Chapitre 7

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Les mécanismes de la mémoire sont mystérieux. On souhaiterait avoir accès à elle sur commande, mais bien souvent c'est elle qui s'impose à nous. Nos souvenirs ne sont pas des instantanés objectifs que l'on pourrait retrouver et scruter minutieusement à la recherche d'une quelconque vérité. Il n'y a rien de plus trompeur, au contraire, qu'un souvenir. On se souvient de quelque chose à cause de la charge affective ressentie à l'époque. On oublie ce qui est fade, mais si un grand malheur ou un grand bonheur nous arrive, on s'en souvient toute notre vie. La mémoire recomposera alors le passé en dupliquant un malheur ou un bonheur furtif, vous laissant croire que telle période de votre vie était heureuse ou malheureuse. On oublie ce qui ne nous émeut pas, on duplique ce qui nous a émus. Les souvenirs sont un miroir déformant de nos émotions passées.

En arrivant chez ses parents adoptifs le lendemain matin, Tom ne perdit pas de temps, après leur avoir dit bonjour, il se dirigea vers le buffet, prit les clefs qui traînaient dans un vide-poche, puis il descendit les escaliers en direction du garage. La vieille porte en bois grinça en s'ouvrant, Tom appuya sur l'interrupteur, une ampoule nue illumina la pièce. Il s'approcha d'une pile de cartons humides qui menaçaient de s'écrouler sous leur propre poids. Il prit celui du haut, l'ouvrit, examina l'intérieur et n'y trouva rien d'autre que des piles de magazines, il ouvrit le second, qui contenait des habits, puis un troisième avec des cassettes vidéo et des CD. Dans le quatrième et dernier carton, il trouva des objets divers, une caméra, un couteau, une figurine en plastique. Et la vieille boîte en métal de sa mère. Tom s'apprêtait à l'ouvrir lorsque Sarah et Pascal, ses parents adoptifs, entrèrent dans le garage.

Sarah était petite et menue. Ses cheveux étaient gris et bouclés. Elle portait un polo bleu, un pantalon droit qui faisait apparaître ses chevilles, et elle portait des tennis. Son visage était mince, souriant, ouvert, attentif. Elle se tenait le dos droit, les jambes légèrement fléchies et elle faisait de petits gestes vifs. Pascal était à peine plus grand que sa femme. Il n'était pas gros, pourtant son corps semblait mou. Ses cheveux étaient gris, plats et retombaient légèrement sur son front. Il portait t-shirt marron, un jeans, des chaussettes brunes avec des losanges et des chaussures de villes. On voyait au premier coup d'œil qu'il était timide. Lorsqu'il ne parlait pas, le mouvement nerveux de ses lèvres laissait pourtant penser qu'un feu brûlait à l'intérieur de lui.

— Eh bien ! tu as retrouvé la boîte on dirait, dit Pascal.

— Oui ! répondit Tom, je suis content.

— Si tu veux récupérer tes autres affaires, ne te gêne surtout pas, j'ai de grands projets pour ce garage.

— Tu veux lui faire passer le concours de l'ENA ?

— À qui ?

— À ton garage.

— Mais non, tu es bête. Je voudrais en faire un atelier.

— Un atelier ? C'est super, mais quel dommage que tu ne saches pas bricoler !

— Ça, c'est ce que tu crois.

— Non, c'est ce que tout le monde croit, sauf les complotistes, parce qu'ils sont trop occupés à croire à Roswell.

— Ton père a décidé qu'il voulait se lancer dans la menuiserie, dit Sarah.

— La menuiserie. OK. Super. Je pense que tu vas y laisser tes doigts.

— C'est ça, moque-toi... Tu serais surpris de savoir tout ce que ton vieux père est capable de faire.

— Je te taquine. Tu as bien raison. Je suis content que vous fassiez plein de choses pendant votre retraite.

Tom se demanda d'où venait subitement à son père ce désir de menuiserie. Est-ce qu'ils en avaient déjà parlé ensemble ? Non. Est-ce qu'il s'était déjà montré intéressé par ce domaine ? Non. Les retraités ont de drôles de lubies. Plutôt que de profiter de temps libre pour se consacrer pleinement à des activités auxquelles ils aspiraient depuis des années, ils s'inventent de nouvelles envies sorties de nulle part. Tom aurait plutôt imaginé que son père profiterait de sa retraite pour s'adonner à la pêche ou à la randonnée, mais non, celui-ci avait décidé que ça serait la menuiserie. Tom se demanda si sa mère également lui annoncerait bientôt une nouvelle activité stupéfiante. Cette pensée le fit frissonner d'avance.


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