1. Retour À La Maison

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Qui l'eut cru ? Hannah, dans un avion, à nouveau célibataire, et retournant vivre avec sa mère qu'elle a tant haït. Cela m'aurait parut impossible il y a quelques heures. Mais c'est la réalité, je dois m'y faire. Je dois me faire au fait que mon père est mort, au fait que Jacob est sensé l'être pour moi. Le plus dur, c'est de me dire que tout ce que j'ai réussi a construire à Forks n'aura servi qu'à me détruire plus que je ne l'étais déjà. J'ai du mal à imaginer ma vie si je n'étais jamais retournée là-bas, mais je sais que ça n'aurait jamais pu être pire. J'ai dû mal à me remémorer les bons moments que j'ai passé. La plupart concernent Jacob, les autres Melilla et Cassandre. C'est tout. Je suis presque étonnée de voir que je ne pleure pas. C'est la seule chose que j'arrivais encore à faire de manière normale et spontanée, mais là, même en me forçant, je n'y arrive pas. C'est la preuve que ce départ ne m'est que bénéfique.

Je n'ai pas réussi à m'endormir de tout le voyage. Ma tête cognait contre le hublot, j'avais mal aux fesses à force d'être assise et le siège était tout sauf confortable. Je ne pouvais pas faire le vide dans ma tête. Comment expliquer ce retour à ma mère ? Je ne sais pas. Je ne sais rien de toutes façons. Maintenant que j'y pense, j'avais toujours quelqu'un pour me dire quoi faire et quoi penser. Ces personnes c'étaient Jacob et mon père, et elles ne sont plus là. Je dois redevenir qui j'étais avant qu'ils ne me possèdent. Je dois redevenir Hannah Steal, celle qui j'ai toujours été avant de rencontrer cette sangsue qu'était Jacob. Je n'irais pas jusqu'à dire que je le déteste, ce serait faux. Je l'aime toujours, mais si j'arrive à me persuader que c'est une mauvais personne, même si je sais que ce n'est absolument pas le cas, j'aurais moins de mal à l'oublier et à reconstruire ma vie sans lui.

