L'invention

Chapitre 16

Trois jours passèrent, puis Tom reçut un texto. J'ai ce qu'il te faut. Rendez-vous au même endroit à la même heure. R. Tom alla sur place et Ryan lui donna un sachet en plastique à l'intérieur duquel se trouvait une décoction marron foncé. Ryan le mit en garde une nouvelle fois contre cette drogue et l'encouragea à ne pas la consommer seul. Tom le rassura en lui expliquant qu'il avait tout prévu, puis il le paya et ils se dirent au revoir. De retour dans son appartement, il appela Jean et lui proposa de passer chez lui. Quand son ami arriva, il lui expliqua ce qu'il comptait faire. Jean, effrayé, ne souhaitait pas prendre part à cette expérience dangereuse, mais Tom lui expliqua qu'il n'y avait pas d'alternative, il prendrait de l'Ayahuasca ce soir, quoiqu'il arrive, la question était de savoir s'il serait seul ou encadré. Résigné, Jean accepta.

— OK tu as tout ce qu'il te faut ? demanda Jean.

— Je pense que oui, répondit Tom. Une bouteille d'eau, un seau, un matelas, une couette. Les fenêtres sont fermées, les toilettes à proximité. Tout roule.

— Je t'en veux de me faire ce coup-là.

— Calme-toi, ça va bien se passer. Des tas de gens font ça tous les ans.

— Et certains en meurent.

— Je n'ai aucune crainte de ce côté-là. Ryan ne me refilerait jamais un produit pourri. Et puis je suis tranquillement installé chez moi avec toi à mes côtés. Je ne suis pas perdu au milieu de nulle part, entouré de charlatans et de junkies.

— Peut-être, mais le truc que tu vas prendre est super violent.

— Je ne dis pas que je vais passer un bon moment, mais c'est un mal nécessaire. J'ai un projet, et je suis obligé d'en passer par là pour le réaliser.

— Et qu'est-ce que je fais si tu deviens fou ?

— Je vais devenir fou dans tous les cas, mais ça va passer, et toi tu as juste à me regarder souffrir et à t'assurer que je ne me blesse pas. Je sais que c'est une sacrée faveur que je te demande, mais tu sais que j'en ferais autant pour toi si tu me le demandais. Allez, assez discuté, on y va !

D'un geste décidé, Tom saisit le verre contenant le produit, le porta à sa bouche et but tout d'une traite, le goût amer le fit grimacer, puis il s'allongea sur son matelas et sourit à Jean qui le regardait, inquiet, ensuite il lança la playlist qu'il avait conçue pour l'occasion. Ils restèrent silencieux pendant une demi-heure. Tom allongé, les yeux fermés, tâchait de se relaxer, tandis que Jean consultait nerveusement son téléphone en jetant des coups d'œil à son ami, puis les effets commencèrent à se faire ressentir, Tom commença à respirer plus amplement, sa bouche devint sèche, des ondes de chaleur traversèrent son corps, il sentit un picotement le long de sa colonne vertébrale et sur son cuir chevelu. L'expérience venait de commencer.

Sa perception changea, les ombres de la pièce s'étirèrent et bientôt il ne voyait plus que des couleurs vives et des scintillements, les objets perdirent leurs formes d'origine et se couvèrent comme dans un kaléidoscope, lorsque son esprit fut aspiré à l'extérieur de son corps, il comprit qu'il se trouvait là où il avait souhaité aller, il essaya alors de focaliser son attention sur la question suivante : que puis-je faire pour aider les autres ? Il essaya de contenir le flot d'images, de pensées et d'émotions qui l'assaillirent pour ne se concentrer que sur cette unique question, il n'avait qu'une chose à faire, rester concentré sur cette question jusqu'à ce que la réponse lui apparaisse. Il avait la sensation de glisser à l'intérieur de son esprit à travers ses idées et ses pensées, il se sentait calme et il parvenait à maintenir ses pensées sur la trajectoire le menant au bon flux d'idées.

C'est alors que l'expérience bascula dans une nouvelle phase. Tom eut un haut-le-cœur, il saisit fébrilement le seau et vomit un jet puissant, il était maintenant frigorifié, ses mains tremblèrent lorsqu'il essaya de prendre sa bouteille d'eau, Jean l'aida à boire deux petites gorgées et immédiatement après il tourna la tête et vomit pour la seconde fois, tous les évènements traumatisants de son passé refirent alors surface et explosèrent à sa conscience, ses yeux écarquillés exprimaient l'effroi, il pleura de tristesse en se tordant sur son matelas, il avait froid, il avait peur, il était exténué, il était triste, il n'y avait plus en lui la moindre parcelle de joie. Ce n'était pas la souffrance qu'il expérimentait, mais l'enfer.