8

La discussion terminée, Tom et ses parents retournèrent dans l'appartement. Sarah lui proposa de boire un verre, mais Tom refusa. Il était pressé de rentrer chez lui. Son père lui demanda pourquoi il avait fait le déplacement simplement pour récupérer cette boîte. Tom inventa un prétexte. C'est sentimental et puis je la trouve belle, répondit-il. Puis il leur dit au revoir et commença à marcher en direction de sa voiture. Il passa devant la maison de son ex-petite amie qui habitait à deux rues de chez ses parents. Cela faisait trois ans qu'ils étaient séparés et Tom était depuis resté célibataire. Une voiture rouge passa. C'était son ex. La banquette arrière était rabaissée, elle venait d'acheter de nouveaux meubles. En apercevant Tom, elle ralentit, lui fit coucou de la main, puis s'arrêta et ouvrit sa fenêtre.

- Tom ? dit-elle.

- Salut Claire, répondit-il.

- Incroyable. Ça faisait longtemps.

- Oui, trois ans.

- Je sais.

- Tu es passé voir tes parents.

- Oui.

- ...

- Qu'est-ce que tu deviens ?

- Comme tu vois, je viens d'acheter des meubles.

- Oui, je vois ça.

- D'ailleurs, est-ce que... Tu as le droit de dire non, hein ! Mais est-ce que tu crois que tu pourrais m'aider ?

- Je ne suis pas sûr que...

- S'il te plaît. Ça ne prendra qu'une seconde.

- Non vraiment...

- S'il te plaît...

- Ok, mais on fait vite, j'ai quelque chose qui m'attend.

- Promis, monte dans la voiture, ça ira plus vite. Tom s'exécuta, Claire roula en direction de chez elle.

- Et toi, alors ? Raconte-moi un peu ce que tu deviens.

- Je bosse toujours à l'Indépendant.

- Tant mieux.

- Et j'écris un roman.

- Super ! Je suis contente. Tu auras bientôt terminé ? Tu es content de ce que tu fais ?

- Je ne sais pas. Je crois que ce n'est pas trop mal. Et quoi qu'il arrive, celui-ci je ne l'abandonnerai pas. Il faut à tout prix que je le termine.

- Je crois en toi.

Arrivée chez elle, Claire se gara. Revoir la maison et le garage plongea Tom dans une profonde nostalgie. Ils sortirent de la voiture. Tom reconnut l'odeur et les objets du garage. Le vélo qu'il lui avait offert, la planche de surf qu'ils avaient utilisé lors de leurs dernières vacances. En marchant en direction du coffre de la voiture il sentit son cœur battre plus fort, ses jambes le portaient difficilement, il avait du mal à respirer. De son côté, Claire semblait gaie. Dans le coffre il y a avait une armoire en kit à faire glisser pour la sortir de la voiture, en prenant garde de ne pas briser le miroir. Ils sortirent les cartons un à un et les déposèrent le long du mur. Claire referma le coffre, ferma la porte à clef et rabattit la porte du garage.

Tom était transi. Il n'avait pas cessé de penser à elle depuis trois ans et il avait souvent fantasmé ce moment où ils se reverraient par hasard. Il s'était imaginé la prendre dans ses bras. Lui dire des mots gentils en chuchotant. Elle, posant la tête sur son épaule, apaisée. Il s'était imaginé la regarder longuement dans les yeux, en silence. Au lieu de quoi, il se retrouvait dans son garage à l'aider à décharger sa voiture. Elle lui avait brisé le cœur. Elle lui avait volé son bonheur. C'était comme si en le quittant, leurs vies étaient parties dans deux directions différentes. L'une où ils étaient encore ensemble, l'autre non.

Maintenant que les meubles étaient posés contre le mur du garage, Claire insista pour que Tom l'aide à les monter dans sa chambre. Tom agrippa un côté du carton de l'armoire, Claire prit l'autre bout et ils soulevèrent le tout. Ils montèrent un petit escalier, traversèrent le salon. Tom était submergé par ses émotions. Incapable de parler. Incapable de faire semblant de sourire. Ils déposèrent le carton dans la chambre de Claire. Rien n'avait changé. Le même lit. Les mêmes draps. Les mêmes cadres. La même lumière. La même odeur. Tom aurait tout donné pour effacer ces trois dernières années et récupérer sa vie d'avant. Sa vie avec Claire. Il l'aida à porter les autres cartons. La salua brièvement, sans effusion, il ne sourit pas, ne dit presque rien, et partit en laissant derrière lui une sensation de malaise.