Chapitre 50

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Ce matin-là, Claire fut réveillée par un bruit de camion. Cela faisait des semaines que la maison à côté de la sienne était en vente, ses voisins avaient quitté les lieux une dizaine de jours auparavant, et voilà qu'en ce dimanche matin les nouveaux occupants avaient décidé de s'installer. Claire se leva et se fit griller des tartines, une tasse de thé à la main, elle observa par la fenêtre les déménageurs faire des allers et venues les bras chargés de cartons. Une fois son petit-déjeuner terminé, elle prit une douche, s'habilla, s'installa sur son canapé et lut pendant un bon moment. Vers 13h, elle entendit le camion s'éloigner et se dit qu'il serait poli d'aller saluer ses nouveaux voisins. Elle cueillit quelques fleurs de son jardin, en fit un bouquet, marcha jusqu'à la maison d'à côté et sonna, elle attendit un court instant, puis la porte s'ouvrit.

— Tom ? dit Claire.

— Bonjour, répondit-il.

— Mais qu'est-ce que tu fais là ?

— Comme tu vois, je suis en train d'emménager.

— Je ne comprends pas... Tu vas habiter ici ?

— Oui.

— Mais pourquoi?

— J'en avais assez de mon ancien appartement et j'avais besoin de renouveau. J'aime bien ce quartier, et puis ici je serai près de chez mes parents.

— Mais pourquoi acheter cette maison ? Tu aurais pu... je veux dire, j'habite ici, et...

— Ne te fais pas d'illusion Claire, ce n'est pas parce qu'on est voisin et que je sais que tu es toujours folle amoureuse de moi que cela signifie que nous allons nous remettre en couple. C'est pour moi les fleurs ?

— Heu... oui, tiens.

— Allez entre, je vais te faire visiter.

Tom se sentait léger. Il comprenait que le bonheur était à nouveau possible. Pendant des mois, peut-être des années il s'était senti entravé et n'avait fait que subir les évènements sans jamais parvenir à insuffler la moindre direction à sa vie. Cela n'avait été qu'une lente exploration des territoires de l'ombre durant laquelle chaque jour ils s'était enfoncé un peu plus dans le désespoir. Pourtant, en dépit de toutes ces épreuves, et peut-être en partie grâce à elles, il était parvenu à inverser le cours des choses, parvenu à se libérer de son mal-être et de son impuissance. Il pensait avoir perdu sa capacité à la joie, mais elle n'avait jamais cessé de briller malgré le froid et les ténèbres. Tom avait compris qu'il ne parviendrait jamais à faire taire toutes ses angoisses ni à empêcher le destin de lui jouer des tours, mais il savait maintenant qu'il n'était pas le seul à mener ce combat, il savait que la souffrance était partagée par tout le monde et qu'elle le liait aux autres, il savait qu'on ne stoppait pas le flot des émotions, au sein de la même journée, de la même heure, elles allaient et venaient, et peu importait leur intensité, peu importait qu'elles soient agréables ou non, elles finissaient toujours pas passer, car c'était cela être humain, ressentir chaque jour tout le spectre des émotions, sans que jamais l'une d'elles ne définisse toute notre existence. Claire venait de rentrer chez lui, il la voyait émue, il était heureux d'être auprès d'elle, et pour le moment, cela lui suffisait.

FIN

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