Chapitre 46

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— N'avez vous jamais eu envie d'alléger la souffrance des autres ? demanda Christian Park

— Parce que vous pensez que c'est ce que vous faites ? répondit Tom.

— Ne me répondez pas à ma question par une autre question. Est-ce que vous avez déjà souhaité faire le bien autour de vous ?

— Oui...

— Et y êtes-vous parvenu ?

— Partiellement...

— Voilà ce qui nous différencie. Avec BeCalm, moi, j'y suis totalement parvenu. Désormais, le monde ne sera plus jamais comme avant.

— Mais vous ne pouvez pas aider les autres à n'importe quel prix, ni de n'importe quelle manière ni sans leur consentement.

— Si, regardez, c'est ce que j'ai fait. Et la conclusion c'est qu'ils sont plus heureux. Vous avez de beaux principes Epstein, mais ils sont inefficaces.

— Vous leur avez menti.

— Et alors ? Ils n'en savent rien et ça ne les empêche pas de se sentir mieux. Contrairement à ce que vous pensez, mes motivations sont sincères, je cherche à faire le plus de bien possible au plus grand nombre de personnes possible, tandis que vous, vous n'avez jamais fait qu'un tout petit peu de bien à un nombre restreint de personnes. Il y a comme une différence de degré dans nos ambitions.

— Et toutes les données que vous récupérez, le contrôle que vous avez sur leurs cerveaux, vous appelez cela de l'humanisme ?

— Non, j'appelle ça de la Recherche & Développement.

Tom essayait de gagner du temps, plus Christian Park parlait et plus les chances que le vigile relâche son attention augmentaient. Tom concentrait toute son attention sur la pression exercée sur ses bras, dès qu'il sentirait le moindre affaiblissement dans cette tension, il devrait agir. Il se sentait terrifié et surexcité, la peur se mêlait à l'adrénaline, son corps tremblait. Où trouvait-il encore la force de parler, la force de raisonner, de se tenir debout ? Le monde s'estompait autour de lui, il n'y avait plus que la voix du milliardaire et les mains du vigile, tout le reste avait disparu, une voix, des mains, et rien d'autre.

Soudain, il le sentit, ce micro mouvement qu'il attendait, cette tension musculaire qui se relâcha. D'un geste foudroyant, il se libéra de l'emprise du vigile, plongea sa main dans la poche de son uniforme, saisit le tournevis et le planta de toutes ses forces dans la cuisse de son assaillant, ce mouvement brusque associé au cri de douleur qu'il provoqua, fit sursauter l'assemblée, qui se figea comme si elle venait de se cristalliser, profitant de ce moment de surprise général, Tom se jeta sur Christian Park, planta son tournevis dans chacune de ses cuisses, puis arracha de ses mains l'écran de contrôle BeCalm et le jeta contre un mur, l'écran explosa, du verre se répandit sur le sol, l'outil était hors d'usage. Christian Park et le vigile étaient maintenant à terre, repliés sur eux-mêmes, occupés à couvrir leurs plaies de leurs mains ensanglantées. Tom n'essaya pas de libérer ses proches ni de leur adresser un mot, il quitta le bureau, courut dans le couloir, emprunta l'escalier de secours et descendit trois étages plus bas jusqu'à la salle des serveurs, il utilisa son Pass, la porte s'ouvrit, il courut jusqu'au module et à l'aide de son tournevis rendu poisseux par le sang, il dévissa la plaque en métal, la laissa tomber par terre, le module était là, deux interrupteurs se présentaient face à lui, l'un avait déjà été enclenché, c'était celui que Bernard Allié avait utilisé pour mettre momentanément la Park Industry Tower en déroute, l'autre interrupteur était celui qui lui permettrait de mettre fin à cette invention insensée. Sans prendre le temps de conscientiser l'instant ni d'espérer ou d'avoir peur, Tom appuya sur le second interrupteur, un petit bourdonnement électrique se fit entendre. BeCalm était mort et la seule personne capable de le réparer n'était plus de ce monde. Tom venait de réussir sa mission.

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