L'invention

Chapitre 31

— Il y a une question que je veux vous poser depuis un bon moment, dit Tom à Bernard.

— Je vous écoute.

— C'est quoi votre métier au juste ?

— Je suis ingénieur.

— Oui, ça je le sens bien, mais vous travaillez sur quoi précisément ? Des sex toys ?

— La réponse va sans doute vous étonner.

— Plus rien ne m'étonne.

— C'est moi qui ai conçu le casque anti-dépression. Les différents modèles de Prototype, du A jusqu'au F que vous avez essayé. Et je travaille actuellement sur le G.

— C'est une blague ?

— Pas du tout.

— Je... je ne comprends pas... qu'est-ce que...

— Je pense que vous avez très bien compris au contraire. C'est moi qui ai créé et développé l'invention qui a failli vous touer.

— Mais je pensais que vous étiez de mon côté... Pourquoi avoir fait tout cela pour moi ? Pourquoi m'héberger ? Pourquoi faire planter le système de la Park Industry Tower ?

— Bien sûr que je suis de votre côté, Tom. Vous êtes l'unique cobaye qui ait survécu à mon invention, vous êtes la preuve qu'elle fonctionne, qu'elle est commercialisable. Je vous héberge pour vous avoir près de moi, parce qu'il faut que je sache si vous avez survécu grâce aux changements que j'avais apportés à mon invention, ou à cause de la constitution de votre cerveau. Quant à Christian Park, il m'a tout volé. Certes, c'est lui qui a financé le développement de mon invention, mais c'est moi qui en ai eu l'idée et qui l'ai développé. Il s'était déjà approprié le succès de mon bracelet domotique, mais cette fois je ne me laisserais pas faire. Ce type ne serait rien sans moi. Ce casque anti-dépression est l'invention la plus importante du siècle et le monde entier saura que j'en suis le père.

— Mais qu'est-ce que vous racontez ? Vous me faites marcher, c'est ça ?

— Vous êtes à moi.

En disant ces mots, Bernard se jeta sur Tom qui prit au dépourvu n'eut pas le temps d'esquiver et chuta lourdement sur le sol, l'arrière de sa tête cogna le carrelage et bien que sonné il essaya de se défaire de l'emprise de Bernard, mais celui-ci jouait de sa corpulence pour le maintenir au sol, Tom entendit un bruit métallique et comprit que Bernard essayait d'attraper ses mains, il voulait le menotter, Tom devait trouver un moyen de se dégager de son emprise, tout de suite. Face au danger, son instinct de survie se manifesta à travers une décharge d'adrénaline qui lui conféra une force hors norme, à l'aide de ses pieds et de ses bras il parvint à repousser Bernard sur le côté et à quitter la pièce en courant. Paniqué, ses pupilles se dilatèrent, des gouttes de sueur perlèrent le long de sa nuque et il entendait ses propres battements de cœur. Il dévala les escaliers, ouvrit la porte d'entrée et s'enfuit en courant dans la nuit. Il emprunta un dédale de petites rues, puis grimpa par dessus la grille d'une maison et se cacha à l'ombre d'un arbre, essayant de contrôler sa respiration pour ne pas quelle trahisse sa présence.

Il resta là caché un long moment, incapable de fixer son attention sur quoi que ce soit, il suait mais il avait froid, ses mains tremblaient et sa bouche était sèche. Que dois-je faire, pensa-t-il ? Devait-il rester caché ici ? Mais pendant combien de temps ? Devait-il sonner chez un voisin et demander de l'aide ? Devait-il essayer de rentrer chez lui ? Appeler un taxi ? Mais pour aller où ? Il était habité par un sentiment d'effroi, sa vie était finie, il ne pouvait plus retourner chez lui à cause des menaces de Christian Park, il ne pouvait pas rester dans ce quartier à cause de Bernard Allié ni prévenir la police qui risquait d'être sous la coupe du milliardaire et il ne pouvait aller ni chez Jean ni chez ses parents au risque de les mettre en danger. Comment s'était-il retrouvé dans cette position ? Il n'y avait aucun moyen de s'en sortir. Il avait tour perdu. Sa vie était terminée.

L'esprit est tout. Il contrôle notre corps, nos émotions et nos actions. Que notre esprit nous lâche et c'est notre vie entière qui s'étiole. La peur est la pire des maîtresses. Impossible de prendre une bonne décision lorsque nous sommes sous son emprise ? Mais notre esprit est impermanent, au fil de la journée, au gré des évènements, nous changeons d'humeur et cela influe sur nos pensées, lorsque notre vie s'emballe, il est bon de trouver refuge dans la solitude et le silence en attendant que la tempête de nos émotions passe et que nous reprenions le contrôle de nos pensées. Car qui contrôle son esprit contrôle sa vie.