En sortant de l'aéroport, j'ai l'impression d'être atterie dans un nouveau pays. Je ne reconnais rien, je ne sais pas comment rentrer chez moi. Pourtant, je sais que rien n'a changé, mais j'avais tout oublié. En fait, je n'avais pas cherché à avoir des souvenir d'ici. La végétation est beaucoup plus exotique qu'à Forks. Tout est vert, le soleil brille réellement. Les gens sourient tous à l'unisson, comme si la vie ici était simple et agréable. Forks avait plus l'air d'être un décor de film d'horreur glauque. Bizarrement, je ne peux empêcher le petit sourire en coin de mes lèvres se dessiner. Mon nouveau départ commence maintenant. Je sors mon téléphone et prends une photo du paysage. J'en profite pour appeller ma mère, je n'ai pas le choix si je veux avoir un toit sur la tête ce soir.
<< Allo, Hannah ? Ça me fait vraiment plaisir que tu m'appelles ! Je suis occupée là, dépêches-toi, ma chérie !
Beaucoup trop de gentillesse en une seule phrase, mais je n'arrive pas à cerner l'hypocrisie de ses mots.
- Oui, salut maman. Désolé de te déranger, mais... En fait, je suis arrivée, enfin, je suis à Miami là...et...
- Comment ça ?! Mais qu'est ce que tu fais ici ?!
- Attends, en fait...
- Je dois raccrocher, je suis avec des clients. La clef est derrière la maison. Bisous.
Le signal sonore m'indique qu'elle a raccroché. Je n'arrive pas à comprendre ce qu'elle ressent. De l'indifférence, de la joie, de la surprise ? Peu importe. La réelle question est comment vais-je rentrer à la maison ? Je ne connais pas vraiment l'adresse, mais je cherche l'itinéraire sur internet grâce au nom de la rue qui m'est restée en mémoire : Battersea Road. Impossible de rentrer à pied, c'est trop loin ! Il faudrait que je marche sur dix kilomètres, hors de question ! Les taxis garés devant l'aéroport iront tellement plus vite !
Enthousiaste, je cours vers l'un d'entre eux, tant bien que mal avec mon énorme valise, et toque à la vitre. Je vois le visage de l'homme qui le conduit sursauter et hausser les sourcils. Il ouvrit la fenêtre et approcha sa tête.
- Je peux vous aider ?
- C'est possible de me déposer ici ? Demandais-je en brandant le téléphone devant moi.
Le conducteur parrut surpris. Sa barbe mal rasée, ses cheveux mal coiffés et les manches de sa chemise mal retournées me montraient qu'il n'attachait pas grande importance à la vie. Sa voix rauque et détendue était presque insolente. Il n'avait pas l'air de respirer la joie de vivre, ici malgré lui. Il me dévisagea, alluma son GPS et chercha l'itinéraire. Sans même m'adresser un regard, il me demanda :
- Dis-moi, tu as de l'argent pour payer ?
Oui, mais il est enfoui au fond de mes affaires, et il me faudrait plus de temps pour le chercher que pour rentrer à pied. Je lui adressa un timide sourire.
- On ne fait pas cadeau.
- On m'a toujours dit qu'un sourire vaut tout l'or du monde.
Je ne sais pas ce qui me donnait cet air si confiant et joyeux, mais savoir que ma vie allait à nouveau redevenir simple et normale me poussait à rester optimiste. L'homme ne parrut pas convaincu et commença à fermer la fenêtre. Je toqua à nouveau et mit les mains au-dessus pour l'empêcher de la fermer.
- J'ai de l'argent ! Je dois juste le trouver, je chercherais sur le chemin.
- Vrai ?
- Promis.
Il finit de fermer la fenêtre et me fit signe de m'installer sur la banquette arrière.
- Merci, vous me sauvez !
- Y'a pas de quoi, c'est mon travail.
- Et quel travail !
Il me regarda dans les yeux à travers le rétroviseur.
- Ça ne doit pas être facile tous les jours...
Il essquissa un sourire puis démarra la voiture.
- C'est ça, rattrape-toi !
Moi aussi ça me fit rire. C'est comme si ma vie reprenait son cours normal. Ça me faisait du bien d'être à 100% moi. Plus de Jacob, plus de conseil, de Chris, de Josh, de papa... Non, je n'ai plus de papa... La nostalgie prenait le dessus.
- Tu viens d'où, c'est quoi ce teint tout pâle ?
Il faisait partie de ces gens qui paraissaient renfermés et déprimés, mais qui sont assez sociables et de bonne compagnie en réalité.
- Forks.
Je vis qu'il haussa les sourcils. Forks ? Mais qui dont connaît Forks ici, si ce n'est ma mère ?
- C'est dans l'état de Washington, l'opposé d'ici. On est presque vers l'océan pacifique.
- Et qu'est ce que tu es venue faire ici ?
Une voiture nous coupa la route net. Le chauffeur frenna brusquement, claxona et cria des injures.
- Excuse-moi, tu disais?
Que dire ? Mon père a été tué, je fuis mon copain qui pourrait aussi causer ma mort et je reviens vivre avec ma mère que j'ai haïs et quittée il y a seulement un mois.
- Je suis revenue vivre avec ma mère pour les études...
- Alors que l'année scolaire a déjà commencée ?
Il savait que je mentais, je n'ai jamais su mentir.
- Tu as du courage, toi ! Moi j'ai arrêté avant d'avoir commencé.
Il se mit à rire tout seul. Rien de cela n'était amusant.
- Enfin, je comprends maintenant pourquoi j'ai ce job de merde ! >>
On ne pouvait plus l'empêcher de rire. Il commença à me raconter sa vie de rebelle lorsqu'il était jeune et séduisant. J'écoutais un mot sur deux et ponctuais avec des "Ah oui !", "Waouh !", "Hum, d'accord". À nouveau, je me perdais entre mes pensées et les paysages qui m'entourraient. J'appercevais presque l'océan, Atlantique cette fois. Tous ces palmiers sur le bord de la route me faisaient tourner la tête.

Je n'eus pas le temps de sentir le trajet passer qu'on était déjà arrivé à destination. La voiture prit le virage à gauche et entamma le chemin jusqu'à ma maison. La rue était longue, et ma mère habitait tout au bout.
<< C'est quelle maison ?
- La dernière.
On arriva rapidement devant le portail. J'aperçus immédiatement les voisins qui nous observaient de leur balcon. J'avais pris le temps de sortir mon argent pendant le trajet et le tendit au conducteur. Il me regarda surpris.
- Je pensais que tu m'avais menti quand tu m'as dit que tu en avait.
Ça me fit sourire.
- Tenez.
- C'est bon, garde-les. Ta mère est là ?
Ne jamais dire à un inconnu qu'on est seul chez nous.
- Ouais, elle va sortir d'une minute à l'autre. Merci beaucoup.
- Merci à toi. Aurevoir. >>
Je sortis à peine de la voiture qu'il repartit déjà. Je ne pouvais pas encore apercevoir la maison, elle était cachée derrière une grande haie d'arbres verts. La villa voisine, elle, était presque collée à la route, qui d'ailleurs, était en travaux. Imposante, blanche et marron, elle traduisait bien la richesse de la famille qui y vit. Je ne les connais pas encore, mais quelque chose me dit que je ne veux pas les connaître. Nos deux maisons étaient face au rond point qui permettait de faire demi-tour dans la rue. Le portail était fermé, je dus escalader les grilles pour accéder à la cour de ma maison. Elle était entourée de verdure, on ne pouvait même pas voir l'océan. Elle était également trop grande pour une seule femme. Ma mère devait se sentir terriblement seule. Elle était dans les mêmes couleurs que la villa voisine, et se ressemblaient beaucoup. Je dus en faire le tour pour essayer de trouver les clefs. Je mis dix minutes à chercher, puis je les trouva dans un pot de fleur. Je pris également le temps d'adrimer notre piscine, qui n'était pas là a mon départ. Elle était creusée et paraissait très bien entretenue, pour un mois de novembre. Derrière, se trouvait une grande haie qui délimitait le jardin. Il y avait une sorte de petit portillon qui menait à un plage, ou juste permettait d'admirer la vue, je ne sais plus. Je reviens donc sur mes pas pour enfin entrer. Je tourne la serrure et ouvre la porte. Ma mère est riche, très riche. Ça se voit, tout est luxueux. Enfin, ce n'est pas un palais, mais c'est très loin d'être l'ancienne petite cabane de Forks. Il y a du carrelage, des lustres... Tant de choses semblent avoir changées depuis mon départ. Je savais que ma mère venait d'une famille assez aisée, mais elle ne m'en parlait jamais. Elle m'avait juste dit qu'elle avait une sœur qui vivait au Canada avec son mari et ses enfants, que je n'ai jamais rencontrée. Mon père avait aussi un frère, divorcé, comme lui, et qui avait un fils. Quand on était plus jeunes, on jouait souvent ensemble. Il venait à la maison presque tous les mois et on était assez proches. Et puis, un jour, ils ne sont plus jamais venus. Je ne m'en souviens pas, j'avais sept ans. J'ai même oublié son prénom. Et c'est ce dont j'ai peur : l'oubli. Même si j'en ai besoin, j'ai peur d'oublier Jacob. Même ici, tout me ramène à lui. J'entends encore le son de sa voix me supplier de rester avec lui. Je sens toujours sa main tenter de retenir mon bras, en vain. Et mon père. C'est plus facile, mais je ne veux pas non plus l'oublier. C'est mon père, il doit rester quelque part dans mon cœur un peu d'amour pour lui.

Je m'étais effondrée dans l'entrée, sur ma valise, pendant que je pensais à Jacob. J'entendis le portail s'ouvrir, puis une voiture entra dans la cour et se gara à quelques mètres de moi. Ma mère en sortit et courru en ma direction.
<< Ma chérie, mais qu'est ce que tu fais ici ?!
Elle se rua sur moi et me prit dans ses bras. Ça me dégoûta un peu, mais j'avais besoin de réconfort.
- Tu n'as pas l'air d'aller bien, qu'est ce qu'il s'est passé ? C'est encore ton père, c'est sûr !
Non. Enfin...
- Tout va bien maman, dis-je avec agacement en la repoussant.
- Pourquoi es-tu revenue ?
J'aurais préféré de pas revenir, crois-moi. Quelle connerie devrais-je encore inventer ?
- Je ne sais pas...
On n'est pas haut sur l'échelle de la crédibilité, là !
- Tu t'es rendue compte que vivre avec moi est mieux que vivre avec ton père ?
Acctuellement, ça risque d'être compliqué de vivre avec lui...
- Sûrement...
Elle m'aida à me lever et prit ma valise.
- Viens, on va monter ça dans ta chambre. Tu auras le temps de t'installer, je vais faire la cuisine. Ce soir, je veux qu'on parle toutes les deux, d'accord ?
- D'accord... >>
Non ! Parler avec elle c'est m'assailler de questions horribles auxquelles je ne veux pas répondre, ou pire, je ne sais pas répondre. Mais moi aussi j'ai des questions ! Ce repas risque d'être horriblement gênant...

La Fille Qui Courrait Après Les LoupsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant