Chapitre 10

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Le lendemain matin, Tom arriva par miracle à l'heure au bureau. Comme il avait la gueule de bois et qu'il avait peu dormi, il se sentait faible et sans défense. La seule chose à laquelle il aspirait c'était une journée sans événement particulier, tranquillement installé à écrire un article lambda, sans que personne vienne le déranger. Alors qu'il venait juste de s'installer et de commencer à travailler, son patron, Hervé, entra dans son bureau et annonça à Tom que Christian Park souhaitait à nouveau le rencontrer aujourd'hui même car il souhaitait lui faire essayer un nouveau produit en exclusivité. Tom refusa mollement, il avait prévu de finir un article important ce jour-là. Hervé lui expliqua qu'il n'avait pas le choix, qu'il devait partir maintenant au bureau de Park et qu'il avait intérêt à ce que tout se passe bien. Tom, trop fatigué pour refuser, accepta de guerre lasse.

Il quitta le bureau et appela un taxi. Assis sur la banquette arrière, il apprécia ce moment de calme, le regard vague, fixé sur l'extérieur. Puis, il paya sa course, entra dans l'immeuble, annonça son rendez-vous, prit l'ascenseur et se retrouva dans la même salle d'attente que la dernière fois. La secrétaire, qui le reconnut, lui sourit et lui proposa de patienter. Fatigué des excès de la veille, Tom s'assit les bras croisés, dans l'attente qu'on lui fasse signe d'entrer. La secrétaire se leva alors, lui fit signe de la suivre et comme la fois précédente ils parcoururent les longs couloirs du bureau, sauf que cette fois-ci il y avait des employés partout affairés à leur tâche. Arrivé au bureau de Christian Park, la secrétaire frappa à la porte et fit signe à Tom d'entrer.

— Bonjour monsieur, dit Park. Je suis content que vous ayez accepté de venir.

— Je n'ai pas vraiment eu le choix, répondit Tom.

— Comment cela ?

— Disons que mon patron sait se montrer persuasif.

— Je peux vous assurer que vous ne le regretterez pas. Vous a-t-il donné la raison de votre visite ?

— Vous voulez que je teste une nouvelle invention. Alors, allez-y, je suis ici pour ça. Est-ce que je dois filmer ?

— Non, ça ne serait pas nécessaire, il n'y a pas grand-chose à voir. Christian se dirigea vers son bureau, ouvrit une petite boîte en métal et en sortit l'appareil que Tom avait vu la dernière fois.

— Ah ! le serre-tête !

— C'est bien plus qu'un serre-tête monsieur, croyez-moi. Est-ce que je peux me permettre de vous l'installer ?

— Allez-y... Mais vous savez, je vais très bien, j'ai peur qu'il ne se passe pas grand-chose.

— Dans ce cas tant mieux, dit Park en installant l'appareil sur la tête de Tom. Si votre santé psychique se porte au mieux, alors vous ne ressentirez en effet aucune différence. Mais si vous ressentez ne serait-ce qu'un petit peu d'anxiété ou qu'il y a chez vous un petit nœud traumatique auquel vous ne pensez plus, Prototype F devrait vous aider à vous sentir mieux.

— Tout va bien, je vous assure.

— On verra bien.

— Est-ce qu'il y a quelque chose que je dois faire ? Quelque chose à savoir ?

— Rien à faire, rien à savoir, sinon que cet outil est complètement sans danger, il envoie juste de légères vibrations à votre cerveau qui empêchent les émotions douloureuses de prendre le pas sur toutes les autres. Tout ça est naturel, comme vous le voyez, on ne vous injecte rien dans le corps, et si vous ressentez le moindre malaise, vous n'avez qu'à retirer votre appareil.

— Bon. Eh bien, c'est parti.

— Hâte d'entendre votre retour. On se dit à demain, monsieur.

— À demain.

Tom se demandait si cet appareil était aussi sûr que Park le laissait entendre. Il n'aimait pas l'idée qu'on joue avec son cerveau, mais Hervé ne lui avait pas laissé le choix, Park semblait sûr de lui, et il ne se sentait pas le courage de lutter contre ces deux hommes. Et puis il devait bien reconnaître que l'outil le rendait curieux. Vis-à-vis de Christian Park, il avait essayé de ne rien laisser paraître, mais il savait pertinemment que sa psyché était en miettes. Il souffrait de n'avoir jamais connu ses parents biologiques, il souffrait de sa rupture avec Claire, il souffrait de ne pas parvenir à assouvir ses ambitions artistiques, il souffrait de ses relations avec son patron, de ses conflits perpétuels avec ses amis, de sa lâcheté et de sa solitude. Tout le faisait souffrir. Si Prototype F tenait ses promesses, cela pourrait bien lui sauver la vie.

Il fit le chemin retour en taxi. Il sortit un bonnet de son sac à dos pour cacher l'appareil qu'il portait autour du crâne. Pendant le trajet, il essayait de se concentrer sur les émotions qu'il ressentait et sur les idées qui lui passaient à travers la tête. Se sentait-il différent ? À première vue, non. Il essaya alors de se concentrer sur une émotion désagréable. La douleur était-elle moins vive ? Non, jusqu'à présent il se sentait le même. Ou bien les effets de l'appareil n'avaient pas encore commencé à faire effet, ou bien il ne fonctionnait tout simplement pas. Park ne lui avait pas indiqué combien de temps il allait devoir attendre avant que les effets ne se fassent ressentir. En revanche, il lui avait donné rendez-vous le lendemain pour un compte-rendu. Il en saurait probablement plus d'ici ce soir.

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