1. L'arrivée

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Ça y est, c'est fait. Je ne peux plus faire marche arrière maintenant. Je n'ai même pas dit au revoir à mère, même pas un signe de la main, rien. Cela fait maintenant plus d'un mois que mes parents ont divorcé, et ma mère s'est déjà empressée de se retrouver un mec. Enfin, un mec... Je dirais plutôt un monstre ! Il est désagréable avec moi quand me mère n'est pas là, il m'a même déjà mis une claque après avoir répondu à ma mère. En plus, je ne vois pas ce qu'elle lui trouve. Il n'est pas très intelligent, pas très beau, pas très grand, pas très drôle. C'est certainement à cause de lui que je pars aujourd'hui. Je me suis plusieurs fois embrouillée avec ma mère à cause de lui, mais la semaine dernière, c'était la fois de trop. Elle l'a toujours plus défendu que moi et je n'en pouvais plus de vivre sous leur toit a tous les deux. Je suis donc actuellement dans un avion qui me mène à Forks, dans l'état de Washington, là où l'on habitait tous ensemble avant le divorce et le déménagement : papa, maman et moi. Oui, je suis fille unique. Mais à vrai dire, je n'ai jamais rêvé d'avoir un frère ou une sœur. Mes amies me plaignaient toutes, disant que je devais terriblement m'ennuyer. Ça n'a jamais été le cas. Certes, notre maison est petite, un peu mal située et peu confortable, mais elle a l'avantage d'être isolée. J'avais donc un grand terrain pour jouer, même si mon père m'a toujours interdit d'aller dans la forêt. Il avait certainement peur que je tombe sur une bête qui décide de me prendre en tant qu'amuse-bouche. C'est vrai que moi aussi je craignait, certaines nuits de pleine lune, que des loups viennent me manger durant mon sommeil. Heureusement, ça n'a encore jamais été le cas.

Le choc de l'atterrissage me sort de mes pensées. Je vois certains passagers se tenir le ventre comme s'ils allaient vomir d'un instant à l'autre. Je me dépêche de sortir avant d'en voir un dégobiller et le faire à mon tour. Je récupère ma valise le plus vite possible et cours pour trouver un taxi rapidement, ce qui est le cas. Forks est à une trentaine de kilomètres de l'aéroport. Une fois dans le taxi, je sors immédiatement mon téléphone et envoie un message à mes amies que j'ai eu le temps de me faire en un mois en Floride, pour les rassurer et les prévenir que je suis bien arrivée. Je me suis bien attachée à elles en un mois seulement et elles me manquent déjà. Elles ont su m'accueillir comme une reine alors qu'elles ne me connaissaient pas. Cette année, je change de lycée. Avant j'étais au lycée Wallowa, dans une ville près de Forks. Il était réputé pour être brillant, mais j'ai eu beaucoup de problèmes avec les élèves et les professeurs. J'ai donc pris moi-même la décision d'aller au lycée de Forks. Cela va arranger mon père qui n'aura plus à m'amener chaque matin en voiture puisque je pourrais aisément y aller en vélo. Je n'ai même pas le temps d'envoyer tous mes messages que le chauffeur me fait signe de descendre. Il me dépose devant la mairie. La ville n'a pas changée en un mois, et heureusement. Je n'ai plus qu'a marcher un petit peu pour rejoindre mon père, même si j'avais quand même pensé qu'il allait venir me chercher. Et c'est là que je me demande si je l'avais prévenu de mon arrivée. Je suis partie si vite que j'ai certainement dû oublier. Et s'il ne voulait plus de moi ? S'il n'était pas près à m'accueillir de nouveau ? Pleins de questions viennent à moi, comme si cela faisait dix ans que je n'étais pas venue. C'est totalement l'impression que cela me donne.

J'hésite, immobile devant la porte de la maison. Je ne sais pas quelle va être la réaction de mon père. J'ai peur qu'il me rejette, parce qu'il y a un mois j'ai décidé de partir avec ma mère plutôt que de rester avec lui. Bien sûr, je regrette ce choix. Je toque à la vielle planche de bois qui sert de porte et une voix rauque crier un "j'arrive" à peine compréhensible. J'entends encore marmonner des trucs du genre ''qui vient à cette heure ci ?''. J'attends encore une vingtaine de secondes avant qu'il arrive m'ouvrir. Lorsque la poignée tourne et que la porte s'ouvre, mon corps tout entier se met à suer. Je ne sais pas pourquoi je stresse autant. Lorsque j'entrevois son visage, mon père à l'air surpris, mais pas de la manière dont je m'attendais. Il a l'air de se trouver en face d'une parfaite inconnue, le genre de personne qui frappe à la porte des gens pour leur donner des prospectus, comme s'il attendait que j'engage la conversation, mais je n'ose pas. Je ne sais pas si c'est le fait de le revoir qui me fait ça, ou alors le fait qu'il n'est plus du tout le même. Il a une vielle barbe de plusieurs jours, de vieux habits et les cheveux plus longs que d'habitude. Il a l'air d'être plongé dans une terrible dépression depuis que nous sommes parties. Je décide d'essayer de briser ce silence gênant qui doit durer depuis une minute maintenant.
<< Coucou.
- ... Salut, qu'est...où est ta mère ?
- Elle n'est pas là. Je suis désolée, j'ai oublié de te prévenir que je revenais.
- Mais...pourquoi ?
- C'est compliqué, disons que j'ai juste fait le mauvais choix de ne pas rester ici.
- Oui...je...je suis très confus, je ne pensais pas que...tu reviendrais...
- À vrai dire, moi non plus... Je peux enter ?
- Fais comme chez toi.
C'est très ironique puisque c'est chez moi, enfin, ça l'a été. Je me sens étrangère à présent. Apparemment, il n'y a pas que mon père qui a changé ici, la maison aussi. On dirait qu'un ouragan était passé par là. Il y a des habits partout, de la poussière sur chaque recoin de la maison, des paquets de chips à en faire déborder la poubelle, et bien sûr, plus aucune chose ayant appartenu a ma mère. La maison paraît vide et à la fois remplie de bazar. Je sais que je ne me sentirais plus jamais comme chez moi.
- Je sais, ça a changé, hein ?
- Oui, terriblement. Qu'est ce qu'il s'est passé ici ?
- Eh bien, je n'ai jamais su faire le ménage, la cuisine... Tous les trucs que ta mère faisait.
- Mais...ranger tes habits, tu sais le faire ça ? Non, ne me dit pas que tu ne te nourris uniquement de ces chips dégueulasses et toutes grasses depuis un mois ? Dis-je en fouillant la poubelle.
- Ça se voit tant que ça que j'ai grossi ?
- Pas seulement, tes cheveux, ta barbe... Tu n'es plus le même.
- Je t'avoue que ça m'a chamboulé toute cette histoire.
- Waouh... Il était tant que j'arrive, n'est ce pas ?
- Hum...
On sait très bien tous les deux qu'il n'attendait que ça. Contrairement à ce que je pensais, la conversation se déroule assez bien.
- Tu m'excusera, je vais d'abord m'installer. On verra ça après, ok ?
- Fais comme chez toi ma chérie. >>
Je comprends bien qu'il a été blessé par mon choix de partir lorsqu'il répète ''fais comme chez toi'', surtout en ajoutant ''ma chérie''. C'est comme ça qu'il m'a toujours appelée, ma mère aussi d'ailleurs. Je fais comme si je n'avais pas remarqué et je me dirige vers mon ancienne chambre. Et là, à ma grande surprise, rien n'a changé. Je pensais qu'il allait se débarrasser de mes affaires et aménager cette pièce à son goût, mais non. Rien n'a bougé, à part la poussière qui s'est installée. Je m'allonge sur le lit épuisée du voyage. Je remarque que si, en fait, il y a bien quelque chose qui a changé ici : avant, en face de mon lit, il y avait affichée une photo de moi, papa et maman dans un joli cadre doré, elle n'y est plus. J'en déduit que mon père s'en est débarrassé. Je ne m'attendais pas au fait qu'il se mette à haïr ma mère. On a pourtant été une famille soudée fut un temps. Sans m'en rendre, compte je m'endors.

La Fille Qui Courrait Après Les LoupsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant