Chapitre 30

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Tom commençait à trouver le temps long. Cela faisait déjà deux semaines qu'il vivait chez Bernard Allié et qu'ils jouaient leur petit jeu. Bernard se rendait tous les jours à son laboratoire de la Park Industry Tower, ramenait des preuves compromettantes à l'égard de Christian Park et rentrait chez lui le soir pour travailler dans son petit bureau. Pour l'instant, il avait été suffisamment chanceux pour ne pas éveiller de soupçon sur lui. De son côté, Tom essayait de constituer le dossier le plus accablant possible dans le temps le plus court possible, il savait que chaque jour comptait et sa seule obsession était d'éviter à des cobayes malheureux de risquer leur vie pour une invention qui n'en valait pas la peine. La presse quant à elle faisait son travail, dans le sillon de l'article écrit par Tom les enquêtes et les témoignages se multipliaient et venaient affaiblir les affaires du milliardaire. Mais ce n'était pas suffisant.

— Nous sommes trop lents. Il faut accélérer les choses, dit Tom.

— Mais comment ? répondit Bernard.

— Je ne sais pas, mais nous sommes inutiles, moi avec mon dossier et toi avec tes photocopies.

— Je fais ce que je peux.

— Je sais, Bernard. Ce n'est pas une critique. Je dis simplement que ce n'est pas assez rapide. Pendant qu'on travaille, des gens risquent leur vie et certains sont peut-être déjà morts.

— Avec le tapage médiatique, je ne pense pas que beaucoup de gens se portent volontaires pour tester les expériences de Park.

— Vraiment ? Moi, je pense que si. Des gens pauvres qui n'ont rien à perdre.

— Alors tu as une idée ?

— Oui et il n'y a que toi qui peux le faire.

— Encore ? Pourquoi est-ce que c'est moi qui prends tous les risques ?

— Parce que c'est moi le cerveau de la bande et toi les muscles, regarde-toi.

— Et c'est quoi ton plan génial ?

— On va détruire le système central de la Park Industry Tower. Cela ne les anéantira pas, mais ça gèlera leurs actions pendant un petit moment. Et voilà comment on va faire...

Une pensée traversa l'esprit de Tom. Il prit conscience qu'il ne connaissait rien à la vie de Bernard, celui-ci était venu le voir à l'hôpital, il lui avait proposé de l'héberger, pourtant après deux semaines de collocation les deux hommes restaient de parfaits inconnus, absorbés par leurs tâches respectives ils ne s'étaient jamais retrouvé à discuter ou a échanger sur la vie. Était-il marié ? Avait-il des enfants ? Quelle était la nature exacte de son emploi chez Park Industry ? Tom ne savait rien de tout cela, mais le moment était mal choisi pour le lui demander, il y avait plus urgent à faire. Demain, Bernard devrait s'infiltrer dans la pièce qui contenait tous les serveurs de la Park Industry Tower et se débrouiller pour les mettre hors service.

Grâce à l'espionnage industriel qu'avait effectuait Bernard ces dernières semaines, Tom avait pu constater que son système central était protégé, mais pas imprenable, son hôte y accédait d'ailleurs plusieurs fois par mois pour y effectuer des petits contrôles de routine. Bernard ne pouvait pas se permettre d'y entrer pour tout débrancher ou d'y poser un explosif. Une mission de sabotage de cette ampleur lui ferait encourir des années de prison, il allait donc falloir trouver un moyen de ne pas éveiller les soupçons sur lui. Après avoir mis au point sa mission, voici ce que Bernard fit, il entra tôt ce matin-là dans la Park Industry Tower et ne changea rien à sa routine, il passa la matinée dans son laboratoire, puis à midi il fit mine d'aller vérifier quelque chose dans le système central, il salua le vigile qui contrôlait l'accès à la pièce et ne resta à l'intérieur qu'une dizaine de minutes. Ce jour-là, six autres ingénieurs se rendirent dans la salle pour une durée oscillant entre cinq et vingt minutes. Lorsque Bernard sortit de la pièce tout fonctionnait encore parfaitement, il retourna alors dans son laboratoire et y travailla jusqu'au soir, puis il rentra chez lui. Le lendemain, il passa sa journée au laboratoire, ne se rendit pas dans la salle des serveurs, et le soir venu il rentra chez lui et se coucha. Mais cette nuit-là, à vingt-trois heures précises, le système central sauta.

Le plan était simplisme, mais nécessitait la complicité de quelqu'un d'aussi haut placé que Bernard Allié pour le mettre à exécution. En arrivant le premier matin au bureau, sa tâche avait été de confectionner un minuscule module qui se déclencherait à un moment précis, cela ne représentait aucune difficulté pour lui qui avait l'habitude de travailler sur des projets autrement plus sophistiqués et qui connaissait parfaitement les failles du système central de l'entreprise. Lorsqu'il était entré à midi dans la gigantesque salle réfrigérée qui contenait tous les serveurs, il s'était rendu au seul endroit où il était invisible à l'œil des caméras, dans cet espace de deux mètres carrés il avait alors dévissé une plaque de sécurité en métal, branché son module, revissé la plaque, cela prit moins de cinq minutes, puis il avait fait semblant de travaillé sur un ordinateur, cette fois visible des caméras, et enfin il était sorti. Rien ne s'était passé pendant quarante-huit heures, puis, alors que le building était désert et que personne ne se trouvait dans la salle des serveurs, le module s'était déclenché et avait paralysé tout l'immeuble. Le plan avait fonctionné.

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