17. La Vérité

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À mon réveil, je suis nue contre le corps humide et brûlant de Jacob. Il dort encore. Tant mieux, je ne veux pas avoir à l'affronter tout de suite. Je ne cesse de repenser à ce qu'on a fait hier et je ne peux me contenir de sourire. Je ne regrette pas d'avoir attendu tout ce temps. Rien ne doit gâcher cette journée, je veux la passer avec lui. Je me lève en vitesse, nettoie le bordel qu'on a mis dans ma chambre hier, et enfile des vêtements propres. Je vérifie qu'il est toujours endormi avant de sortir et de fermer la porte derrière moi. Il a besoin de se reposer, et je dois aller nous chercher quelque chose à manger.

Une fois descendue dans le salon, j'ai le malheur de croiser ma mère. J'en oubliais presque qu'elle habitait ici. Elle me lança des regards accusateurs. Un instant, je crus qu'elle savait que quelqu'un se cachait dans ma chambre, mais elle n'aurait pas réagi comme cela.
<< C'est une heure pour se lever ? Me reprocha-t-elle.
La pendule près de la télé m'indique qu'il est plus de onze heures. La nuit dernière m'avait épuisée.
- Et toi, où vas-tu à cette heure-ci ?
Elle était vêtue pour sortir, avec un grand manteau en laine grise et un sac à main sous le bras.
- Figure-toi que je reprends le travail.
Wahou, ça pour une surprise ! Ce n'est pas l'heure propice, mais bon... C'est le mieux qu'elle pouvait faire, cette période de deuil ne pouvait pas durer des années. J'étais surprise, et j'imagine que cela pouvait se lire sur mon visage, car elle paraissait vexée de ma réaction.
- Eh bien... Je suis fière de toi, maman.
Je n'avais pas envie de me montrer affective avec elle, mais elle avait l'air d'être en colère contre moi et je voulais arranger ça. Je peux comprendre que ce soit difficile pour elle en ce moment, mais retourner travailler l'aidera à reprendre une vie normale. De plus, cela l'empêchera de tomber sur Jacob.
- J'aimerais être fière de toi aussi. >>
Elle prononça cette phrase sur un ton glaçant qui me prouvait qu'elle était remontée contre moi. Elle m'en voulait, pour je ne sais quelle raison. Sûrement par rapport à l'enterrement. Elle ne s'attarda pas plus longtemps et sortit de la maison en claquant la porte. J'étais figée. D'ordinaire, c'était moi la fille vulgaire et méprisable dans cette maison, pas elle. Ne fais pas à autrui ce que tu n'aimerais pas qu'on te fasse. J'arrivais enfin à comprendre le sens de cette phrase. Comment ais-je pu être aussi hautaine dans le passé !

Après avoir digéré la claque que m'avait foutue la phrase de ma mère, je repris mes esprits. Je secouai ma tête un bon coup et remontai en haut. Je n'avais plus faim, ça m'avait coupé l'appétit. J'avais l'habitude d'être méchante comme cela avec mes parents et de sortir ce genre de phrases, mais me les prendre en pleine face m'affectais. En arrivant dans ma chambre et en voyant Jacob tendrement endormi sur mon lit, cela me fit oublier ce qu'il venait de se passer en bas. Je souris à nouveau et m'approchai lentement de lui. Je secouai son épaule pour le réveiller. Ce fus efficace : il ouvrit immédiatement les yeux.
<< Salut, murmurais-je.
- Salut.
Il se frotta les yeux. On aurait dit un enfant, c'était si mignon. Je me dirigeai vers ma fenêtre et ouvrit le volet en grand. Un mauvais réflexe me poussa à regarder si Marin était dans sa chambre. Ce n'était pas le cas. Tant mieux. Je n'avais pas pensé à lui depuis hier soir. C'est comme s'il avait disparu dès l'instant où j'avais embrassé Jacob. Ce n'était pas plus mal. Non ?
- Allez, réveille-toi. Ma mère est partie travailler, on a la maison pour nous. Tu vas pouvoir sortir de cette grotte. >>
Je parlais bien évidement de ma chambre, qui empestait le chien mouillé. Jacob prit le temps de se lever en douceur. Il allait bien, c'était dur d'imaginer qu'hier encore il était inconscient dans ce lit. Il enfila ses vêtements de la veille, n'ayant rien emmené avec lui ici. Je fis mine de ne pas le regarder se changer. On échanga ensuite un regard qui signifiait qu'on était près. On sortit ensemble de la chambre et on descendit dans la cuisine.

<< Tu dois être affamé. Tu veux quelque chose ? Tu as soif ?
Je l'assaillais de question. J'étais un peu inquiète de savoir ce qu'il avait dû endurer en venant me rejoindre en Floride.
- Donne-moi ce que tu as. Peu m'importe.
J'ouvris plusieurs placards à la recherche de ce que je pourrais lui servir. Je cherchais également dans le frigo, mais il n'y avait rien d'intéressant. Je sortis alors un paquet de céréales et le lui tendis en attendant qu'il acquiesce. Il fit un signe de la tête qui me confirmait que ça lui allait. Je le lui donna alors et il se jeta dessus pour dévorer son contenu. On s'assit ensuite tout deux autour de la table. Aucun de nous n'osait parler, on ne voulait pas aborder les sujets qu'on devait aborder. Je n'avais pas faim, alors je faisais juste semblant d'admirer les lieux pour cacher mon malaise. Et dire qu'hier on s'aimait plus que jamais...
- Je connais ce regard, me dit-il tout en mangeant ses céréales. Tu veux me dire quelque chose.
Quelque, seulement ? Des tas, des millions de choses ! Je pourrais te parler en continu pendant des heures, te raconter chacune de mes journées en détail puis écouter le récit de chacune des tiennes. Je veux entendre ta voix si grave me narrer la vie que tu as menée loin de moi. Cette vie dont je n'ai pas fait partie.
- Pas maintenant. Mange.
Je n'aimais pas gâcher les beaux moments avec mes histoires. Ce moment n'était pas particulièrement beau, mais celui d'hier m'est toujours en mémoire. Comment l'oublier ? C'etait si...
- De toutes façons il faudra qu'on parle, non ? Ça finit toujours comme ça, insista-il.
C'est vrai. À chaque embrouille, on tente de tout régler en parlant, ce qui finit toujours par nous faire réaliser à quel point nous ne sommes pas sur la même longueur d'onde.
- C'est toi qui as des questions, j'imagine. Alors vas-y, si ça te fais plaisir.
Je savais pertinemment quel sujet on allait aborder en premier : Marin. Ce sujet qui fait tant polémique et qui est susceptible de faire resurgir l'orage en un claquement de doigts.
- Ah oui ? Je peux te demander tout ce que je veux ? Me questionna-t-il.
- Dans la limite du raisonnable.
Je le fixai de mon regard qui signifiait que s'il allait trop loin c'est moi qui m'en prendrais à lui. Il ne sait pas se contenir et sa jalousie l'obsède. Je le sais.
- Tu sors avec lui ?
Il n'avait pas besoin de citer son nom, je savais de qui il me parlait. C'etait sûr que ce serait sa première question. Comme si je n'y avais jamais répondu ! À quoi bon, il ne me croira pas. J'avoue que ça peut porter à confusion, à quelque chose près nous étions ensemble. Mais tu as resurgi trop vite, Jacob.
- Je t'ai déjà dis que non.
Je répondais sur mon ton le plus sec, mais rien n'y faisait. Je voyais dans ses yeux qu'il n'était pas convaincu.
- Je sais quand tu me mens, Hannah.
- La preuve que non !
Peut-être que je n'en était pas suffisement persuadée. Je n'aime pas Marin, Marin ne m'aime pas. Je n'aime pas Marin, Marin... Non, chut ! C'est un fait, une évidence ! Je n'ai pas à en douter.
- Dis-moi la vérité, je suis prêt à l'accepter. Vous sortiez ensemble ?
- Puisque je te dis que non !
Je soutenais son regard pour prouver que je disais la vérité. Mais ça ne lui suffisait pas. Il posa sa boîte de céréale. On passait aux choses sérieuses.
- Tu as couché avec lui ?
Il ne prenait pas en compte mes réponses et me bombardait de ses questions. Celle-là en particulier me blessa, comment peut-il croire que j'aurais fait cela aussi précipitamment, avec quelqu'un d'autre que lui ?
- J'y crois pas ! Tu n'es pas sérieux ! Comment peux-tu...
- Tu l'as embrassé ? Me coupa-t-il.
Son regard était de glace. Il ne me montrait aucune émotion, si ce n'est la colère. Je perdais le contrôle de la conversation et cela ne me plaisait pas.
- Non, Jacob ! Arrête avec ces question !
- Ne me mens pas !
Son ton était menaçant. Je déteste cet aspect là de sa personnalité. Ce côté mâle dominant toxique qui croit avoir du pouvoir sur moi.
- C'est peut-être arrivé une fois, je ne m'en souviens plus.
Je ne voulais pas le lui dire, mais quelque chose en moi n'avait pas réussi à garder le secret. Je me souviens de chacune des fois, je me souviens même du goût de ses lèvres.
- Je le savais ! Combien de fois ?
- Je n'ai pas tenu de comptes, ça n'avait aucune importance pour moi !
Le ton montait de plus en plus, exactement comme le jour où l'on s'est retrouvés. J'ai beau lui dire la vérité, je ne cesse de l'accompagner d'un mensonge.
- Quoi d'autre ?
- Rien, il n'y a rien eu d'autre qui peut s'apparenter à un comportement de ''couple'', si c'est ce que tu veux savoir.
Il se calma un moment, sûrement pour digérer tout ça. De mon côté, j'étais remontée contre lui. Il ne pouvait s'empêcher de se comporter de la sorte, alors même qu'il venait ici pour me récupérer.
- Tu as vraiment le don de tout gâcher. Bravo. Si tu refuses de croire la vérité, ce n'est pas mon problème. Moi j'y crois. >>
Je me levai de la chaise et sortis de la pièce. Je ne voulais pas affronter une seule autre de ses questions. Il ne tenta pas de me faire rester. Il devait me détester.

La Fille Qui Courrait Après Les LoupsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant