Chapitre 2

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Mathilda n'ayant ni famille ni ami proche, et Sarah refusant d'abandonner le bébé à l'orphelinat, elle décida de l'élever elle-même et lui donna le nom de Tom. Les années passèrent et à force de travail, Sarah parvint à ouvrir son propre kiosque à fleurs. Tom et sa mère purent alors emménager dans un véritable appartement. Ce n'était qu'une pièce minuscule, mais au moins il y avait le chauffage. Tom entra à l'école primaire. Puis Sarah se maria avec le vendeur de journaux du kiosque d'à côté. Il s'appelait Pascal et il considéra Tom comme son propre enfant. Ce salaire supplémentaire leur permit quelques années plus tard de déménager à nouveau. Cette fois il y avait un salon, une chambre pour les parents et une chambre pour l'adolescent. Tom entra au collège. Sarah et Pascal économisèrent pendant les sept années suivantes, si bien qu'arrivé à la fin du lycée, Tom eut l'opportunité d'entrer à l'université pour étudier la philosophie.

Tom avait maintenant quarante ans, il était journaliste et ses parents adoptifs étaient tous les deux à la retraite. Comme quasiment tous les matins, il se leva en retard et fatigué. Il s'était couché tard la veille en essayant de travailler à l'écriture de son roman. Il se fit un café, mangea quelques biscuits secs sans prendre le temps de s'asseoir, puis il prit une douche chaude, s'habilla et dévala les escaliers dans l'espoir d'attraper le bus de 8h20. Quand il arriva dans la rue, il vit le bus lui échapper. Il devra attendre cinq minutes de plus, ce qui le mettrait à coup sûr en retard au bureau, ce qui allait encore exaspérer son patron.

Non seulement il venait de rater son bus, mais le suivant fut pris dans les embouteillages. Tom arriva finalement à la rédaction avec presque une demi-heure de retard. En sortant de l'ascenseur, il essaya de ne pas se faire trop remarquer, puis il marcha jusqu'à son bureau et démarra son ordinateur. Avec un peu de chance, personne ne s'apercevrait de son retard. Avec des gestes rapides, il retira sa veste et installa ses affaires sur son bureau. L'écran de son ordinateur était allumé, il allait pouvoir commencer à travailler.

— Bonjour Tom, tu m'expliques ce qui se passe s'il te plaît, dit la voix de son patron derrière lui.

— Bonjour Hervé, je suis désolé pour le retard, mon bus est resté coincé dans les embouteillages et...

— Ah les embouteillages... C'est marrant parce que tu n'es pas le seul à prendre le bus, par contre tu es le seul à être en retard.

— C'est vraiment un coup de malchance, il y a eu un accrochage entre deux voitures et...

— Et tu n'avais qu'à prendre le bus d'avant, ou le métro, ou le vélo, ou venir à pied, je m'en moque, ce que je veux c'est que tu sois à l'heure au bureau.

— Je finirai plus tard ce soir, promis.

— Je ne veux pas que tu travailles plus tard, je veux que tu travailles plus tôt. C'est une rédaction ici, pas un night-club, j'ai besoin d'avoir des gens sur le coup, nos lecteurs doivent être les premiers à être au courant des news de la nuit.

— Ça ne se reproduira plus, je te le promets.

— Il y a intérêt. C'est la dernière fois que je laisse passer ça. La prochaine fois c'est la porte.

Tom se sentait dépassé par les évènements. Il avait trop de choses auxquelles penser : son métier, son roman, ses amis, sa famille, l'intendance... Il ne s'en sortait pas. Il se sentait chroniquement fatigué et incapable de mener tout cela de front. Aujourd'hui, la seule chose à laquelle il aspirait c'était se retrouver loin de tout cela, loin de tous ces gens. Il voulait se retirer du monde, ne plus avoir à subir la constante pression de la société, le chantage affectif de ses proches, ni le stress lié à son métier. S'il le pouvait, il renoncerait à tout cela pour s'enfermer dans une minuscule maison à la campagne et consacrerait son temps à écrire et prendre soin de son corps et de son esprit.

L'inventionOù les histoires vivent. Découvrez maintenant