L'invention

Chapitre 6

Ces techniques portèrent chance à Tom, qui arriva avec une large avance le lendemain matin au travail. Profitant de ce qu'il était seul au bureau, il commença par travailler à son roman, puis lorsque ses premiers collègues, étonnés de le voir si matinal, arrivèrent, il bascula sur son travail journalistique. Il n'avait consacré qu'une demi-heure à son roman, mais cela le mit dans les meilleures dispositions pour le reste de la journée. Quant à la fatigue de s'être levé plus tôt qu'à son habitude, il ne la ressentit pas. Vers 9h30, son patron, Hervé, vint le voir et lui annonça qu'il devrait à 16h mener une interview de Christian Park, un célèbre entrepreneur. Cela laissait sept bonnes heures à Tom pour faire des recherches, préparer ses questions ainsi que son matériel et se rendre sur les lieux du rendez-vous.

Pour la deuxième fois ce jour-là, il réalisa l'exploit d'arriver non seulement à l'heure, mais encore en avance. La secrétaire de Monsieur Park le fit patienter à l'entrée du bureau. Tom sortit son téléphone et fit quelques tests avec le micro pour s'assurer qu'il serait en mesure d'enregistrer l'entretien. Il prit ensuite les fiches qu'il avait rangées dans les poches de son blouson, et les relut avec attention. Elles contenaient des informations essentielles sur Christian Park, par exemple les titres de ses ouvrages, les expériences sur lesquels il avait travaillé, ainsi que certaines dates clefs et les questions que Tom comptait lui poser. Après avoir tout relu plusieurs fois, il ferma les yeux et essaya de se remémorer le contenu de mémoire. Il se sentait maintenant prêt.

La secrétaire se présenta à lui et lui proposa de la suivre. Le bâtiment était beaucoup plus grand qu'il ne l'avait imaginé et il se trouvait désormais dans un dédale de couloirs et d'escaliers. Pourtant, tout était vide. Quel était cet endroit ? Pourquoi tant d'espace ? Et pourquoi n'y avait-il personne ce jour-là ? Tom sortit son stylo et prit quelques notes. Puis il se retrouva finalement dans le bureau de Monsieur Park, qui se leva pour l'accueillir et l'invita à s'asseoir. La secrétaire se retira. L'entretien pouvait commencer.

— Je vous remercie de me recevoir, dit Tom en lançant l'enregistrement sur son téléphone. Et je vais essayer de ne pas vous faire perdre trop de temps.

— Vous ne me dérangez pas du tout, répondit Christian Park. C'est d'ailleurs moi qui suis à l'initiative de cet entretien. J'ai tout mon temps et j'essaierai d'être le plus clair possible.

— Hervé m'a dit, en effet que vous travailliez sur un nouveau projet et que vous souhaitiez vous servir de cette interview comme d'une tribune pour chercher des financements, c'est bien cela ?

— C'est exactement ça. Comme vous le savez, je suis neurologue de formation et je ne me suis lancé dans les nouvelles technologies que relativement tard. Le succès de mon bracelet domotique m'a fait passer pour un ingénieur ou un entrepreneur à succès, mais je me considère toujours et avant tout comme un spécialiste de l'esprit humain.

— Il faut que je vous confesse que je n'ai jamais acheté votre bracelet...

— Vous n'êtes pas le seul, croyez-moi. Mais il se pourrait bien que vous soyez plus intéressé par ma nouvelle lubie. Christian Park sortit un petit objet métallique qui ressemblait vaguement à un serre-tête et le tendit à Tom.

— Qu'est-ce que c'est que ça ?

— Ceci, monsieur, est une révolution. Vous tenez entre les mains le premier appareil capable d'annuler les effets de la dépression.

Les questions se bousculèrent dans la tête de Tom. Il ne savait pas s'il devait être incrédule, excité ou terrifié. Année après année, la dépression, l'anxiété et les burn-out touchaient un nombre toujours plus grand de gens. La sur-connectivité, l'influence pernicieuse de la publicité et des réseaux sociaux ainsi que le manque de temps libre, de silence et de nature, avaient contribué à faire de la dépression un véritable fléau. Un outil capable de lutter efficacement contre ce mal-être se vendrait à coup sûr à des millions d'unités. Mais ce que Tom comprit immédiatement, c'est que si l'outil de Christian Park était capable d'agir sur le cerveau pour soigner la dépression, il y avait de grandes chances pour qu'il soit capable de faire bien plus encore, offrant ainsi à son créateur un pouvoir gigantesque.