— On doit avoir un plan, dit Tom en entrant dans le salon de Bernard une heure plus tard.
— Je vous écoute, répondit Bernard.
— C'est vous qui travaillez avec ce taré, vous en savez beaucoup plus que moi. Selon vous, quels sont nos moyens d'action pour l'empêcher de développer son invention ?
— Vous me prenez un peu de court... Il faudrait que j'y réfléchisse...
— On n'a pas le temps, il faut agir vite Bernard. On doit trouver une solution tout de suite.
— D'accord. Peut-être que pour commencer, on pourrait peut-être ralentir les recherches en... empruntant du matériel.
— C'est-à-dire ?
— C'est-à-dire que si elles n'ont plus de matériel, les équipes ne pourront plus travailler
— Alors, qu'est que vous proposez ? Le voler ?
— Non, juste l'emprunter, discrètement, et l'amener ici, par exemple.
— Ça vous semble faisable ?
— Oui, Christian Park a une confiance aveugle en moi.
— Et vous êtes prêt à prendre ce risque ?
— Oui.
— Parfait !
— Et de votre côté ?
— Je vais constituer un dossier et tout dévoiler à la presse. Je suis certain que ce connard a violé au moins une cinquantaine de lois pour développer son invention.
— Et comment comptez-vous faire ?
— Désolé mon vieux, mais je vais encore avoir besoin de vous...
— Je vous écoute.
— Il va falloir que vous me passiez un maximum de preuves compromettantes, photos, dossiers, disques durs... tout ce que vous pourrez trouver.
— D'accord, j'essayerai... Mais, pourquoi est-ce que vous faites tout cela, Tom ?
— Parce que pour la première fois de ma vie j'ai l'impression de pouvoir aider les autres.
Bernard apprenait à connaître Tom. Jusqu'à présent, il n'avait rien représenté d'autre pour lui que l'unique survivant au Protype F. Il y avait bien eu cette brève rencontre à l'hôpital, mais Tom était alors très affaibli et il avait été difficile de se faire une véritable idée de sa personnalité. Aujourd'hui, il voyait dans ce journaliste une personne courageuse capable de prendre tous les risques pour faire triompher la vérité, ainsi qu'un humaniste à la volonté farouche d'aider les autres, mais il voyait aussi une personne solitaire et rongée par le doute. Cet homme en équilibre entre cet humanisme latent et une solitude pesante, qui oscillait entre périodes de doutes et accès de courage, cette personne lucide et sensible, mais aussi rongée par de constantes ruminations et parfois par une certaine forme d'apathie, était un cobaye idéal pour Bernard.
Le soir même, Bernard prit sa voiture et se rendit à son bureau. Une fois arrivé, il la gara dans le parking, ouvrit le coffre et en tira deux gros sacs de sport vides, puis il entra dans l'immeuble, les couloirs étaient vides et silencieux, il marcha en direction de son laboratoire, ouvrit la porte, scruta la pièce, puis il commença à rassembler des piles de dossiers, des outils, des notes, ainsi que son ordinateur, il posa d'abord tout sur la table, puis remplit ses deux sacs. Ensuite, il rassembla plusieurs casques similaires au Prototype F, ouvrit les boîtiers qui contenaient les circuits électroniques et les prit en photos. Quelques minutes plus tard, il sortit de l'immeuble, déposa les deux sacs sur la banquette arrière de sa voiture et roula en direction de chez lui.
Il était dix heures du soir passé lorsqu'il arriva. Il y avait de la lumière dans la chambre de Tom, mais il ne prit pas la peine de l'informer de son retour. Au rez-de-chaussée, à côté du salon, il y avait une pièce qui, sans être réellement un bureau, offrait à Bernard un espace pour entreposer ses affaires et empiler sa paperasse, il décida d'installer ici le matériel qu'il venait d'aller chercher. Pour commencer, il fit place nette, libéra de la place au sol, déplia une table de jardin et y installa son ordinateur, il passa ensuite un bon quart d'heure à brancher convenablement tous les câbles dont il avait besoin pour alimenter et relier ses accessoires, puis il posa les dossiers et quelques outils électroniques sur la table, rangea les deux sacs de sport dans un placard et s'assit à son bureau. Désormais son laboratoire était ici.
Le lendemain matin, Bernard montra la pièce à Tom qui manifesta son enthousiasme face à toutes ces preuves de la culpabilité de Christian Park. Pour ne pas éveiller de soupçon sur lui, Bernard partit au bureau comme d'habitude, quant à Tom il profita de la journée pour faire venir trois avocats de sa connaissance pour leur expliquer l'article qu'il comptait écrire et analyser les risques qu'il encourait. La plus grosse difficulté résidait dans le fait d'obtenir des informations provenant de l'intérieur de l'entreprise sans se rendre coupable d'espionnage industriel, ce qui s'avérait apparemment impossible. La seconde difficulté était de prouver que le milliardaire négligeait volontairement certaines règles de sécurité dans le but d'accélérer le développement de son appareil et en dépit de la sécurité de ses cobayes.
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L'invention
Mystery / ThrillerTom Epstein est journaliste. Un jour son patron l'envoie réaliser une interview du milliardaire Christian Park. Ce dernier lui fait essayer sa nouvelle invention révolutionnaire : un casque censé lutter contre la dépression. Mais à partir de là les...